Qu’à cela ne tienne, nous nous dispenserons d’intro métaphorique ou de contexte pour une fois. Plongeons directement dans le débat pour introduire les SEMILLA ANIMAL (Animal Seed dans la langue de Shakespeare) qui nous proposent depuis le mois de janvier leur troisième effort longue-durée. Et le terme effort dans le cas de ce sympathique quintette n’est pas un vain mot.
Ces originaires de la ville de Murcia, de la province du même nom et qui s’expriment dans un castillan natal existent en effet depuis la fin des années 90.
Dix-huit ans d’existence au compteur donc, pour seulement une poignée de maquettes et d’albums, puisque visiblement, la stabilité du line-up n’est pas leur fort.
Mais ils se présentent aujourd’hui pour la première fois sous une configuration à deux guitaristes, ce qui semble avoir renforcé leur son, déjà bien épais à la base.
Je me garderai bien d’étaler en ces lignes leur bio qui prend des allures de soap ibère, et je vous renvoie donc à leur page Facebook pour en savoir un peu plus.
Précisons pour la bonne bouche que deux albums sont déjà disponibles, Escarnio publié en 2005, ainsi que Metal Salvaje en 2011. A vous de les débusquer pour en savoir un peu plus sur leur passé.
Concernant cette nouvelle offrande aussi violente que sa pochette n’est gentiment gore (et au trait plutôt grossier, ce qui convient parfaitement à leur orientation, dans un style Ed Repka approximatif), elle vous est proposée suite à une campagne Indiegogo lancée l’année dernière, destinée à lever des fonds pour enregistrer et promouvoir ce troisième LP, à hauteur d’une modeste contribution de trois mille euros.
Visiblement, ce plafond assez bas fut atteint sans dommages, puisque depuis le mois de février, cet El Tio Del Saco est disponible sur les plateformes légales, à la grande joie de tous les amateurs d’un Thrash Death franc du collier, mais non dénué de quelques finesses incarnées.
Il aura donc fallu patienter six ans pour pouvoir suivre de nouveau les aventures de ces espagnols visiblement traumatisés par le Death US des nineties, celui des SUFFOCATION, de CANNIBAL CORPSE, légèrement atténué par quelques prétentions Thrash et Heavy de bon ton qui permettent de ne pas tomber dans la routine d’une agression sans discontinuer.
Ce qui frappe au prime abord, c’est la production étonnamment claire et précise de ce troisième LP, qui rend vraiment hommage aux compositions assez simples et efficaces.
Les guitares sonnent vraiment tranchantes, et la batterie profite d’un écho pas trop profond qui rend les attaques de double grosse caisse (assez éparses) vraiment pertinentes. Dans les passages les plus intenses (et dont les blasts rappellent salement le MORBID ANGEL le plus virulent), les dynamiques suivent sans saturation, ce qui garantit une écoute souple qui ne fatigue pas les tympans.
Bravo donc au groupe pour avoir pu proposer un son aussi clair en dépit d’un budget serré, et finalement, malgré son manque flagrant d’originalité, El Tio Del Saco se révèle être un album très solide et performant dans son créneau, se permettant même quelques incursions en terrain groovy assez remarquables.
Une vidéo a d’ailleurs été tournée en studio pour illustrer en images le très accrocheur « Nivel Superior », qui nous rappelle parfois les meilleurs moments du DEATH de tradition, mais aussi le MALEVOLENT CREATION le plus irritable. Sifflantes, tempo posé, voix caverneuse, c’est évidemment plus du Death que du Thrash, mais les multiples changements de tempo et ces segments en mid qui nous ramènent vers la Bay Area offrent une combinaison intéressante, et surtout, diablement entraînante.
Les SEMILLA ANIMAL ne sont d’ailleurs pas figés sur un format de morceau unique, à l’inverse de bon nombre de leurs homologues, ce qui leur permet de distiller des interventions de quelques secondes (« Mosquito Cabron », soixante-neuf, et un sale moustique qui vous vole autour des oreilles, « No Lo Sabo », pochade Death/Grind drôle et percutante avec soli hystériques et chœurs pas vraiment dynamiques), tout comme des titres plus stables et osons le terme, « évolutifs ».
« Nacido Para Ordeal » et « Desinformacion » font d’ailleurs partie des saillies les plus travaillées de l’ensemble, au même titre que « Hijo Puta », mais chacune d’entre elles possède une patte personnelle.
Si le premier joue l’outrance et les lignes de chant à la Chris Barnes/Mitch Harris, sur nappes de blasts frénétiques, le second se veut plus lourd et dissonant, puis gras et pesant, tandis que le dernier cavale d’une belle énergie Thrash/Death.
Mais la grosse pièce d’El Tio Del Saco est évidemment ce « Reventar » qui frise les six minutes, et qui place d’emblée une longue intro mélodique sur le passage, histoire de brouiller les pistes.
On pense même à l’ambiance du séminal « Brain Death » de NUCLEAR ASSAULT pour cette mise en place mélodique en crescendo, avant que l’attaque frontale ne déroule un Heavy fatal. Dès lors, le quintette castillan déploie une force de frappe conséquente, et tente l’optique d’un Heavy Death vraiment épais mais une fois de plus très catchy. Riffs simples mais mémorisables, rythmique posée qui se lâche lorsqu’il le faut, complémentarité unifiée des guitares, ça fonctionne à plein régime, ce que confirme le final « Ratas » et ses fausses dix-sept minutes qui n’en sont en fait que cinq.
Précision dans la violence, arrangements simples de chœurs de stade, c’est plus qu’efficace et convaincant, et après une bonne douzaine de minutes de shunt, les SEMILLA ANIMAL terminent leur troisième effort studio par une petite jam impromptue, à cappella, accompagnés d’une sympathique guimbarde et d’une tentative d’imitation vocale de saxo.
Un quintette qui prend donc les choses à cœur sans se prendre au sérieux, pour trois gros quarts d’heure de Death subtilement atténué de Thrash et de Heavy enflammé. Un bel exercice de style qui prouve surtout que l’abnégation finit toujours par payer, et souhaitons à ces espagnols de pouvoir tourner dans de bonnes conditions pour assurer leur promotion.
Titres de l'album:
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