Je pense qu’au bout d’un certain temps, on sait qui on est, ce qu’on veut, et ce qu’on vaut. S’il est aussi possible de rester dans le flou toute son existence, la plupart du temps, un individu aura fait le tour de sa question, et résolu toutes les énigmes. Il en va de même pour les artistes, qui mettent parfois longtemps à trouver leur voie, mais qui une fois la satisfaction artistique assurée, perdurent dans un état de grâce qui permet toutes les audaces, même les plus étranges.
Depuis 2008, CORPUS DIAVOLIS a largement eu le temps de roder sa recette. En plus de quinze ans d’existence, le groupe marseillais est passé du statut d’espoir à confirmer à celui de valeur sure de la scène européenne, finissant même par signer sur la référence Les Acteurs de l’Ombre à l’occasion de la sortie d’Apocatastase, chroniqué en ces colonnes.
En trois ans, CORPUS DIAVOLIS n’a guère changé, mais s’est légèrement assombri. Apocatastase était déjà une œuvre maîtresse, et peut-être même le pinacle d’une carrière encore verte. Mais une fois digéré l’énorme repas servi par Elixiria Ekstasis, les constats changent et les avis divergent. Ce cinquième longue-durée serait-il celui de l’apogée ? La question méritera qu’on s’y arrête dans quelques mois/années, et en attendant, il est très simple d’apprécier un disque enregistré la haine au cœur et la misanthropie en bandoulière.
Toujours aussi friand de décalage, CORPUS DIAVOLIS nous hypnotise une fois encore de ses mélodies acides superposées à une rythmique massive. Doté d’une production de proportions babyloniennes, Elixiria Ekstasis est une ode charnelle aux plaisirs du même nom, un blasphème poétique récité d’une voix grave et rauque, un essai sur les impies qui brûlent en se délectant de la chaleur des flammes, et plus prosaïquement, une œuvre qui combine la grandiloquence du Black Metal et la sècheresse agressive du Death des années 2000.
She raises high her Chalice and offers her blood, the Elixir of Ecstasy.
Babalon, la grande prostituée, liée à la nature et sa fertilité orne donc cette pochette noir et blanc au sang bien rouge. Les deux cuisses ouvertes pour accepter le coït et enfanter d’un monstre, pour que le cycle naturel se poursuive. Pour en décrire l’état d’esprit et le mythe, les cinq marseillais (King HaD - batterie, Analyser - guitare, Dæmonicreator - chant, Funeral - basse et Kericoff - guitare) n’ont pas lésiné sur les moyens ni économisé sur le décor. On est immédiatement happé car cette célébration d’une violence rare, mais d’une majesté indéniable.
Cette hybridation trouve sa plus belle incarnation dans la diversité des pistes. Il est en effet impossible de reprocher au groupe d’avoir composé un morceau avant de le photocopier jusqu’à ce qu’il en devienne inécoutable, tant les approches, les atmosphères et les humeurs changent, sans perdre de leur cohérence. « Cyclopean Adoration », gros morceau placé en première partie, propose par exemple une longue litanie funèbre entre Death suffocant et Doom grandiose. La lancinance rythmique, ces guitares qu’on croirait empruntées au flight-case de MY DYING BRIDE et CANDLEMASS, ces voix de ténor qui se perdent dans le brouillard, le tableau dépeint est sombre, mais l’ensemble dégage une vitalité morbide assez impressionnante. Si les effets ont une part à jouer dans ce maelstrom, ils ne servent que de glaçage, tant le gâteau est nourrissant par lui-même. Imprévisible, quoique très proche des travaux de 1349 lorsque la vitesse grimpe, CORPUS DIAVOLIS tient à sa singularité, et incarne en quelque sorte la vitrine du BM français que les européens et américains nous envient tant.
Le fond est certes classique, la trame parfois simple à suivre, mais la forme est époustouflante. Loin d’un ballon de baudruche qui se dégonfle au moindre choc, Elixiria Ekstasis est un élixir rare qui procure une extase des sens, et qui vous enivre plus efficacement qu’un filtre d’amour ou qu’un alcool fort. La gueule de bois est donc évitée, mais la luxure suinte par tous les pores. Et les sentiments, contraires, complémentaires, permettent des chevauchements intéressants, et des transitions culottées. Ce qu’on note sur le maléfique et insidieux « Vessel Of Abysmal Luxury » qui une fois encore accentue le côté théâtral pour mieux décrire les agapes chéries par cette prostituée de la mythologie.
Aussi amer qu’il n’est sucré, aussi épicé qu’il n’est doux, ce cinquième album est un modèle de menu au choix vaste. Il y en a pour tous les goûts, que vous soyez porté sur l’efficace et immédiat, ou sur le surprenant et le durable. Entre bestialité clinique nineties et décorum de péplum des années 2000, Elixiria Ekstasis est une cérémonie donnée en l’honneur de l’horreur, et de la communion avec la nature la plus profonde et luxuriante. On se rend compte que cette pochette qui à la base ne sert que d’ornementation est finalement l’image qui hante vos rêves lorsque la musique prend corps, et le cauchemar dissonant, expérimental, avant-gardiste et presque symphonique transforme la nuit en bête sauvage prenant possession de votre âme.
Une seconde partie d’album plus humble rétablira un équilibre instable, avec des titres plus formels et moins alambiqués, mais avec un final de la trempe de « Chalice of Fornication », CORPUS DIAVOLIS insiste sur ses ambitions, et refuse de baisser pavillon. Epique, traumatique, sensationnel et très actuel, Elixiria Ekstasis garde le niveau de qualité atteint par les deux albums précédents, mais ne s’en contente pas. Il va beaucoup plus loin, beaucoup plus fort, et beaucoup plus longtemps.
On embrasse cette instrumentation aux choix étranges et aux sonorités parfois orientales, pour mieux se perdre dans ce mysticisme de fornication, de stupre et de liquide séminal. La saillie est violente, les partenaires nombreux, et l’orgasme de proportions mondiales. Ce qui coule n’est pas toujours très ragoutant, mais les sens réclament parfois une essence particulière pour être stimulés.
Et l’écoute de cet album laisse exsangue, comme un rapport si long que la moindre goutte de transpiration a été évaporée par les chairs bouillantes. Soyez prêts, l’union va se célébrer dans l’excès. Ce qui sied le mieux à ce groupe unique et sans aucune pudeur.
Titres de l’album:
01. His Wine Be Death
02. Key To Luciferian Joy
03. Carnal Hymnody
04. Cyclopean Adoration
05. Vessel Of Abysmal Luxury
06. The Golden Chamber
07. Menstruum Congressus
08. Enfleshed In Silence
09. Chalice of Fornication
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