Metal symphonique à relents Power, Frontiers, je m’attendais à un nouveau groupe venu d’Italie ou du Nord de l’Europe, mais las, les surprises sont donc par définition…imprévisibles. Les SEVEN SPIRES n’en sont donc d’une pas à leur coup d’essai, et ne viennent ni de Naples ni de Stockholm, mais bien de Boston, dans le Massachussetts, et nous offrent donc leur second album trois ans après le premier. C’est Solveig qui mit le feu aux poudres en 2017, avec son subtil mélange de fragrances fortes, et c’est à Emerald Seas de prendre la suite, alors même que le thème de l’album est une préquelle de l’album précédent. Suite musicale pour évènements contextuels a priori, le contraste ne manque pas de piquant, tout comme l’art maintenant confirmé des américains pour prendre à contrepied tous leurs détracteurs potentiels. Sur le papier, SEVEN SPIRES a en effet tous les atouts pour séduire un public avide de sensations symphoniques un peu en toc, mais la réalité est bien différente. En effet, le quatuor est composé de pointures qui se sont rencontrées sur les bancs de la Berklee College of Music, et donc constitué d’instrumentistes connaissant leur métier, et d’une chanteuse très versatile, qui sait utiliser ses capacités au maximum dans tous les registres pour ne pas nous faire bailler avec des envolées lyriques répétitives. Ce qui n’est pas non plus répétitif, c’est cette musique qui couvre un terrain assez impressionnant, du Heavy pur et dur au Power échevelé, maintenant les allusions au Folk, à la Pop, mais aussi au Rock plus traditionnel, pour accoucher parfois de chansons si parfaites qu’on en vient à questionner le jeune âge des participants. Les bostoniens ont une fois encore bénéficié des soins éclairés du maestro Sascha Paeth (AVANTASIA, KAMELOT, EPICA) qui a mixé et masterisé ce second LP comme le premier, mais cette histoire de fidélité n’est pas étonnante. D’une parce que le combo mérite toutes les attentions, et d’autre part, puisque ce cher Sascha a fini par bombarder Adrienne Cowan comme chanteuse de son nouveau projet solo SASCHA PAETH’S MASTERS OF CEREMONY.
Ajoutez à ça que la tempétueuse vocaliste fait aussi partie des têtes chantantes d’AVANTASIA, et vous comprendrez pourquoi cette nouveauté est à considérer avec le plus grand des sérieux. Car sans prétendre que les américains révolutionnent un style qui prône souvent le statu quo, ils soufflent un vent d’air frais sur ses flancs les plus rigides, permettant au genre de se montrer plus convaincant et persuasif qu’à l’ordinaire. Les fans ayant investi leurs deniers dans la campagne de financement participatif de Solveig doivent aujourd’hui être ravis de leur investissement, qui a permis au groupe de se retrouver à l’affiche de grand évènements comme le MetalDays, le 70,000 Tons of Metal, ou le ProgPower USA, mais surtout, armés jusqu’aux dents et disposant d’un soutien de poids en Frontiers pour ce second album qui reprend les choses avant que le premier album ne les aient entamées. SEVEN SPIRES est un peu dans les faits l’antithèse du groupe de Metal Symphonique lambda. En effet, dans ce créneau, les chanteuses en font souvent trop tout en se montrant inflexibles sur leur inspiration opératique, défaut majeur que la talentueuse Adrienne Cowan balaie d’un hurlement bien grave. La chanteuse sur ces douze morceaux et intro nous prouve qu’elle ne supporte aucune contrainte ni barrière, et capable de nous charmer d’une mélodie éthérée pour mieux nous concasser de grognements Death quelques instants plus tard. Et cette façon qu’a le groupe de traiter plusieurs genres pour les synthétiser en un seul rappelle un peu la magie des CHTHONIC sur le terrifiant « Drowner Of Worlds », le morceau le plus long du lot, qui n’est pas non plus sans évoquer CRADLE OF FILTH ou même KING DIAMOND dans une version plus appuyée. Et faites-moi confiance, un groupe capable de passer d’une humeur à son opposée sans perdre de sa cohésion est rare, très rare.
Ce contraste s’opère la plupart du temps entre les morceaux, mais peut aussi se retrouver au sein d’un même contexte, lorsque le quatuor (Adrienne Cowan - chant/clavier, Jack Kosto - guitare, Peter Albert de Reyna - basse et Chris Dovas - batterie) n’hésite pas à aérer des thèmes limites Death avec un chant féminin subtil et un refrain purement Heavy Metal. C’est ainsi qu’on se retrouve bousculé par des hits de la trempe de « Unmapped Darkness », sorte de dramatisme Heavy/Power de première catégorie qui se joue des frontières, et qui profite de riffs simples sublimés par une chanteuse vraiment capable. Cette chanteuse justement s’avère point de focalisation indéniable, malgré le potentiel technique de ses acolytes, qui ne bricolent pas en arrière-plan. Si la rythmique est évidemment solide et puissante, ce sont les soli de Jack Kosto qui s’illustrent dans un registre néo-baroque à la Malmsteen, et qui apportent une plus-value à l’ensemble qui n’en avait déjà pas vraiment besoin à la base. Le talent des américains éclate donc au grand jour, et ce second album, plus qu’une simple confirmation, est l’explosion d’un potentiel, l’éclat d’un diamant déjà ciselé, qui transcende le Heavy Metal symphonique le plus classique pour le transformer en joyau teinté de Folk qui relègue la concurrence à des années lumières (« Silvery Moon »). Impossible en effet à l’écoute d’Emerald Seas de ne pas penser à un leader d’une nouvelle génération capable de reléguer les NIGHTWISH dans les abysses de souvenirs déchus, et si la seconde moitié de l’album s’offre un climat plus tamisé, les morceaux n’en sont pas moins fascinants. Car si Adrienne est capable des plus étonnantes prouesses, elle est aussi à la base une excellente chanteuse de Metal, ce que « Bury You » démontre de son classicisme.
Et entre cette intelligence de composition qui refuse l’immobilisme, et cette chanteuse capable d’incarner toutes les vocalistes les plus célébrées de la scène à elle seule, Emerald Seas devient une œuvre très difficile à classer. On choisit le terme de Metal Symphonique par facilité, mais le quatuor s’apparente souvent à une forme très personnelle de Metal extrême, à la frontière d’un Death mélodique pas franchement avoué (« Fearless »), un peu comme si AVANTASIA avait dopé sa musique pour écrire un concept-album mêlant agressivité et douceur, en poussant au paroxysme tous ses aspects (« The Trouble With Eternal Life »). SEVEN SPIRES se montre donc sous un jour particulièrement flatteur, et risque d’obtenir la reconnaissance universelle qu’il mérite, d’autant que l’album se termine sur un très joli (presque) instrumental qui laisse une impression de plénitude. Carton plein donc pour les américains, et bonne opération pour Frontiers qui vient de signer l’un des groupes les plus intéressants de sa génération.
Titres de l’album :
01. Igne Defendit
02. Ghost Of A Dream
03. No Words Exchanged
04. Every Crest
05. Unmapped Darkness
06. Succumb
07. Drowner Of Worlds
08. Silvery Moon
09. Bury You
10. Fearless
11. With Love From The Other Side
12. The Trouble With Eternal Life
13. Emerald Seas
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