Né du chaos de la pandémie de 2020, RÄUM était dès le départ placé sous des auspices étranges. Nul n’a pu oublier cette période durant laquelle le temps s’est étrangement arrêté, paralysant des nations, confinant des familles désespérées, tout en fauchant en plein vol des millions de victimes. Il était donc impossible que le quatuor belge s’exprime dans un autre langage que celui de la colère et du désespoir, et c’est justement sur la dualité que le concept s’est reposé. Alors que Cursed By The Crown était un pur produit de son époque, les débats évoluent aujourd’hui vers quelque chose de plus insidieux, imitant ce virus de la grippe qui s’insinuait dans les chaumières comme un invité non désiré.
Toujours défendu par les Acteurs de l’Ombre, RÄUM revient deux ans plus tard, alors que cette période traumatique est désormais derrière nous. Mais le propos n’a pas changé, les intentions non plus, et on sent que la marge de progression du groupe (Xavier Legrand - batterie, Jérôme di Naro & Geoffrey Deghaye - guitares et
Olivier Jacqmin - chant) est encore très large. Mais en attendant une maturation plus que plausible, les sept morceaux d’Emperor of the Sun claquent comme des coups de fouet assénés par un destin plus que chafouin, qui prend un malin plaisir à rendre les années de plus en plus difficiles.
Climat anxiogène, paranoïa, peurs raisonnables et terreurs nocturnes, 2025 semble avoir ouvert la boite de Pandore en laissant à la tête des pays des imbéciles extrémistes encore persuadés que les vilains immigrés sont la cause de tous nos maux. Mais nous sommes tous responsables de cette situation, en tant qu’acteurs mais aussi en tant qu’observateurs passifs, qui laissent les choses se dérouler comme prévu dans les bibles et autres textes sacrés. Mais le but de ce deuxième album est plus personnel et intime. Le projet permet d'approfondir le concept de dualité qui nous habite, nous invitant à plonger encore plus loin dans les abîmes de la condition humaine.
Et ces abimes sont d’une noirceur sans équivalent dans la nature.
Plongé dans la nuit, le collectif belge en ressort avec une tonne de cauchemars à analyser. Si l’emphase est encore plus palpable que sur le premier album, ce second long ose une diversité plus prononcée, et quelques accalmies typiques d’un Post Black bourgeonnant. Néanmoins, le fond de l’air reste brûlant, agressant les chairs de sa température excessive, dans la plus pure tradition d’un BM nordique agressif et pugnace, comme le démontre sans ambages « Towards the Flame », pamphlet incendiaire pour égoïstes sans remords.
Acceptant le legs des scènes suédoise et norvégienne, tout en replaçant le contexte dans une Europe de l’ouest, RÄUM fait le lien entre passé et présent, et analyse avec beaucoup de pertinence la continuité d’une situation immuable, l’homme se persuadant que sa propre destruction est encore très loin devant lui. Pour traduire cette inconscience, le groupe a recours à des effets classiques, concentrés sur des riffs virevoltant se cassant soudainement sur une envie de silence, pour mieux laisser la rythmique repartir de plus belle dans un délire chaotique assourdissant.
Toujours enraciné dans la culture Black, mais ouvert à des suggestions externes, RÄUM peut compter sur la créativité d’un instrumental riche, qu’il oppose à ce chant systémique raclé et arraché d’une gorge fatiguée. Membres d’une génération blasée par tant de laxisme et de complaisance, les musiciens jouent donc leur va-tout comme si la fin d’un monde était programmée pour la semaine prochaine, et nous bouscule dès « Eclipse of the Empyreal Dawn » de son empressement extrême en puissance majeure.
Le son de l’album, digne d’une cathédrale désacralisée met en relief la richesse de l’expression et l’épaisseur de la construction. Lorsque les watts se calment et acceptent une baisse de régime, chaque note est clairement discernable, et l’atmosphère se transforme, toujours focalisée sur cette dualité humaine qui cherche la quiétude au milieu du chaos.
La narration suit donc une progression constante, appuyée par une alternance remarquable entre intensité et déviances. « Obscure » ose même le pilonnage systématique pour mieux appuyer sur les traumas, nous renvoyant à l’essence même du nihilisme BM. Mais ici, pas question de ne croire en rien, ce qui est rigoureusement impossible par essence. RÄUM croit en sa fonction de porte-parole d’une génération sacrifiée, tout en acceptant les fondements d’une humanité dont les travers n’ont fait que s’accentuer à travers les siècles. Cet affrontement entre deux écoles et deux temporalités découle sur un Black Metal certes âpre et insistant, mais aussi tressé d’un filigrane plus contemporain, dont la porosité laisse passer des éléments de Post, d’extrême plus généraliste, et d’une théâtralité presque excessive.
Conscient des enjeux, le groupe affirme sa direction artistique sur le monstrueux et mobile « Emperor of the Sun ». Superbe title-track dans le sens le plus noble du terme, cette longue suite continue le travail de sape, mais plante aussi les graines d’une énorme discorde à venir. On comprend alors que le quatuor se pave une voie royale sur la scène mondiale, en ambivalence entre histoire et avenir en pointillés.
Ouvrant le champ des possibles au maximum, Emperor of the Sun rend son aîné obsolète, tout en utilisant sa mécanique pour fidéliser une fanbase grandissante. Les hurlements glaçants d’Olivier Jacqmin n’ont d’humain que l’appellation, alors que les deux guitares de Jérôme et Geoffrey continuent de tisser leur toile d’amertume dans le brouillard d’un autre petit matin blafard.
Crescendo orgiaque, pièce tragique en plusieurs actes, pluie acide qui fait fondre les cuirasses, Emperor of the Sun est aussi implacable qu’il n’est intelligent. Une histoire certes connue de tous, dont l’issue ne laisse guère place au doute, mais qui trouve ici une transposition musicale à l’échelle de ses contradictions. Lutter pour la survie tout en détruisant son environnement, un énorme rocher qui tremble sur ses bases, que l’on bouscule tout en renforçant les solives qui l’empêchent de tomber.
Mais tout ce qui monte finit par descendre.
Titres de l’album:
01. Eclipse of the Empyreal Dawn
02. Nemo Me Impune Lacessit
03. Grounds of Desolation
04. Towards the Flame
05. Obscure
06. Emperor of the Sun
07. A Path to the Abyss
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38