Savoir qu'on n'a plus rien à espérer n'empêche pas de continuer à attendre.
Cette citation extraite d’A la Recherche du Temps Perdu de Marcel Proust illustre parfaitement la condition humaine d’aujourd’hui. Alors que la société part à la dérive, que les comportements sectaires et corporatistes se multiplient, que la xénophobie s’affiche au grand jour, comme l’homophobie, la misogynie, que les actes de violence éclatent comme des pétards de 14 juillet, que la température globale grimpe en flèche et que le vingt-et-unième siècle pourrait bien être le dernier, un soupçon d’espoir subsiste. Celui futile qui consiste à croire que la tendance peut être inversée, et qu’un retour - non à la normale, mais bien en arrière - est toujours possible. Mais les climatologues ruinent constamment cet espoir en nous annonçant que l’échéance est bien en vue. Nous allons tous nous éteindre comme nos ancêtres les dinosaures, et il n’y a rien qui puisse arrêter cela.
Alors, nous attendons. Quelque chose, une lumière, un vague espoir, une possibilité, une éventualité, une dérisoire échappatoire, une porte de sortie dérobée. Heureusement pour notre enthousiasme, certains artistes enfoncent le clou dans les nuages noirs, et nous condamnent à faire face à l’évidence, en traitant le temps comme la donnée immuable qu’elle est. Nul ne peut le ralentir, encore moins le stopper.
TIME LURKER cherche depuis longtemps un moyen de nous rendre notre lucidité. En un album et un split, le one-man-band strasbourgeois a construit un univers de désespoir, d’ombre et de lumière, de projections mentales et de constatations irréfutables. Soutenu par la référence des Acteurs de L’Ombre, Mick continue donc son exploration des chagrins et de l’oubli, avec un deuxième longue durée aussi poétique qu’il n’est fatal et définitif.
Emprise. Cet album en a sur nous, tout comme le premier éponyme en avait aussi. Il aura fallu sept ans à ce musicien mystérieux pour donner une suite à sa propre légende, suite qui se compose de cinq chapitres de durées inégales et d’ambiances multiples. Toujours adepte des longues digressions nostalgiques et amères, Mick brosse une fois encore le portrait d’un monde qui glisse sur sa propre pente de morgue, et nous déroule le tapis rouge sang d’une constatation inévitable :
Disparitions, cris, hurlements, souffrance et désillusions.
Néanmoins, et aussi noir soit ce disque qui ne fait aucun compromis, la mort nous apparaît comme une solution assez viable, et pas si terrible à envisager. Mais Emprise est loin d’une homélie évidente et facile comme les artistes de Black atmosphérique savent les rédiger. Non, il y a de la vie dans ces chansons, au-delà de ce chant qui semble se faire l’écho de prédictions anciennes, entre les percussions tribales et les pauses harmoniques qui permettent de reprendre son souffle. Seul aux commandes, Mick tisse une fois encore sa toile au plafond de notre sensibilité, et nous touche de son contraste entre violence et quiétude, une quiétude amère qui cache en fait un désespoir profond. « Cavalière de Feu », la véritable entame, d’une intensité rare, évoque tout autant le passé nordique que l’actualité française. Amateur de chevauchées de l’apocalypse, TIME LURKER fouille dans les moindres recoins une trace de temps qui reste, et refuse le statisme si pratique qui nous place en victimes qui n’ont pas à se justifier.
D’une longueur raisonnable, ce deuxième album est un monument de haine viscérale, de colère ouverte, et de rage qui laisse de l’écume aux lèvres et aux tympans. Cette guitare en fond qui rumine ses motifs concentriques, cette batterie inépuisable qui martèle un tempo d’Armageddon, ces graves qui planent mais qu’on ne distingue pas dans le brouillard, et cette énorme place laissée par le chant pour que l’instrumental respire sont autant de composantes d’un hymne à l’abandon et à la renonciation.
« Poussiere Mortifere » incarne peu ou prou la formule avec une acuité impressionnante. En neuf minutes de divagations nocturnes et de constats diurnes, ce morceau impose une grandiloquence de départ, comme si notre extinction devait se fêter au son d’un maelstrom grandiose et lumineux. La cohérence d’ensemble donne froid dans le dos, et si la misère apparaît plus supportable à l’ombre, elle n’en est pas moins très dure à accepter. Une misère affective, une misère intellectuelle, une misère de vie.
Une misère tout court.
« Disparais, Soleil » prévoit même cette éclipse définitive qui aura lieu dans quelques siècles. Mais la mort de l’astre ne sera pas la nôtre. Non, nous passerons au trépas comme une dernière victoire de la nature, et personne ne creusera de tombes pour honorer notre mémoire.
Et quelle mémoire d’ailleurs ?
Celle d’un « Fils Sacré » que Dieu a mis sur terre pour la faire prospérer et cohabiter avec les espèces. Une terre qui a finalement été exploitée jusqu’au noyau, et qui nous fait aujourd’hui payer le prix de notre bêtise avec de sacrés intérêts. Emprise est une expression, naturelle, en phase avec les éléments, qui se meut entre les émotions et les dissensions. Un cri primal domestiqué et dont les formes épousent celle d’un background aussi rude que sensible.
Savoir qu'on n'a plus rien à espérer n'empêche pas de continuer à attendre.
Non, effectivement. L’attente ne coûte rien de plus que les heures qu’elle consume.
Titres de l’album :
01. Emprise
02. Cavalière de Feu
03. Poussiere Mortifere
04. Disparais, Soleil
05. Fils Sacré
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