Deux labels français, un groupe suisse et un autre turc, pour un partage de faces international donnant la parole à deux entités maléfiques, soutenues par deux structures blasphématoires. Ainsi se définit donc ce split qui permet aux lubriques SARINVOMIT et aux sadiques EGGS OF GOMORRH de confronter leur vision de l’extrême, qu’ils ont déjà partagée sur scène. Intéressant de constater le format de ce split, qui offre donc une tribune égale à chaque participant, et qui superpose deux morceaux studios et deux en concert, histoire de nous offrir une réflexion parfaite. Ce qui est loin d’être parfait par contre, c’est la technique d’un des deux combos concernés, qui n’a que faire du solfège et qui préfère s’intéresser aux possibilités offertes par le chaos le plus dur.
Mais ne manquons pas de politesse et introduisons avec du lubrifiant verbal ces deux formations. D’abord, Istambul, avec SARINVOMIT qui depuis 2013 prend un malin plaisir à blackiser le Thrash le plus sale, et qui a déjà narré ses histoires de débauche, de nihilisme, de guerres nucléaires et autres contes pour grands enfants sur une démo, un EP et un long, Malignant Thermonuclear Supremacy, publié l’année dernière. Au menu de leur intervention, deux pistes studio, pour moins de dix minutes de bestialité pure, et une continuité de leur œuvre qui ne fait pas dans la dentelle. Si d’aventure, vous vous étiez toujours demandé ce que pourrait donner une envie soudaine de POSSESSED de jouer du MAYHEM première époque, soyez satisfaits, puisque le quintet (Godslayer et Inquisitor - guitares, Tyrannic Profanatör - chant, Fiend - basse et K.C - batterie) répond à votre interrogation avec beaucoup d’application dans la perversion, utilisant une rythmique à base de blasts, assez sommaire, pour y broder des thèmes noirs, méchants, paillards, sur fond de riffs basiques, mais somme toute assez efficaces. C’est à peu près aussi raffiné qu’un reportage de NRJ12 sur les sectes sataniques à Marseille, aussi ouvragé qu’une peinture au rouleau, mais ça gicle, ça charcle, ça saigne, et surtout, c’est assez entêtant, pourvu que la philosophie la plus gauche et immature soit en adéquation avec votre façon de penser. Par contre, les deux morceaux live captés au NRW Deathfest, Allemagne vous offriront un aperçu du barouf que les turcs sont capables de faire sur scène. Avec une qualité sonore au moins égale à un vieux magnéto branché sur une table de mixage en triphasé, on se replonge dans l’époque bénie du Live In Ski de MAYHEM, tentant vainement de comprendre un riff, ou de saisir au vol la moindre note de base. Mais l’investissement hargneux de Profanatör, la folie ambiante, et une certaine complaisance dans la brutalité rendent les efforts de SARINVOMIT assez notables, ce qui n’est pas une mince affaire…
EGGS OF GOMORRH n’a donc aucun mal à succéder à nos amis turcs, et délivre donc une solide prescription de Black Death via le même quota que ses compagnons du jour. Dans un registre plus clean, mais pas moins dégoulinant, les quatre suisses (Goatperv - batterie, B.N.G.V - chant, J.Fhrr - guitare et Kskksk - basse) de Genève se rapprochent donc des cimes horrifiques autrefois atteintes par ARCHGOAT, BLASPHEMY, BESTIAL RAIDS, et tentent avec brio de mélanger le Death le plus cruel au Black le plus éternel, se livrant à une joute musicale avec leurs potes/adversaires de split pour savoir qui fera plus de barouf que l’autre. Niveau intensité, le match est déclaré nul, mais niveau technicité, les suisses ont quatre ou cinq longueurs d’avance sur leurs conjoints d’un soir, puisque « Shrine of Disgust » se rapproche intelligemment d’un crossover savant entre MORBID ANGEL et SUFFOCATION, avec parties de batterie ultrarapides, riffs touffus, variations velues, et un passage en revue de toutes les tendances les moins avouables de l’extrême. Existant depuis 2008, le combo a largement eu le temps de roder ses coups-fourrés, et nous a déjà gratifiés d’un full-lenght en 2016, Rot Prophet, sur lequel nous pouvions jauger leur état de dégénérescence. Les choses ne se sont pas arrangées depuis, mais cette façon de combiner la méchanceté crue à une certaine précision rend les genevois plus fascinants que leurs compères, et tirent admirablement bien leur épingle du jeu lors de l’épreuve du concert. Evidemment, nous sommes loin de JUDAS PRIEST ou de RUSH en termes de finition, mais la basse est audible, les plans techniques discernables, et la voix légèrement sous-mixée se mettent d’accord pour instaurer une ambiance presque mystique, qui finit par provoquer l’adhésion. D’ailleurs, les deux morceaux live sont les plus savoureux du répertoire des EGGS OF GOMORRH, retranscrivant à merveille leurs capacités in situ, et dégageant une puissance phénoménale. Bonne opération donc pour les suisses, qui pourraient bien à force de travail incarner le renouveau européen du Black/Death.
Ils sortent donc grands vainqueurs de cette compétition amicale qui n’en est pas une, et nous pouvons remercier Krucyator Productions et Atavism Records pour nous avoir servi sur un plateau cette tranche de mort en vie. Pas forcément de quoi se relever la nuit, mais un intermède appréciable qui permet de découvrir deux groupes ne déméritant pas, et affirmant leur personnalité dans deux créneaux bien différents, aux multiples points communs.
Titres de l’album :
1.Sarinvomit - The Glorious Might of Deccal
2.Sarinvomit - Screwing the Nailed Prophets
3.Sarinvomit - Spreading VX Gas Over Kaaba (live from NRW Deathfest, Germany)
4.Sarinvomit - Pandemonic Radiation Descends (live from NRW Deathfest, Germany)
5.Eggs of Gomorrh - Redemption Martyr
6.Eggs of Gomorrh - Shrine of Disgust
7.Eggs of Gomorrh - Goat Inkvizitor (live in Hamburg)
8.Eggs of Gomorrh - Whore of Sodom (live in Hamburg)
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