Back to R'lyeh - The Break
mais je vous propose ici une cuvée très spéciale, d’un coteau ensoleillé à la terre riche, produisant un nectar que les amateurs s’arrachent comme la dernière grappe pendue à la vigne. Pour ceux qui ne connaitraient pas l’histoire, BACK TO R'LYEH est un groupe madrilène qui depuis plus de dix ans nous enchante de sa musique hors-norme. Le seul reproche formulable à l’encontre des espagnols reste leur discrétion gênante au regard de leur immense potentiel qui aurait déjà pu produire quatre ou cinq œuvres majeures. Mais ne nous plaignions pas, puisque deux longue-durée sont déjà venus éclairer nos ténèbres, et ce nouvel EP vient boucher un trou de trois ans dans leur emploi du temps de la meilleure façon qui soit.
BACK TO R'LYEH est évidemment fasciné par ce cher Lovecraft comme son nom l’indique, mais va plus loin qu’une simple admiration thématique pour adopter les contours musicaux de la pénombre littéraire. En gros, et pour être un chouïa plus clair, le septuor (Adrián Hernández Puente, Manuel Novoa & Juan Manuel Fernandez: guitares, Pablo Sánchez: basse, Jesús Lanzarote : chant/claviers, Alberto Martín Pérez : batterie et Víctor Duro: chant) s’aventure sur le chemin du Rock/Metal progressif le plus original qui soit, celui qui revisite le Classic Doom italien, l’expérimentation à la française de MAGMA, la tradition de l’école de Canterburry, mais aussi les errances étranges et les aventures iconoclastes de l’écurie Ipecac, avec en bonus, un large sourire adressé à la clique des NOMEANSNO.
Tout ça vous allèche ? Il y a de quoi, puisque The Break a des airs d’opéra maudit, de labyrinthe nocturne durant le carnaval de Venise troublé par la présence de Machiavel, et se pose là en tant que travail incroyablement original, mais aussi efficace, ce qui n’est pas la moindre des combinaisons. Claviers cachés dans les années 70 derrière GOBLIN, théâtralité de surface qui entraîne une interprétation fantasque, groove rythmique incroyablement gluant et souple comme des sables mouvant, production immaculée, The Break est une petite merveille qui rappelle à bien des égards quelques touristes fameux. Chacun identifiera lui-même les parallèles entre cette musique incroyablement dense et virtuose et les cadors du créneau, mais pas forcément les plus évidents.
Mais en l’état, et aussi bref soit-il (les mecs sont plus habitués à l’heure de jeu qu’à la demi-heure), The Break replace les espagnols sur la carte du progressif avant-gardiste et baroque. Ce qui est tout à fait normal, puisque cet EP décline tous les visages possibles, en commençant par le classique (« The Dream », qu’on pourrait trouver sur un album de PORCUPINE TREE), le Rock branque qui sent le cirque (« The Voices »), l’alambiqué opératique chez mémé (« The Break », grandiloquent et dépravé, entonné et braillé comme un ours mal réveillé), et la synthèse d’un parcours sans faille (« The Ritual », huit minutes de bonheur païen).
Six euros sur le Bandcamp, mais un sacré investissement, qui en plus donne des indices sur la suite des évènements. Qu’on attend évidemment avec une sacrée impatience.
Titres de l’album:
01. The Dream
02. The Voices
03. The Break
04. The Ritual
Leather Brigade - Pray to the Knife
Une pochette qui rappelle un giallo Punk de derrière les fagots, une philosophie simpliste et une musique ne l’étant pas moins, voilà l’univers des roumains de LEATHER BRIGADE, qui souhaitent rendre ses galons au triptyque CCC (cuir/clous/couteaux), et qui y parviennent sans problème.
Il faut dire que l’énergie développée par la bande a de quoi chauffer Bucarest pour au moins une semaine complète avec petit déjeuner offert. Née en 2020, cette horde de vilains mal embouchés s’était montrée discrète jusqu’à lors, mais au moment de publier son premier EP, la discrétion n’était plus de mise, bien au contraire. Et entre VENOM après une cure de Miel Pops et un G.B.H sans méthadone, Pray to the Knife tranche dans le vif, et éborgne une partie des fans d’EXCITER et de HELLHAMMER.
Pas d’autre ambition que de foutre le bordel en crachant sur le bon goût. Mais - et il y en a plusieurs - de la finesse dans la débauche, de la politesse artistique dans le dégoût des convenances, et une rudesse qui peine à cacher un amour certain pour une musique bien jouée. Simple donc, mais pas simpliste, et surtout, efficace en diable. On se laisse facilement convaincre par ces cinq hymnes à l’hédonisme post-apocalyptique, quelque part entre Mad Max et 2072, les Mercenaires du Futur, avec une petite touche de Dario Argento avant qu’il ne devienne sénile.
Tout ça va donc très vite, confronte le Speed le plus rude au Punk le plus sincère, et nous traîne sur le bitume en prenant soin de nous casser les jambes d’un coup de chaîne de vélo. Pas de doute à avoir quant à l’objectif de ce premier format court, nous agiter le peu de neurones qui nous restent, et nous faire frémir d’un plaisir interdit, un peu sale et incestueux sur les bords, mais si délicieux.
D’autant que les soli sont très propres et mélodiques, et jurent dans cette ambiance SODOM propulsé dans le Londres des années 1976/77. Une anarchie sympathique, un allant remarquable, cinq titres semblables, aussi hystériques que lapidaires, et de quoi pisser sous un lampadaire un dimanche soir entre deux troquets décatis.
La projection des LEATHER BRIGADE donne envie de ressortir son vieux perfecto et ses clous même pas rouillés, pour aller traîner en ville, la boom-box fermement tenue en mains pas si propres et hurlant du DISCHARGE. Un défouloir magnifique, des perdants sublimes, pour un nouveau postulat Speed/Punk de fort bon aloi.
Car il est inutile parfois de chercher Minnie à quatorze heures.
Titres de l’album:
01. Alcoholic Night
02. Pray to the Knife
03. Mistress of Hell
04. I Am the Night
05. Sex with Satan
Aborcja - Zaburzenia
Du Thrash en Pologne, voilà qui a de quoi intriguer tous les fans de boucan old-school exotique. D’autant que ce groupe de Rzeszów s’exprime en langue natale, ce qui a le don de conférer à cet EP un délicat parfum sauvage, totalement en adéquation avec sa vision.
ABORCJA aborde donc la montagne Thrash par la face nord, la plus arpentée par les fans de brutalité allemande des années 80. Les analogies sont faciles à identifier, bien que le quatuor (Kacper Szymczycha - basse/guitare, Albert Gawin - batterie, Wojciech "Młody" Bednarczyk - guitare et Kamil Guzek - chant) saupoudre dans son cocktail quelques épices pour le rendre plus relevé. On se croirait parfois projeté dans le monde brutal d’Endless Pain, les polonais ne rechignant pas à flirter avec le proto-Death des années 1984/86, entre le Brésil énervé et la Ruhr bousculée.
Rien de notable sur le front de l’est, mais un classicisme qui fait plaisir à entendre, d’autant que le métrage est assez court pour ne pas trop se répéter. Vingt minutes de violence maîtrisée mais gardée au-dessus des 130 BPM, pour satisfaire les bas instincts de la frange la plus déviante de notre musique préférée. Entre les mains de ces sagouins, le Thrash retrouve sa superbe sauvage, avant que la Californie ne le domestique pour le rendre plus facile à l’adoption. Ne vous attendez donc pas à un hommage à METALLICA ou à n’importe quel cador du Big4, mais bien à un agacement permanent, entre rage primale et souplesse Heavy syncopée (« Pajęczyna »).
Bien produit pour rester assez âpre, Zaburzenia ramone les oreilles plus efficacement que le dernier DESTRUCTION, et garde cette approche un peu maladroite qui fait parfois sortir le tempo de ses rails. Un trip régressif jouissif, comme seuls les pays de l’est peuvent encore en produire, pour un résultat tout à fait honnête, souillant la Bay-Area pour l’obliger à se soumettre aux diktats pervers de Berlin. On soulignera l’appétit gargantuesque d’un chanteur débridé du larynx, et la pertinence d’un guitariste qui sait manier le riff formel et le rendre encore plus agressif.
Sans vraiment bousculer les codes, ABORCJA se pave une voie royale vers un premier LP qui pourrait réserver quelques surprises aux fans du SEPULTURA le plus barbare. Pour l’instant, seule la subjectivité me guide vers ce constat, mais avec un répertoire solide et une foi sans failles (« Mam Schizofrenię », du DARKNESS dans le texte et les postillons), le quatuor polonais a largement de quoi intriguer les archivistes, et attirer les curieux qui ne supportent pas que leur musique soit débitée au kilomètre.
Titres de l’album :
01. Spalić Katola
02. Zabić Pozera
03. Pajęczyna
04. Mam Schizofrenię
05. Pola
Troparion - Peresvet
Terminons ce petit tour d’horizon en format moyen par le premier jet de bile d’un projet étrange venu des Etats-Unis, et qui aborde la question du Black Metal sous son angle le plus Punk et crade. TROPARION est un one-man-band comme nous en connaissons des centaines, et dirigé par l’omnipotent et énigmatique Stalkarth. Mais là où ce concept s’éloigne des standards habituels du BM, c’est qu’il revendique son inspiration chrétienne, ce qui pousse son géniteur à se classer dans la catégorie bizarre de l’Unblack Metal.
Pourquoi pas, après tout, le Black a lui aussi le droit de monter au paradis, même si le genre se réclame plus volontiers du Diable que de Dieu. Tout ceci ne gênera pas les non-anglophones qui ne comprendront pas un mot de ce que Stalkarth raconte (bien que les anglophones, même de naissance auront du mal à détacher les mots de la musique), et qui pourront donc apprécier une tranche de violence sombre bien épaisse, et tartinée de beurre noir méchamment salé.
Car TROPARION ne fait pas vraiment dans la dentelle, mais plutôt dans la tôle ondulé et le béton, pour construire une sorte de préfabriqué de l’enfer réservé aux croyants les plus fervents. Alternant avec beaucoup de flair le mid tempo et les blasts, le musicien américain évite le problème de la redite, tout en explorant des pistes mélodiques qui ne sacrifient en rien leur légèreté à la puissance de l’ensemble.
Trois morceaux seulement, mais du premier choix. Entre des riffs particulièrement virulents, un chant évidemment raclé, et une basse qui tournoie comme un vautour au-dessus de la carcasse d’un zèbre, Peresvet se montre intraitable mais fascinant, et ouvre des pistes assez intéressantes à suivre. Sans doute influencé par la légende DISSECTION, mais aussi par les exactions les plus impures du Black punky, Stalkarth se lance à corps perdu dans son prosélytisme, et risque de convertir les plus exigeants, qui admettront l’importance d’un titre aussi épique que bestial comme « Beholding the Cataclysm ».
Du très méchant donc, du vilain pas beau, mais du panache, de l’aisance dans la composition, et de la fermeté dans l’interprétation. Et comme en sus, la production se paie le luxe d’être aussi dense que claire, le produit fini est tout à fait remarquable, et donne envie d’avoir une vision plus large de la philosophie, à l’occasion d’un premier LP par exemple.
Titres de l’album:
01. The Dust of Crushed Horns
02. Then You’ll Pray
03. Beholding the Cataclysm
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