La pochette a ce petit quelque chose que les graphismes des années 90 avaient. Ce mystère conceptuel, ce trait un peu gauche qui attirait l’œil et qui donnait le sentiment de faire partie d’un cénacle, capable d’identifier les bons éléments pour percer le mystère. Pourtant, il n’y a rien de mystérieux dans ce premier album des allemands de REXUL. Fondé il y a deux ans, REXUL repose sur la complicité d’un duo de musiciens se connaissant bien pour avoir joué ensemble au sein de DIABOLICAL IMPERIUM, et se partageant les tâches à nouveau pour produire un Death Metal cryptique, sourd, diffus, et très éloigné des canons en vigueur sur la scène nostalgique.
Benny O. (guitare, basse, claviers) et Simon M. (chant, guitare, basse) proposent donc une version très personnelle de ce Metal froid et agressif, s’éloignant des standards en vogue dans les années 90 en Suède ou aux Etats-Unis pour se rapprocher d’une optique plus européenne, entre l’Allemagne et l’Autriche, entre PESTILENCE et MORGOTH, entre DISHARMONIC ORCHESTRA et PUNGENT STENCH, le côté expérimental plus ou moins prononcé.
Erebus Virtuosus Alpha est donc une œuvre intéressante qui nous permet de respirer un air vicié différent. Loin des copieurs plus ou moins habiles de la vague floridienne ou du froid nordique, ce premier album ne cherche pas la franchise brutale stérile, mais bien la violence plus sournoise et complexe que l’on aimait tant dans les premiers efforts de Death progressifs et/ou techniques. De fait, les ambiances sont très travaillées, les parties instrumentales imbriquées avec logique, et le cheminement de l’album a de faux-airs de voyage intérieur à la recherche d’une vérité possible sur l’inéluctabilité de la vie et la mort, et d’un sens éventuel à donner aux évènements externes.
D’ailleurs, le groupe a accentué cette sensation de voyage en travaillant façon miroir, avec une intro « 999 » et une outro « 666 », comme si tout menait au mal. Avec quelques interludes mélangés aux longs morceaux évolutifs, Erebus Virtuosus Alpha est donc beaucoup plus fascinant qu’une énième exaction bestiale sous influence, et offre des possibilités différentes, nous renvoyant à cette bifurcation qu’a connu le style dans les années 90. Mais loin d’un avant-gardisme élitiste, REXUL ne s’en montre que plus efficace, sans perdre de son originalité. Morbide évidemment, avec cette voix sourde, grave et sous-mixée, cette batterie aux rythmes multiples et ces riffs inquiétants, Erebus Virtuosus Alpha sinue, zigue-zague, contourne, mais semble en même temps suivre une trajectoire dessinée à l’avance. Et une fois n’est pas coutume, en découvrant l’entame de « Intergalactic Eyes », vous n’aurez pas un aperçu détaillé du concept à la croche près, mais juste un indice parmi tant d’autres. Et cette qualité se fait rare de nos jours.
L’album réserve donc son lot de surprise, quelles soient cachées dans le faux rythme d’humeur badine de « Entlightened By The Morning Star » ou sous la franchise presque Thrash de « Fraternitas Of An Old Noir Latreia ». Les guitares, reines en leur territoire, s’en donnent à cœur joie dans la multiplicité des motifs, et si les accélérations brutales nous font bien comprendre que la tradition Death n’est jamais loin, les soli précieux, les cassures précises nous permettent de dévier d’une route trop bien tracée par la DDE old-school. Pas mal de péripéties donc, des brisures qui imposent des mélodies déviantes, quelques dissonances bienvenues, un jeu de basse aux rondes épaisses, des reprises classiques qui brisent les nuques, le tout dopé d’une énergie palpable, mais surtout, d’une envie d’autre chose.
« Immaculate Vengeance » se rapproche donc des tentatives les plus expérimentales et glauques du genre, sans cracher sur un brin de formalisme plus direct. On aime justement ce dosage parfait entre individualité et esprit collectif, et il est difficile de croire que seuls deux hommes parviennent à bâtir cet instrumental aux proportions assez impressionnantes. Bien sûr, parfois, l’histoire passée se rappelle aux deux bonhommes qui en acceptent le legs féroce (« Curia »), mais ils ont la malice immédiate de teinter cette concession de transitions mélodiques pour mieux faire passer la pilule vintage.
En passant outre quelques systématismes rythmiques, en acceptant le caractère monolithique d’une voix bloquée sur une tonalité unique, on se laisse happer par un univers très personnel, et par une histoire qu’on prend plaisir à écouter, puisqu’elle est narrée par deux conteurs intelligents qui prennent le bon ton au bon moment. Entre ces passages mélodiques évitant la niaiserie, ces digressions presque Jazzy, et ces intermèdes Ambient, parfois d’une beauté ironique surprenante (coller une telle mélodie apaisée sur un final intitulé « 666 » est quand même culoté), REXUL nous offre l’un des efforts les plus intéressants de cette fin d’année, et commence sa carrière de la meilleure des façons. En nous offrant une alternative viable.
Titres de l’album:
01. 999
02. Intergalactic Eyes
03. Reentry In Emptiness
04. The Light
05. Entlightened By The Morning Star
06. Fraternitas Of An Old Noir Latreia
07. 333
08. Immaculate Vengeance
09. Curia
10. The Darkness
11. Undead Between The Column Of Salomon
12. Laudatio Per Mortem
13. 666
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