Voilà qui est diablement intéressant. Cette association entre un musicien de Post Black, et une chanteuse/performeuse/danseuse produit une musique profonde, âpre, dure, subtilement ténébreuse, loin des facilités d’usage en matière de Post Black Metal. Mais qui sont donc ces deux musiciens/artistes qui ont osé aller un peu plus loin que leurs congénères ? D’un côté, Julia Night, artiste multicartes, de l’autre, Alex Ikotka, membre d’ИКОТКА, à la carrière déjà bien remplie. Au centre, THE OXBLOOD TREES, créature protéiforme parlant plusieurs langues couramment, et maniant les codes de l’extrême comme personne.
Il est très difficile de définir les contours d’une musique qui justement n’aime rien tant que sa liberté de ton. Si on ne peut parler de Black Metal per se, Escaping Sun a tout de même ce côté mystique et impénétrable des forets norvégiennes, spécialement dans les inflexions vocales de Julia, très rauques et agressives. Mais musicalement, le projet évite le cloisonnement, et emprunte quelques idées à cet Occult Rock qui lui-même a offert bien des visages. Pour faire simple, THE OXBLOOD TREES sonne comme du DARKTHRONE propulsé dans l’univers carnavalesque de DEATH SS et/ou COVEN.
Mais bien loin du grotesque d’une simulation tantrique ou millénariste, Escaping Sun développe de très solides arguments, misant sur la lancinance de l’instrumental et de l’expressionnisme d’une chanteuse totalement investie. Incantatoire, sentencieux et onirique à la fois, ce premier album est de ceux qui surprennent à la première écoute, et qui en nécessitent bien d’autres pour commencer à révéler leurs secrets. Majoritairement structuré autour de titres sinueux et insidieux, ce premier long se permet pourtant des incartades loin de son jardin d’enfant, en s’appuyant sur un mid tempo incroyablement rebondissant pour accoucher d’un hit en bonne et due forme à la basse tranchante et omniprésente (« Impostor Syndrome »).
Beaucoup de nuances donc, pour une cohérence globale appréciable. Avec des incartades dans le landerneau du gothique des années 80 (SISTERS OF MERCY, THE MISSION, FIELDS OF THE NEPHILIM), des clins d’œil adressés à la scène New-Wave et Post-Punk, THE OXBLOOD TREES ventile et aère sa musique sombre, et lui permet parfois de profiter d’une belle lumière en mélodies amères (« Insomniac »). Aussi symptomatique de la nouvelle vague Black européenne des années 90 que du métissage en vogue durant la décennie 00’s, Escaping Sun se balade de points sombres en cachettes introuvables, et diffuse son parfum enivrant dans les canalisations et autres VMC.
On se retrouve vite hypnotisé par ce charme subtilement désuet, et par ces passages totalement Rock, qui sont finalement d’autres bases de cette philosophie Crossover. Avec un musicien très capable et passionné au poste de maître d’œuvre et une vocaliste empruntée comme une marionnette de ventriloque obsédé par les légendes de l’est (le Kazakhstan en connaît suffisamment pour alimenter une discographie entière), le concept tire vers le haut, et offre bien plus qu’un simple album à digérer entre deux autres nouveautés. La beauté de ses thèmes, sa construction en gigogne qui révèle une deuxième partie imprévisible et versatile, tout contribue à faire d’Escaping Sun une œuvre culte qui perdurera pendant de longues années.
Le piano très « Imagine » de « My Satan’s Dream » qui se fracasse sur la vague gigantesque d’un riff énorme, les arrangements bien placés et l’énergie mystique qui se dégage, la séduction opère à un niveau rarement atteint, entre Doom moderne et dilué et Post Black Metal de circonstance. Grandiloquence, assurance, morgue et fierté, telles sont les qualités d’un disque étrange, presque fané, et se voulant métaphore d’une existence complexe et remplie de douleurs.
Chaque titre a sa propre raison d’être, et mis bout à bout, les dix entrées forment une symphonie abstraite, entre théâtre musical et happening occulte. Délibérément Black lorsque la puissance l’exige (« Late », ultraviolent et pourtant alléchant), alimentant les turbines via la liberté farouche d’une guitare débridée, Escaping Sun est une réussite sous toutes ses coutures, et va drainer dans son sillage tous les amateurs de Poe, Lovecraft, LaVey et autres hédonistes macabres en manque de fiction victorienne.
Il est toujours assez miraculeux de tomber sur une œuvre riche et dense. On ne sait pas vraiment comment aborder le sujet, on peine à trouver les mots justes, mais la récompense est si belle que l’imagination fait les efforts nécessaires. Mais donner un sens logique au monstrueux « Another Land » est une gageure trop difficile à relever, la musique contredisant en permanence le lugubre d’un chant exhorté d’une poitrine encombrée.
THE OXBLOOD TREES est fascinant, n’ayons pas peur des mots. Moins de quarante minutes de créativité, pour un résultat proche de la perfection dans le mélange des genres. Le diable étant toujours sur le qui-vive, il serait étonnant que vous ne le croisiez pas au détour d’une chanson. Et il ne vous veut pas que du bien. Loin de là.
Titres de l’album:
01. Follow the Escaping Sun
02. Free the Beast
03. Invisible Man
04. Brings Only Sorrow
05. A New Circle
06. Impostor Syndrome
07. Insomniac
08. My Satan’s Dream
09. Late
10. Another Land
Je passe, j'ai tenté, mais la voix me rebute trop.
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30