Peut-on conceptualiser sa musique autour des aventures absconses de limaces de l’espace, parsemer ses morceaux de jeux de mots plus ou moins heureux, et jouer une musique complexe, riche, dense et surtout, sérieuse ? Visiblement non, cette thématique autorisant plutôt des débordements psychédéliques propres au Sludge, et empreints d’un bestiaire improbable, justifiant de fait toutes les exactions cocasses possibles…Pourtant, la réponse à cette question initiale incongrue dans le cas des anglais de SLUGDGE est affirmative, tant leur carrière ne laisse place à aucune approximation, et se base sur une technique instrumentale sans faille, ainsi que sur un sens de la composition tellement affiné qu’on en vient à croire qu’ils sont seuls dans leur propre galaxie. Mais aussi dans la nôtre. S’il est certain que le système solaire dans lequel évoluent ces deux musiciens gravitent autour de plusieurs astres de lumière (et de grosses zones d’ombre en forme de trous noirs aspirant tout à des années lumières à la ronde), il permet à leur inspiration de dériver de planète en planète pour nous permettre de suivre l’épopée de ces gastéropodes sans coquille décidément très malicieuses et intrépides…
De façon plus terre-à-terre, les SLUGDGE depuis 2012 n’ont de cesse de repousser leurs propres limites, au point d’accoucher aujourd’hui de leur album le plus fouillé, le plus tendu, et osons le terme, le plus créatif et violent, sans avoir vraiment changé d’optique. Depuis six ans, ce duo (Matt Moss & Kev Pearson) a continué ses travaux d’exploration de l’extrême avec une acuité redoutable, au point de construire bave à bave une discographie impeccable, entièrement dédiée à leur humour si particulier, et tournée vers une digression sur les thèmes les plus élaborés du Death technique et construit. Après Born Of Slime, le premier LP au titre si évocateur, ils nous ont offert Gastronomicon, à l’appellation en boutade peinant à cacher la profondeur de leur inspiration, puis un troisième Dim & Slimeridden Kingdoms, préfigurant une période de silence de trois ans, leur permettant de recharger les piles d’uranium de leur vaisseau spatial, histoire d’aller encore plus loin en territoire inconnu. Nous savions que leur capsule leur permettrait d’atteindre des zones encore plus éloignées dans la zone de créativité, mais nous étions alors loin de nous douter qu’ils parviendraient à atteindre un univers si abscons et éloigné de notre monde qu’il nous faudrait des heures pour encaisser le choc de la lecture de leur journal de bord…
Aujourd’hui, en ce deux mars de l’année 2018 sort donc Esoteric Malacology, qui se présente donc comme le point culminant d’une carrière impeccable, située en convergence d’une inspiration plurielle, mais aussi d’une introspection très personnelle. Sans vraiment dévier de leur trajectoire initiale, les deux anglais se sont autorisé quelques changements de cap, pour ne pas sombrer dans la redite sans toucher à leur puissance de feu devenue clairement phénoménale. De fait, le groupe a souvent été comparé à d’autres explorateurs de l’impossible, qui se retrouvent aujourd’hui sur le plan de vol. Les GOJIRA, MESHUGGAH, mais surtout ANAAL NATHRAKH (principalement à cause du chant je suppose), DEATHSPELL OMEGA, HYPOCRISY, et même THE FACELESS pourquoi pas, pour cette variété de ton, et cette liberté de son. Mais l’un dans l’autre, et en ne retenant que les qualités intrinsèques les plus importantes de ces groupes cités, on peut résolument affirmer que les SLUGDGE les ont rejoints aujourd’hui dans la caste des ensembles précurseurs et innovateurs, par le biais le plus logique qui soit. Le talent, le culot, et l’audace, trois qualités indispensables pour accoucher d’une masterpiece de l’ampleur de ce quatrième album, qui relègue la concurrence à une distance plus que respectable. On y retrouve pourtant tout ce qui a toujours fait la force de ce concept unique, ayant trouvé un équilibre parfait entre second degré et sérieux d’implication, à savoir cette force de persuasion de rythmiques vraiment écrasantes, de guitares aussi volubiles qu’elles ne sont acides ou mutines, et d’une juxtaposition de couches sonores faisant ressembler le tout à un second big-bang réorganisant les planètes selon un nouvel axe. La force implacable d’un Death qui ne se veut pas que Death, et qui incorpore à sa logorrhée verbale des éléments purement progressifs, et méchamment mélodiques, un peu dans une optique AKERCOCKE pas vraiment totalement revendiquée, et diluée dans le génie d’un MASTODON enfin décidé à assumer ses penchants violents pour de bon.
Mais ici, la violence est en quelque sorte positive, et permet au duo de propulser ses compositions dans une stratosphère à l’oxygène défaillant. Et une simple écoute au perturbant de génie « Crop Killer » (et son allusion finaude au hit censuré des BODY COUNT) suffit à comprendre le degré d’exigence de ces deux trublions qui parviennent à défier PERIPHERY, DEATHSPELL OMEGA et GOJIRA sur leur propre terrain, mouvant de technique, et tremblant de certitudes. Une basse à la Devin Townsend, des guitares et une rythmique que les frangins Duplantier pourraient envier du coin de l’œil, pour une symphonie de l’outrance qui nous présente le tableau improbable de ces gastéropodes ruinant des récoltes intersidérales histoire de se nourrir, mais aussi d’affamer des populations d’outer-space, pour asseoir leur pouvoir et contenter leur appétit de vilénie.
Troublant, pour le moins, avant-gardiste évidemment, mais tellement soufflant qu’on pourrait le prendre pour une forme moderne de Death qui n’a pas renié ses bases, et qui continue de communiquer avec Houston. Juste pour leur sortir une blague foireuse ou un calembour calamiteux.
Death bien sûr, mais aussi légèrement Thrash parfois, lorsque l’ombre d’une série télé bien connue des amateurs d’aliens vient planer sur l’intitulé de « Putrid Fairytale », pour une litanie Néo-Death que les AT THE GATES, SOILWORK et HYPOCRISY auraient pu entonner en leurs heures de gloire, prouvant définitivement s’il en était besoin que Matt Moss et Kev Pearson sont vraiment les fous que nous pensons qu’ils sont…En accumulant assez de plans en sept minutes pour remplir un album entier d’une anonyme formation en manque d’inspiration, les anglais se gaussent d’une quelconque aridité de propos, et partent dans toutes les directions, tout en donnant le sentiment de foncer droit devant eux, sans se poser de question. C’est un fouillis parfaitement génial de cohésion, lâchant une fois encore la bride à une guitare qui s’envole dans un solo à rendre fou Ace Frehley lui-même (alors qu’il s’est perdu dans les étoiles depuis longtemps), tandis que la rythmique se propulse d’elle-même, percutant, inondant, crevant les tympans de blasts, pour une pluie de comètes qui nous retombe sur la gueule, en poussière catchy d’harmonies futées à la portée amplifiée par un mid tempo vraiment porteur. Du génie dans l’organisation, de la démence dans l’exagération, des chœurs célestes, et des portes qu’on enfonce sans savoir ce qu’elles cachent, telle est l’aventure proposée par ce quatrième chapitre…Et entre les accolades potaches aux BOLT THROWER de « Salt Thrower », qui montre sans le montrer deux musiciens jetant une poignée de sel par-dessus leur épaule pour conjurer le sort d’un Metal aussi mélodique que psychédélique, strié de violence crue, et une conclusion qui ne se repose même pas sur les lauriers des triomphes précédents pour ouvrir les horizons de nouvelles dimensions (encore une fois, le travail versatile des voix est incroyable de persuasion), on plonge en plein orgasme cosmique et comique, qui confirme cette assertion d’introduction.
Oui, on peut beaucoup s’amuser de thématiques à faire délirer des enfants de CP, mais aussi jouer la musique la plus riche et violente qui soit. Le deux ne sont pas incompatibles, et on peut même recevoir des prix pour ça. Celui gagné par les SLUGDGE illustre un acte de copulation entre deux gastéropodes, coulé dans le bronze, qu’on aimerait bien leur remettre en mains sales d’ailleurs. Histoire de les voir baver de plaisir, comme celui qu’ils viennent de nous procurer.
Titres de l'album:
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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