Un groupe colombien, un nom qui contracte celui de trois démons (LUcifer, SAtan, astaROTH, et hop), pour une musique aussi diabolique que ce que l’Amérique du Sud peut nous proposer de blasphématoire, et un premier album qui célèbre le Thrash le plus néfaste et paillard. C’est ainsi qu’il faut donc concevoir le baptême blasphématoire des originaires de Bogota, ces LUSAROTH qui depuis une dizaine d’années agitent l’underground local, sans vraiment parvenir à frapper un grand coup discographique. Mais l’abnégation a souvent raison d’un destin capricieux, et aujourd’hui, c’est avec plaisir que nous pouvons enfin écouter le fruit des pérégrinations sataniques de ce quintette (Kike Sierra - guitare, Andres Vanegas - batterie, Edwin Pineda - chant, Miguel Rivera - basse et Fabian Jimenez guitare), sous la forme de cet infernal Esquizofrenia. Sans faire preuve d’une extrême schizophrénie musicale, ce premier LP permet donc au gang de fêter son arrivé sur la scène internationale de la façon la plus tonitruante qui soit, et de proposer à un public médusé leurs réflexions sur un Thrash sans concession, mais sans grande imagination, il faut bien l’avouer. Efficace à défaut d’être perspicace, cette approche radicale se décompose donc en dix morceaux se ressemblant beaucoup, mais faisant preuve d’une exubérance dans la violence qui fait plaisir à entendre. Se plaçant dans la directe lignée des références nationales et continentales, Esquizofrenia admet aussi sans détour l’influence de la vague germaine typée 80’s, prenant souvent corps autour de riffs que les DESTRUCTION auraient pu nous refourguer sur leurs premiers LPs, ou même à des lacérations franches mélangeant l’art lapidaire des SEPULTURA et la rigueur d’aciérie des LIVING DEATH. Le cocktail est évidemment méchamment corsé, et doit son efficacité à la complémentarité d’une paire de guitaristes qui ne chôment pas, et à des arrangements vocaux dignes de l’exorcisme de la pauvre Anneliese Michel. Le tout secoue donc la tignasse bien comme il faut, et laisse les cervicales en très mauvais état, comme tout bon album de Thrash qui se respecte.
Mais il serait réducteur de contraindre les colombiens à l’enfermement dans une case bien définie, puisque leur définition intègre aussi quelques éléments de vilénie plus marqués par un Black honni, témoignage de leurs débuts consacrés au Metal le plus sombre. Les années passant, la pratique s’affinant et les goûts évoluant, ils ont petit à petit laissé au vestiaire leurs oripeaux les moins clairs, pour se concentrer sur un crossover Black/Thrash de fort bon aloi, ne gardant du premier thème que son traitement de chant tout en emphase luciférienne. Le tout est parfois assez mélodique pour séduire les réfractaire, mais encore un peu trop long pour convertir les brebis galeuses, puisqu’avec près de cinquante minutes d’assaut sonore, Esquizofrenia exagère encore un peu trop pour se montrer d’une portée optimale. Difficile toutefois, une fois un morceau pris au hasard de résister à cette déferlante de méchanceté et de brutalité paillarde, puisque les cinq comparses donnent tout ce qu’ils ont dans le ventre, et nous troussent des couplets incendiaires, des soli d’enfer, et des refrains mortifères. C’est sans aucun doute la linéarité qui empêche le tout de vraiment décoller, malgré des individualités notables, et une implication totale. Les passages les plus modérés souffrent aussi d’une production dont la clarté le confine aux eaux troubles d’un vieux puits abandonné, mais lorsque la cadence s’affole et que la romance s’étoile, le tout prend des allures de massacre intégral, auquel il est fort agréable d’assister.
Il serait d’ailleurs très facile de résumer toute l’opération à l’une de ses actions, en citant l’exemplaire « Thrash Metal », qui sonne comme un hymne typiquement eighties perdu dans l’espace et le temps, et synthétisant en trois minutes tout ce que le style à de plus excessif. Contretemps, vélocité sidérante, breaks impromptus, technique rompue, pour une cavalcade effrénée en territoire allumé, conduite par des ordres exhortés d’une voix possédée, dans la plus grande tradition des gosiers incendiés. Plus qu’un groupe, les LUSAROTH sont une bande de huns qui ne respectent rien, mis à part le solfège peut-être, lorsque les guitares décident soudain de se la jouer solo, et de nous transpercer de flèches tirées avec flair. Beaucoup de pratique donc, et on sent que le combo a largement eu le temps de peaufiner sa compo, spécialement lorsqu’il se permet des incursions en territoire presque progressif. « Asesino Infernal », la cloture et ses quasi huit minutes nous brosse donc le tableau d’un ensemble aux ambitions plus grandes que la somme de ses griefs, et nous sert encore chauds des plans loin d’être caricaturaux, même si la production souffreteuse peine une fois encore à dynamiser le tout. C’est surtout la grosse caisse qui en pâtit, et qui sonne comme une imitation gauche des exploits rythmiques du premier MACABRE, sans en avoir la folie, mais lorsque le Heavy s’invite au banquet, on en oublie ses récriminations pour joyeusement headbanguer. C’est bien construit, toujours aussi barge jusqu’à la fin de la nuit, et digne d’un « Mad Butcher » traînant ses basques près des Hadès pour voir si Lucifer lui-même apprécie la fête.
Mais inutile d’attendre les derniers instants du carnage pour en apprécier l’instinct sauvage, puisqu’après une intro redoutable qui met dans le bain (« Invocacion »), « Ataque Metal » met les choses au point, et dévoile une foi sans pareille pour le Metal le plus létal, via une entame tonitruante associant une guitare acide mais tranchante, une batterie gracile mais tonnante, et une basse placide, mais présente. C’est hautement grésillant, ça abime au passage les tympans, mais on se fait vite à cet enrobage underground, d’autant plus que très rapidement, le catholiquement condamnable « Esquizofrenia » nous tétanise de ses vocaux glaçants. Symptomatique de ce l’Amérique du Sud peut produire de plus dément, ce morceau nous inflige un supplice infâme mais assumé, via un dédoublement vocal acharné, qui rappelle les instants les moins contrôlés de DEICIDE, tout en gardant cette patine purement Thrash allemand en arrière-plan. Alors non, inutile de traquer la variation, inutile d’espérer une quelconque ventilation, puisque les dix pistes tournent plus ou moins autour du même axe, mais l’ensemble dégage un parfum pestilentiel charmant, qui permet d’excuser le fait que les emprunts sont plus ou moins flagrants. Un album qui témoigne d’une foi sans borne en l’extrême local, et qui permet enfin aux LUSAROTH de répandre leur nom, au-delà du cercle des initiés des cercles les plus profonds. Une intrusion dans l’intimité de la bête, qui je l’espère saura relever la tête pour agrémenter son art de la violence d’un soupçon de décadence.
Titres de l'album:
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