Et si nous commencions la journée par le premier album d’un groupe mexicain qui n’a pas foutu grand-chose depuis sa création ? L’idée semble bonne, d’autant que l’album en question ne donne pas dans la dentelle (de Calais, évidemment). Fondé en 2004 à Tula, Mexique, THE GOLDEN AGE a connu le sien en 2005 en sortant une première démo éponyme qui sonnait comme le signal de départ d’une carrière fertile. Sauf qu’après cette démo, les musiciens ont complétement disparu dans la nature, à tel point que des avis de recherche ont été lancés pour les retrouver. Jamais personne ne localisa leurs traces, et c’est seize ans après leur disparition inquiétante qu’ils nous en reviennent comme si rien ne s’était passé, avec onze nouveaux morceaux sous le bras. Difficile de croire que plus de quinze ans ont été nécessaires à l’élaboration de ce répertoire, mais c’est pourtant avec seulement trente-six minutes de musique que le quatuor revient, assez fier de sa première réalisation.
Supporté par le label national American Line Productions, bien mexicain malgré son nom, Eternal Cosmic Aeons propose donc de réévaluer le potentiel d’un groupe que nous n’avions pu juger que sur la base d’une poignée de morceaux à l’époque. Proposé dans un digipack très coloré et attrayant, Eternal Cosmic Aeons développe donc des arguments d’un autre temps, sans toutefois s’ancrer dans un opportunisme old-school trop classique. Disposant d’une production underground très ferme et grasse, ce premier longue-durée est une plus-value non négligeable pour le quatuor (Saporro - chant, Ravenous Cujo - batterie, Necromancer - guitare et Mario Burzum - basse, comme quoi les mecs ont de l’humour), et présente une musique foncièrement brutale, mais totalement intelligible. Basée sur une fluidité Thrash et une épaisseur Death, Eternal Cosmic Aeons fait la part belle à une franchise radicale à la sud-américaine, teintant le tout d’une dextérité typiquement nord-américaine. En proposant des humeurs complémentaires mais toutes véhémentes, le groupe joue sur les divers niveaux de colère de ses deux styles de prédilection, butinant Thrash pour copuler Death, et dès l’entame saccadée de « Inhuman Beings Manifestation », leur démarche apparaît assez clairement, et les desseins se dessinent avec précision.
Un instrumental assez précis, constellé de riffs vils et perfides, sur lesquels vient se greffer un chant d’outre-tombe et de plantigrade fort marri d’avoir été réveillé avant la fin de son hibernation. Brièveté des interventions, allusions plus ou moins marquées au Thrash de papa (« Crucifixion »), densité des attaques toutes plus franches les unes que les autres (« The Antithesis of Creation »), l’honnêteté est de rigueur et le rendu très effectif. Jamais avare d’un plan supersonique, la rythmique formée par le tandem Ravenous Cujo et Mario Burzum donne le ton de l’agression, accumule les breaks et les heurtés de cymbales, pour donner à cette musique un côté abrupt et imprévisible qui lui sied merveilleusement bien. Très capables, les musiciens prouvent que leur longue absence n’a pas nui à leur potentiel, et la démonstration est de force.
Bien sûr, rien de transcendant ni de novateur à l’écoute de ces titres qui s‘enchaînent à très bon rythme, mais une véritable joie d’écouter une musique traditionnelle et jouée avec fougue. Plus Death/Thrash que l’inverse, ce premier LP vient enfin concrétiser la vision d’un groupe que l’on pensait perdu pour le compte, mais qui finalement a su rester en forme. Avec une science de l’arrangement imposé pile au bon moment (la transition instrumentale et stellaire « Eternal Cosmic Aeons » qui coupe l’album en son milieu), une propension à se laisser aller niveau timing avec flair (« Archaic Macabre Ińvocation », le morceau le plus long de l’album, mais aussi le plus évolutif), des envies de violence tout sauf gratuite, mais méchamment lapidaire (« Stellar Vortex Machines », ce qui se rapproche le plus d’un Thrash Bay-Area classique, avec ce lick en gimmick mélodique qui reste dans le crane), THE GOLDEN AGE impose son métissage sans ambages, et signe une œuvre sinon fondatrice, tout du moins fédératrice.
Avec moins de quarante minutes de bousculade, le timing est parfait, et on déguste les pains dans la tronche en comptant nos dents perdues au passage. Sorte d’affolement dans le pit, Eternal Cosmic Aeons prône des valeurs de rage saine, tout en frisant parfois la lisière du chaos sur ses interventions les plus viriles (« Descended the Sky of Universe »). Pas grand-chose à jeter, puisque la vitesse est effective (et parfois méchamment, comme sur l’intro bourre-pif du monstrueux « The Dwell of the Cursed Arcane »), et puisque le groupe a le gusto de reprendre à son compte un classique de l’underground, via le « Asesino » des BESTIAL METALICA qui n’ont rien à voir avec Lars Ulrich, autant dire que le bilan est largement positif.
Un bon petit disque qu’on se glissera à nouveau entre les feuilles les soirs de solitude, ou les jours sans punching-ball. Mais vous auriez pu nous donner des nouvelles les gars, après quinze ans, on commençait à s’inquiéter un peu et la soupe avait refroidi.
Titres de l’album:
01. Inhuman Beings Manifestation
02. Crucifixion
03. In Times of Primal Death
04. The Antithesis of Creation
05. Eternal Cosmic Aeons
06. Archaic Macabre Ińvocation
07. Stellar Vortex Machines
08. Descended the Sky of Universe
09. Ancient Civilizations
10. The Dwell of the Cursed Arcane
11. Asesino (BESTIA METALICA cover)
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