Je dois bien admettre qu’en tant que musicien avant d’être chroniqueur, je suis profondément jaloux d’artistes comme Ayloss. Car non seulement le grec se débat avec son imagination depuis plus de quinze ans au sein de SPECTRAL LORE, mais il s’agite/s’est agité aussi les neurones dans d’autres groupes comme DIVINE ELEMENT, MYSTRAS, A COMPENDIUM OF CURIOSITIES, ONTROTHON ou SAGA OF THE ANCIENT GLASS. Alors évidemment, il n’est pas le seul à avoir un surplus de créativité qui l’oblige à multiplier les projets, mais ce qui le différencie de bon nombre de ses homologues hyperactifs est la qualité de son travail. Dominé par un esprit farouche de repoussement des limites constant, Chris continue de mener sa barque fermement au sein de son projet principal SPECTRAL LORE, déjà responsable d’un nombre conséquent de sorties, et qui en 2021 revient sur le devant de la scène après pas moins de sept ans d’absence en longue durée.
Certes, ces sept années ont été comblées par quelques formats et idées, dont celle brillante de s’associer à MARE COGNITUM pour accoucher du monstrueux split Wanderers: Astrology of the Nine (régulièrement cité comme l’un des meilleurs albums de l’année 2020 par les spécialistes underground), ou autres EP plus ou moins indispensables à la bonne marche des affaires. Mais si SPECTRAL LORE a toujours été efficace en moyen-format, il n’est jamais aussi expressif que sur la durée, et pour excuser sa longue absence, Ayloss a sorti l’argenterie et la porcelaine pour mettre les petits plats dans les grands.
Pas moins de soixante-seize minutes, et un comeback qui rompt avec la numérologie précédemment instaurée comme système de classement. Sept ans après III, et alors que tout le monde attendait à juste titre le IV qui aurait rapproché le concept d’un LED ZEP démoniaque et hellène, Ayloss abandonne les chiffres romains pour le grec, et nous baptise son quatrième album Eteròfotos (qui dans une traduction libre donne quelque chose comme celui dont la lumière vient des autres), alors même que la lumière émanant de son œuvre ne doit justement rien aux autres, mais à lui-même.
Presque une heure et vingt minutes de Black atmosphérique se satisferont les uns, ou de Post-Black se satisferont les autres, tandis qu’une poignée continuera de considérer la musique du grec comme du Black progressif à influences folkloriques, ce qui ne fait qu’ajouter au mystère qui nimbe le projet depuis ses débuts. Une somme colossale de travail, pour un album qui fera date dans la discographie pourtant déjà éblouissante de ce musicien à part, et qui souhaite bien le rester. Malgré ce hiatus en longue-durée, Eteròfotos ne déroge pas vraiment aux règles suivies par le musicien autodiscipliné (le monsieur manipule toujours tous les instruments, en sus de composer et d’agencer). On retrouve sur ce nouvel album toutes les composantes qui ont fait sa particularité, cette façon de chanter/hurler en arrière-plan, de céder sous la douceur de chœurs suivant des mélodies traditionnelles grecques, et ces longues évolutions instrumentales revisitant toutes les ambiances possibles pour construire un labyrinthe d’émotions à la sortie bien cachée sous la partition/plan complexe.
En abandonnant toute retenue de temps, l’auteur a choisi de se libérer de tout carcan, et de nous offrir les morceaux les plus denses de sa carrière. Avec toujours en exergue cette opposition entre contemplation et action, et cette succession de plans rapides et d’instants beaucoup plus lourds. Avec cette basse concentrique toujours aussi hypnotique, ce chant schizophrène qui nous emmène aux confins d’un monde torturé, ces riffs en succession permanente et cette rythmique polyvalente et tolérante, Eteròfotos pourrait, après quelques écoutes de fond, incarner la quintessence d’une méthode qui a fait ses preuves. Malgré le timing étiré de compositions ambitieuses comme « Ατραπός (Atrapos) », en ouverture et qui demande déjà des efforts d’attention, ou « The Sorcerer Above The Clouds », qui sous couvert d’une délicate harmonie introductive se permet le culot d’enchaîner les idées comme dans un processus d’écriture spontanée, Eteròfotos ne se révèle qu’à ceux ayant le courage d’en percer les secrets en prenant leur temps, celui de pénétrer à l’intérieur de chaque grotte ouverte au public pour un temps très limité.
Enregistré et mixé par Ayloss lui-même entre 2017 et 2020 aux studios Stellar Auditorium, et décoré de la splendide peinture d’Alessandro « Sicioldr » Bianchi, Eteròfotos est décrit comme une œuvre aussi BM qu’elle n’est anti-Black Metal. Le raisonnement soulève quelques interrogations, puisque les influences sont toujours les mêmes, mais on peut comprendre le questionnement en le prenant dans un sens artistique. Si le fond est résolument Black Metal musicalement parlant, les ambitions elles s’affranchissent de tout carcan en rejetant les dogmes. Mais le Black étant le sous-genre le plus libre et le plus riche du Heavy Metal, il n’est pas idiot de penser que tout effort qui s‘y rattache en fait partie, comme une métonymie diabolique qui ne souhaite pourtant pas l’être.
Plus simplement, la musique de SPECTRAL LORE est toujours aussi riche, et rebondit de plan en plan comme une créature sauvage indomptable. Entre ces plans caractéristiques de la violence européenne en la matière, cet ajout de sonorités électroniques, ces textures de base qui se réconcilient avec la musique traditionnelle nationale, Eteròfotos suit la route tracée, mais la fait légèrement dévier pour cacher un avenir qu’on pressent pourtant grandiose. Comme cet album qui ne ménage pas sa peine.
Cassures Ambient, blasts qui semblent infatigables, fade in roublard pour mieux dispenser un enseignement mélodique dissonant (« Apocalypse »), pesanteur qui appuie sur le thorax, morceau éponyme en monstre de violence pluriforme, pour une œuvre qui suit un fil rouge très discernable dans le brouillard créatif.
Et comme tout travail de titan, ce quatrième album se termine dans une épure de moyens et de sensations, d’images et de couleurs sonores, avec un gargantuesque « Terean » de quasiment vingt minutes. Certains seront désolé de constater que l’auteur a choisi de céder aux sirènes de l’Ambient avec une piste atmosphérique sans structure d’une telle longueur, mais ce long moment de faux calme était sans doute l’épilogue idéal d’une œuvre déjà trop chargée en informations brutes.
Alors oui, je dois bien admettre qu’en tant que musicien avant d’être chroniqueur, je suis profondément jaloux d’artistes comme Ayloss. Car non seulement le grec se débat avec son imagination depuis plus de quinze ans au sein de SPECTRAL LORE, mais il le fait avec une classe rare et un vrai respect de ses fans.
Titres de l’album:
01. Ατραπός (Atrapos)
02. The Golden Armor
03. Initiation into the Mystery
04. The Sorcerer Above The Clouds
05. Apocalypse
06. Ετερόφωτος (Eteròfotos)
07. Terean
Superbe pochette...
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