En choisissant cette sortie au hasard, je m’attendais à du Thrash propre, mesuré, au rythme pondéré, et à l’agressivité maîtrisée. Sans doute trompé par la nationalité suédoise, je me suis moi-même induit en erreur, et en découvrant le potentiel de violence de ce premier album déjà sûr de lui, je me rendais compte une fois de plus que la nationalité n’est pas gage de certitudes.
Et c’est tant mieux.
Fondé en 2020 à Stockholm, DISARRAY ne s’inspire pas vraiment des aînés d’AGONY, mais plutôt de l’école Thrash bestial brésilienne et de la fac Thrashcore américaine. Un joli melting-pot donc, pour les plus furieux d’entre vous, ceux qui décapsulent leur canette avec les dents et qui pètent plus fort qu’un boxer. Jusqu’ici discret, ce quintet fait aujourd’hui exploser les compteurs, via un premier long qui atteint à peine la demi-heure de jeu. Mais une sacrée demi-heure en déculottée de tympans, qui laisse des traces, et pas seulement au fond du caleçon.
DISARRAY, c’est une certaine vision de la nostalgie, celle, underground, qui a animé les eighties de sa méchanceté crasse et de sa vélocité grasse. Car une fois les effluves cajoleurs d’une intro au son clair dissipés, la débauche fait valoir ses droits, et « You Will Die » de se poser en tube instantané hurlé comme à la parade. Je ne cacherai pas une satisfaction conséquente ressentie à l’écoute de ce morceau, qui malgré une production un peu (beaucoup) brouillonne s’avère l’un des plus jouissifs de ces cinq dernières années. A la manière d’un POSSESSED vraiment malpoli et mal embouché, DISARRAY détruit un magasin de porcelaine encore plus rapidement qu’un Tom Araya beuglant son célèbre « Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaarghhhh !! ».
Mais pour autant, ne vous attendez pas à un album sans but, se contentant de sa propre violence pour justifier son existence. Ces gens-là sont doués et vraiment vilains (Edvin Mossfeldt - basse, Lucas - guitare, Valter Ernerot - guitare, Wiktor Berggren - batterie et Vigor Harnesk - chant), et développent de sacrées qualités de mise en place et de précision, malgré le caractère frondeur et sans ambages de leur musique. Et si l’entame fait l’unanimité, « Deafening Sound » continue de fédérer grâce à son habile démarquage d’une entente tacite entre le DARK ANGEL des débuts et le VIKING des années folles.
Et comme le tout sonne purement analogique, la nostalgie frappe à votre porte les bras chargés de cadeaux. A la manière d’un Darkness Descends revisité et evilisé, Evil Is Reborn célèbre le retour de l’antéchrist sur terre, et lui prépare même une petite chambre dans une église réformée. Satan est donc très cotent d’éviter l’auberge de jaunisse, et félicite ses disciples, qui lui ont emprunté quelques astuces pour faire trembler les bonnes âmes.
Bourrin mais technique, DISARRAY ne déçoit pas, et donne même le sentiment de s’être perdu dans les couloirs du temps, tant sa musique semble dater des années 86/87. Aucune faute de goût, une fureur qui tient sur la longueur, pour un résultat qui dynamite la concurrence. Par un habile jeu de breaks impromptus et de mélodies en fœtus, le quintet déjoue les pronostics de facilité, et présente un répertoire très orienté. Si la cadence de ce fameux premier titre se voulait déraisonnable, le reste des morceaux adopte une vitesse de croisière plus courante, sans pour autant perdre en puissance et en noirceur. Et comment résister au groove infernal de « Inhuman Reign » qui a des airs de classique intemporel et de réconciliation entre l’Amérique et les Etats-Unis.
Vigor Harnesk et sa voix démoniaque, Wiktor Berggren et ses baguettes magiques, Lucas et Valter Ernerot et leurs guitares-turbines, plus la basse gironde et roublarde d’Edvin Mossfeldt, les ingrédients sont simples, mais dosés avec soin. L’ambiance surchauffée donne des suées, et la bousculade prend des proportions énormes. Il n’est donc pas étonnant de se prendre un gros coup de coude sur le lapidaire et slammable « Disarray », et de le recevoir avec un plaisir masochiste non feint.
Avec un peu d’imagination, il est tout à fait possible s’envisager Evil Is Reborn comme un inédit de DARK ANGEL réaménagé par le POSSESSED de Seven Churches. La comparaison est certes flatteuse, mais elle a le mérite de situer les débats au plus haut niveau. Et un groupe capable de signer autant de hits que de titres la mérite amplement, ne serait-ce que pour cette inconscience géniale et adolescente qui refuse les convenances et autres concessions.
Et en terminant le massacre sur le sanglant « Evil Is Reborn », DISARRAY fait mouche et les colle au plafond. Alors, suédois certes, mais pas le genre à s’excuser de vous avoir légèrement marché sur les pieds. Non, le suédois plus underground, qui savoure chaque minute d’une nuit semestrielle, et qui dans la pénombre des caves voue un culte au Malin.
Qui doit certainement être flatté d’être si honoré.
Titres de l’album:
01. You Will Die
02. Deafening Sound
03. Cull The Herd
04. Inhuman Reign
05. Disarray
06. Metal Punch
07. Evil Is Reborn
Hi, Lucas here from disarray, thanks for the amazing review, I just wanted to clarify that the lineup in the review is incorrect. Vigor and wiktor didn’t preform on the album.
correct lineup:
Lucas Lee vocals and lead guitar
Valter Ernerot guitar
Edvin Mossfeltd bass
Morgan Ottenvang drums
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