Encore une écoute au hasard, découverte sur le net par je-ne-sais quel truchement, et qui m’a fait rencontrer un duo américain atypique, mais éminemment sympathique. Sans avoir énormément d’informations à vous mettre sous la dent, je peux juste vous dire que les BLACKJACK SYMPHONY sont américains, qu’ils se débrouillent par leurs propres moyens depuis des années, et qu’ils nous proposent en 2021 leur second longue-durée qui ne manque pas d’attrait. Le groupe est constitué de deux frères, Matt (chant, guitare, claviers) et Lonny Keevers (basse), qui avec cet Experime' nous proposent un sorte de Hard Rock US de tradition, animé des meilleures intentions, et porté par une énergie incroyable. La diversité est le maître mot de cette étrange formation, puisque les chansons revêtent chacune un costume différent, passant du complet veston de San Francisco au perf à franges et jean slim californien. Dès le départ le duo met les choses au point et cite des influences si disparates qu’il est bien difficile de visualiser leur musique sans avoir à l’écouter. Les deux frères citent ainsi des groupes aussi différents que PRIMUS, James BROWN, MÖTLEY CRÜE, IRON MAIDEN, RAINBOW, les WHO, mais aussi AVENGED SEVENFOLD et AC/DC, ce qui a le don de brouiller méchamment les pistes au moment de faire preuve d’imagination.
Mais ne vous inquiétez pas, ces références multiples sont plus des hommages que de réelles pistes pour suivre le parcours des américains. Vous ne trouverez rien qui soit emprunté à James BROWN sur cet album, pas grand-chose hérité des WHO, puisque Experime' se rapproche plus de la première vague américaine de Heavy Metal, que de son pendant Fusion des années 90. Le propos des frangins Keevers, bien qu’un peu abscons fait la part belle aux riffs simples et aux mélodies mémorisables, aux couplets immédiats menant sur des refrains fédérateurs. Une recette classique donc pour un album à la production honnête et à la démarche de guingois. On pense parfois au QUEENSRYCHE des premières années en écoutant leur musique, ou à une forme très primitive de Hard californien des années 88/89 lorsque le ton se veut plus léger.
Le tout garde cette approche amateur que l’on retrouve chez les groupes les plus underground de la scène des USA, et exhale d’un parfum assez enivrant pour peu que l’on se laisse prendre au jeu. Le son, assez diffus laisse pourtant une basse ronde émerger d’un flot de guitares ininterrompu, et le chant, assez gouailleur et râpé permet aux compositions de se détacher de la masse grouillante des nostalgiques Hard Rock un peu trop portés sur la bouteille de la tradition. En dosant bien les claviers, les musiciens parviennent à créer une sorte de point d’union entre le Rock radiophonique des eighties et le Heavy emphatique de la même décennie, singeant les plus grandes références de la scène Metal de Seattle, San Francisco, Los Angeles et Phoenix.
Emballé dans une superbe pochette signée par Mickael Knepper, et illustrant une splendide gorgone séduisante en diable, Experime' est donc une affaire plus complexe qu’il n’y parait et tout sauf un simple album de Hard Rock comme on en bouffe à la dizaine tous les mois. Avec ce parti-pris étrange en mi-chemin d’un art de violence et de séduction, le duo intrigue et livre des compositions époques, traitent de sujets divers. On passe donc sans vergogne d’un point de vue de kamikaze à une campagne napoléonienne, en passant par le Yeti, les addictions diverses, ce qui a le mérite d’offrir autre chose que de sempiternelles rengaines sur une société à la dérive ou sur les travers et vices d’une vie de Rock n’Roll.
Musicalement, il faut s’accrocher parfois pour suivre le fil rouge tendu par les frères Keevers, qui sautent du coq à l’âne avec une facilité déconcertante, mais ce second LP contient assez d’hymnes pour persuader les plus sceptiques. Parfois à la lisière d’une NWOBHM tirant encore des seventies quelques leçons (« Six Gun Chalet »), parfois lyrique et emphatique pour laisser la sensibilité eighties s’exprimer (« Experime’ »), souvent franc du collier et pétaradant comme une Harley démarrant à trois heures du matin (« Kamikaze »), Experime' en a pour tous les gouts et toutes les opinions, mais prend aussi le risque de ne convaincre que les purs et durs des fans vintage de par son approche un peu confuse et multiple.
Le tout ne manque pas de charme, mais on note parfois une inspiration qui tire en longueur lorsque les chansons dépassent les cinq minutes sans réel argument frappant autre qu’un riff convenu et une basse ronde. De plus, si le chant de Matt est assez persuasif sur les entrées les plus nuancées et/ou dramatiques, il devient un handicap lorsque l’ambiance s‘allège (« Anybody », pourtant doté d’un refrain pour le moins étonnant). Il conviendra donc à l’auditeur éventuel de faire le tri dans ce déroulé pour le moins sinueux, et de choisir les options lui convenant le mieux. Mais le groupe a du chien, sait parfois se concentrer sur l’essentiel et nous ramener loin en arrière (« Criminal »), ou aller encore plus loin, au creux des années les plus emphatiques du Heavy US pour nous en rappeler les valeurs les plus sures (« Napoleon », MAIDEN et son disciple QUEENSRYCHE qui récite la leçon avec application).
Un Metal qui mérite de murir encore un peu pour trouver l’équilibre stable. Mais une curiosité, pour le moins.
Titres de l’album:
01. Kamikaze
02. Addiction
03. Don’t Tell Me
04. Anybody
05. Criminal
06. Hangman
07. Six Gun Chalet
08. Experime’
09. Yeti
10. Napoleon
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