Zhema Rodero n’est pas peu fier, et pour cause, pour la première fois de sa longue carrière, il vient de signer un deal sur un gros indépendant Metal. Et pas des moindres, le danois Mighty Music, connu pour défendre des valeurs d’ouverture et pour épauler ses groupes de A à Z. Et gageons que la célèbre maison de disques nordique doit se satisfaire de ce deal, qui lui permet d’héberger une autre légende du Metal dans son écurie. D’ailleurs, Zhema est comblé de partager les box avec des pointures comme TYGERS OF PAN TANG ou ARTILLERY, ce qu’il exprime avec conviction dans les arguments promotionnels. Ce qu’il oublie, c’est qu’il est lui-même une des plus grandes légendes de l’underground mondial, et l’un des premiers musiciens à avoir joué du Heavy en Amérique du Sud. En effet, VULCANO, alors encore appelé ASTAROTH a vu le jour à l’orée même des années 80, devenant de fait le premier représentant crédible des musiques agressives lusophones. Mais c’est en 1983 que l’on trouve trace de la première production du groupe, avec le EP en langue natale Om Pushne Namah qui secoua pas mal de tignasses de Rio à Belo Horizonte. La comparaison serait trop tentante d’ailleurs, mais inutile de la faire. On ne saura jamais quel impact eut le groupe sur une bande de jeunes chevelus à connaître sous le baptême de SEPULTURA, et si ce dernier a connu un rayonnement international, les pauvres VULCANO sont toujours restés dans une ombre qui finalement, leur convenait assez bien. Et Rodero, fier guitariste, d’enfoncer le clou. Sa créature a toujours compté sur elle-même, uniquement, et si aujourd’hui la bête peut enfin jouir d’une distribution à grande échelle et d’une promotion idoine, ça n’est que mérité. Et pour cause, puisque VULCANO, au même titre que SARCOFAGO, MUTILATOR et autres références plus ou moins obscures a toujours représenté la quintessence de la brutalité brésilienne, et bénéficie encore d’une réputation sans tâches.
Des dévoués à la cause donc, qui malgré une séparation de cinq années, n’ont jamais vraiment stoppé leur course. Et si en 2020, le line-up n’est plus supporté que par Zhema en tant que membre d’origine, l’esprit bestial est toujours là, et mis en exergue par de nouveaux complices tout aussi investis que les anciens. Aujourd’hui, VULCANO est quintet (Zhema Rodero - guitare, Luiz Carlos Louzada - chant, Carlos Diaz - basse, Gerson Fajardo - guitare et Bruno Conrado – batterie), et nous propose donc la bagatelle de son onzième album studio, et le premier depuis XIV en 2016. Trois ans d’attente donc, mais est-ce pour autant que l’épiphanie professionnelle et la signature sur un solide label s’accompagnent d’une victoire artistique digne des plus grands jours du groupe ? Je ne le cacherai pas, car c’est un secret de polichinelle, mais VULCANO n’est jamais parvenu à retrouver l’aura de son premier et inimitable album Bloody Vengeance, encore considéré comme l’achèvement d’un Black Thrash sale, paillard et suintant de stupre. Et d’albums anecdotiques en relèvements de compteur d’importance médium, le groupe est toujours resté fidèle à une démarche brutale, quoique beaucoup plus agencée que dans sa prime jeunesse. De fait, Eye In Hell et sa sublime pochette signée de la main de Roberto Toderico (PAGANIZER, PESTILENCE, SODOM, TYGERS OF PAN TANG) n’est rien de plus ni de moins qu’une excellente livraison de Thrash à tendance Black, supérieure à bien des tranches de vie nostalgiques de notre époque, mais quand même en deçà de certaines productions plus underground que la première conversation précédant la première répétition de Max et Igor. Avec justement une production claire et nette, et certainement la meilleure de leur carrière, les brésiliens peuvent enfin savourer la joie d’une instrumentation ordonnée et d’un carnage maîtrisé, ce qui n’est pas le moindre des atouts de cette sortie. Les autres ? De bons morceaux, un investissement qu’on sent énergique et sincère, et niveau déceptions, une linéarité inévitable, malgré une recherche d’arrangements variés, et des titres assez passe-partout, comme s’ils avaient été composés entre 84 et 85.
Toujours soutenu par la voix de Luiz Carlos Louzada, seul autre membre du groupe à être présent depuis les années 90, Zhema peut riffer comme un beau diable et lâcher ses morsures les plus fiables. La saccade est toujours reine, et si Eye In Hell retrouve la politesse des efforts Thrash des mid eighties, on regrette parfois les approximations de mise en place, la méchanceté gratuite, qui ont depuis longtemps laissé place à une précision diabolique et une inspiration SLAYER a postériori (« Mysteries of the Black Book », les mélodies tiennent du mimétisme, et on pense immédiatement à EXUMER, qui lui aussi savait lire les yeux fermés un songbook de King and Co.). Produit par Zhema Rodero et Ivan Pelliciotti aux O Beco studios, de Curitiba, Brésil, entre avril et août 2019, cette nouvelle tornade de vélocité est toutefois d’une solidité indéniable, et d’une fluidité remarquable. Et si les morceaux gardent ces intitulés entièrement dédiés à la cause du malin qui inspire toujours autant les brésiliens, leur contenu n’en est pas pour autant aussi éloigné de la vague Nostalgic Thrash qui se déverse sur nos côtes depuis de longues années. On le comprend dès « Bride of Satan », qui jongle habilement entre un démarcage light du dernier POSSESSED et une tentative de renouer avec la violence du passé, malgré des soli propres et presque justes jusqu’à la dernière note. C’est évidemment agréable, et ça rappelle même les autres mésestimés de HEXX, ce qui en dit assez long sur l’effet produit. Pas grand reproche majeur à formuler donc, d’autant que les chansons sont toutes assez brèves, avec une seule incartade au-delà des quatre minutes lors du final éponyme, lourd comme les burnes de Satan sur la tête.
Basse ronflante et presque digne d’OVERKILL ou NUCLEAR ASSAULT, sans que le groupe ne s’entiche d’un Crossover fort peu à propos, voix hargneuse quoique légèrement monocorde, mais des riffs, des descentes de toms, des tendances aux syncopes (« Sinister Road »), et une bonne humeur générale qui est révélatrice de l’état d’esprit de VULCANO. Une joie palpable d’être encore capable de foutre le bordel plus de trente ans après la création du groupe («When the Days Falls », ça carbure encore Thrashcore limite Black, comme quoi les mecs en ont encore sous la cuisse), et de livrer des albums honnêtes certifiant du travail bien fait. Bonne pioche donc pour les deux parties, le groupe et son label, mais aussi pour toi fan de Thrash avec un minimum de culture et de mémoire. Celle de Zhema est bonne, et il est logique qu’il réclame aujourd’hui les fruits de sa passion incandescente. Il le mérite amplement.
Titres de l’album :
01. Bride of Satan
02. Cursed Babylon
03. Evil Empire
04. Struggling Beside Satan
05. Sinister Road
06. Devil Bloody Banquet
07. Sirens of Destruction
08. Dealer of my Curse
09. Mysteries of the Black Book
10. Inferno
11. Cybernetic beast
12. When the Days falls
13. Eye in Hell
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