Killers, Killing Time, Killing is My Business, Killing Machine, Kill after Kill, The Kill, en gros, dans le Heavy Metal, le leitmotiv est simple : tuer tout le monde. Avec un tel postulat, pas étonnant que les adolescents grandissant au son des guitares amplifiées développent des tendances déviantes une fois arrivés à l’âge adulte, agressant les petites vieilles, et torturant des animaux pour le plaisir. Vous apprécierez le second degré de cette boutade, mais comme le disait Chris Barnes, « je ne vais quand même pas chanter les petites fleurs sur du Death Metal ». Death, Thrash, Heavy, la règle est la même, et les lyrics sont souvent emprunts d’une certaine fascination pour la mort et la violence, la torture et le sadisme, les créatures infâmes et les actes abjects. Les danois de KILLING ne font aucunement exception à la règle, de leur baptême à leur pochette, de leurs textes à leur musique. Nouveaux venus sur la scène, les originaires de Djursland proposent en ce chaud mois d’août leur premier long via la référence Mighty Music, toujours sur les bons coups. Trois ans après leur premier EP, Toxic Asylum, KILLING développe donc ses arguments sur quarante minutes, et autant avouer que le résultat est une belle boucherie sans os.
Face the Madness, tout un programme à l’heure où le monde part à vau l’eau, et les techniques conventionnelles utilisées par les danois nous renvoient au meilleur de l’hystérie du siècle dernier, lorsque le Thrash représentait l’extrême à lui seul. Construit sur la frustration engendrée par la vague de COVID qui les a empêchés de mener à bien une tournée, ce premier album respire la revanche sur le destin, et l’envie d’en découdre une fois les choses revenues à la normale. Malgré une jeune existence, le quatuor a déjà fait ses preuves sur scène, et dire que ce premier longue-durée a été composé avec le live en tête est un euphémisme. Avec une collection de riffs francs à faire rougir Gary Holt, une pugnacité à décorner Schmier, et une emphase globale renvoyant les OVERKILL à leurs chères études dans les égouts, KILLING se présente peu ou prou comme un excellent élève de la classe New Wave of Old-School Thrash, avec juste ce qu’il faut de personnalité pour ne pas sombrer dans le plagiat pur et simple.
Jesper Skousen (batterie), Snade (guitare), Rasmus Holm Sørensen (guitare) et Rasmus Soelberg (chant/basse) proposent donc un genre de cocktail méchamment salé dosant deux tiers d’EXCITER et un tiers du KREATOR d’Endless Pain, le tout légèrement adouci pour ne pas bruler la gorge des plus modérés. Une boisson pour le moins relevée, mais qui ne se contente pas de tabasser le palais. Car après une mise en bouche assez velue, le breuvage se répand dans votre organisme d’une façon assez insidieuse et plus lentement qu’il n’y parait, pour contaminer votre organisme et vous donner envie de mosher du haut de la tour Eiffel.
Groupe intelligent, KILLING sait attirer le chaland violent, et a placé en ouverture deux des titres les plus tonitruants de la production actuelle. Et avec un scud aussi rapide et précis que « Kill Everyone », pas de doutes à avoir : les sagouins connaissent la brutalité, et la jouent avec un plaisir non feint. Riff circulaire comme à la grande époque de la sidérurgie allemande, chant délicatement hystérique accouplant Mille et Paul, limpidité de propos, rapidité de tempo, tout est là pour vous rendre dingue, et ça marche. « Before Violence Strikes » reste sur le même moule, avec toujours l’abattage d’un batteur qui ne connaît pas le sens du mot « repos », mais si l’intensité reste au sommet, on sent déjà que les musiciens placent des mouvements de pion moins évidents sur l’échiquier. Et une fois ce choc frontal encaissé, le reste de l’album s’éloigne du lapidaire facile et de l’épidermique instantané pour développer des arguments plus…construits.
Et il ne faut pas attendre bien longtemps pur découvrir les réelles intentions du combo. « Don’t Get Mad, Get Evil » garde les BPM sous le coude, impose enfin un mid tempo à la TESTAMENT de Practice What You Preach, mais la méchanceté, l’acidité de ton et l’agressivité restent les mêmes. Conscient que Reign in Blood ne peut être égalé et qu’un grand album de Thrash se construit comme un plan de bataille élaboré, les KILLING montrent alors un autre visage, plus inquiétant, et paradoxalement, aussi euphorique.
Produit de main de maitre par un technicien de la brutalité efficiente, produit pour enterrer la basse dans le mix et la faire ressentir par intermittence, décoré d’une sublime pochette tout à fait dans le ton, Face the Madness est plus qu’un simple album de revival Thrash bête et méchant. Il est une prolongation des émotions eighties, par des musiciens amoureux du genre, qui sont capables de se souvenir que tout a commencé par un tempo plus rapide et des riffs plus tranchants (« Legion of Hate »). C’est ainsi que la seconde partie de l’album fait montre d’une ambition non négligeable, proposant les titres les plus évolutifs, et les ambiances les plus sombres. On se prend à l’intro de « Straight Out of Kattegat » comme un pauvre hère déambulant dans la mauvaise rue à la mauvaise heure (fills à la Lombardo offerts par la maison), on se repenche sur l’histoire mondiale avec un « 1942 » sentencieux, et finalement, on reste assez admiratif de ce final « Killed in Action », et ses six minutes de déroulé à la EXODUS passablement énervé par une mouche qui se pose sur les guitares.
Radical mais finaud, bourrin mais pas trop, KILLING sans être la révélation de cette année, s’impose comme un chef de file à suivre de très près. Gageons que la reprise des affaires en concert fera la leur, puisque leur réputation n’est plus à faire dans des conditions vivantes. Tuer oui, mais avec flair et panache.
Titres de l’album:
01. Kill Everyone
02. Before Violence Strikes
03. Don’t Get Mad, Get Evil
04. See You in Hell
05. Legion of Hate
06. Straight Out of Kattegat
07. One Last Victim
08. 1942
09. Killed in Action
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