Il y a les groupes qui en font trop, en se prenant au sérieux (HAMMERFALL, SABATON, too many to mention), ce qui n’arrange pas leurs affaires. Il y a ceux qui en font trop, mais qui assument leur second degré (STEEL PANTHER, et d’autres), ce qui n’arrange pas forcément leurs affaires non plus. Et puis il y a ceux qui assument tous les débordements, exactions, exagérations, déviances possibles, et qui s’en tirent avec les honneurs, grâce à une technique et une maîtrise instrumentale au-dessus de tout soupçon, ainsi qu’une créativité et un humour qui ne souffrent d’aucune comparaison.
Je pourrais parler des NANOWAR, de nos ULTRA VOMIT à nous, et citer encore quelques exemples de combos qui parviennent à combiner musicalité et pastiche avec une grâce digne d’un sketch des Monty Python mis en musique par Devin Townsend.
A cette liste, il semble possible d’ajouter une troupe venue d’Autriche, qui depuis ses débuts n’hésite pas à appuyer là où ça fait evil, avec une ironie très personnelle, mais un réel amour du style dont ils pourfendent les travers les plus évidents.
Cette troupe porte un nom, KLYNT, et se gausse de nous irriter depuis maintenant sept ans de sa ville natale de Graz.
KLYNT, ce sont quatre musiciens (Alex – batterie, Dadu – chant, Flavius – guitare et Lexi – basse), déjà responsables d’un EP introductif qui mettait les majeurs tendus au poing (Epic As Fuck, un peu leur devise), et d’un premier LP aussi symphonique que percussif (Of Klynt and Man, 2012). Ce sont aussi quatre potes qui ne rechignent pas à sourire en secouant leur tignasse, et qui nous proposent donc depuis leurs débuts un Metal incendiaire qui se veut aussi emphatique qu’une séance de gonflette de Joey DeMaio. D’ailleurs, on ne reprend pas par hasard le séminal tube radiophonique de BON JOVI (« Runaway », évidemment) pour le transformer en hymne guerrier de chevaliers en quête de leur belle dans les montagnes de la terre du milieu permanentée.
Et puis, un simple coup d’œil aux photographies disponibles vous en dira plus long que n’importe quel discours, et vous comprendrez bien vite que les autrichiens aiment autant se fendre la poire que vous éclater la tronche à grand coups de riffs aiguisés et de rythmique allumées.
Là est donc le but du jeu, jeu qui est très agréable en leur compagnie, puisque jamais la galéjade ne prend le pas sur l’artistique, qui reste collé à des principes figés. Jouer la meilleure musique possible sans être dupes de slogans à l’emporte-pièce et de soli flamboyants qui embrasent votre imaginaire.
Comment dès lors, emprunter aux cadors du Power/True/Evil Metal leurs pires tics/meilleurs trucs sans passer pour une bande de trublions de fond de classe ?
D’une, il faut savoir jouer, de deux, savoir composer, et de trois, savoir écrire sans se tâcher. Et ces trois préceptes sont parfaitement respectés sur Faustbreaker, à la pochette payant autant son tribut aux lumineuses 80’s qu’à la saga Sharknado, revue et corrigée par Luca Turilli.
Dès lors, le manège tourne à toute vitesse, et mélange les genres dans un ballet étourdissant de grandiloquence et de puissance. En mixant le Power le plus prononcé, le Thrash le moins élancé, et le Heavy le plus enclumé, les KLYNT relèvent le défi étrange de parodier sans parodier, puisqu’il est impossible à l’écoute des pistes pour un non-anglophone de comprendre les tenants et aboutissants. Mais ces mecs aiment le Metal, impossible de le nier, et nous entraînent dans un univers epic as fuck dont il est très difficile de s’extraire sans un effort surhumain.
La faute à des titres évolutifs et percutants, qui ménage le chou de riffs tranchants et la chèvre de rythmiques écrasantes, le tout survolé par un berger vociférant ses invectives avec une belle voix de baryton.
Niveau instrumental, les autrichiens maîtrisent leur sujet sur le bout des cordes et des baguettes, et livrent une performance hallucinante qui tient la dragée haute aux plus grands accomplissements lyriques (« Allegiance Of Wolves », petite pépite progressive au son gigantesque et au verbe dantesque).
En version courte, la donne est violente et salement Heavy/Thrash (« Thrashotron », mix entre BULLDOZER, MANILLA ROAD et SAVATAGE), et en version longue, elle se veut plus agencée, mais tout aussi tonitruante et salée (« Epicness Initiated... GOOOSH MODE! », et son intro profonde à la SPINAL TAP qui dégénère en Heavy Power de première bourre, un peu comme si un MAIDEN survitaminé taillait la route aux côtés des SONATA ARCTICA sans ouvrir la bouche, instrumental oblige).
De l’application, mais aussi des variations, car les bougres sont loin de se contenter d’une seule auge pour manger. Ainsi, ils taquinent aussi le Heavy Acceptien bien bourrin (« Uuberfeist »), la ballade aux accents Folk qui tire les larmes au terme d’un été indien (« To Absent Friends », et ses accents Vincent Price/Peter Steele), le Power enivrant qui se veut plan de bataille géant (« Deadly Prey », en hommage au magnifique Ultime Combat de 1987 avec Cameron Mitchell, chef d’œuvre du septième art bien sûr…), sans oublier les boutades de fin de banquet qui misent plus sur le Thrash en bouquet que sur les blagues fatiguées (« Thrash FM », bonne tornade qui referme la porte avec fracas).
En gros, un passage en revue de tout ce qui constitue et a constitué le Heavy depuis qu’on a fondu pour lui, et qui toise de sa superbe morgue les donneurs de leçon un peu trop sérieux dans leur accumulation de clichés.
Et puis sincèrement, des trucs aussi accrocheurs que « Kitsune » sont franchement irrésistibles, alors, on est prêt à pardonner quelques écarts de justesse dans la voix, et des systématismes parfois un peu flagrants. Si tout n’est pas forcément pertinent ou marrant, l’ensemble dégage une bonne humeur contagieuse, et la plupart des titres sont franchement bien troussés, et cumulent thèmes bétons et arrangements tout bon.
Dans leur rôle de clowns bardés de clous, les KLYNT sont plus crédibles et attendrissants que tous ces barbares se la jouant premier degré, et qui confondent verveine froide et pisse de dragon. Et puis sincèrement, un disque aussi Metal que drôle n’est pas du tout venant. Il n’est pas chose aisée de faire sourire en faisant headbanger, alors envoyez-vous une bonne tranche de Faustbreaker la nuit tombée.
Ça devrait peupler vos rêves de créatures somptueuses et de sorciers maléfiques.
Ou l’inverse.
Titres de l'album:
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