Imaginez une musique qui ne vous oblige pas à visualiser un espace précis, mais qui au contraire vous offre une vision panoramique du monde artistique qui vous entoure. Imaginez une musique libre, affranchie de toute contrainte de genre, d’espèce, de catégorisation, qui fasse tomber les barrières et suspende les interrogations. Une musique en espéranto, langage universel compris de tous, amateurs de Rock, de Pop, de Classique, de Jazz, et plus généralement, d’émotions intangibles, de couleurs fugaces. Imaginez être de retour dans les sixties et les seventies, lorsqu’on voyait les sons et qu’on entendait les couleurs, imaginez-vous soudainement pris dans un tourbillon d’humeurs, sans avoir besoin d’opiacées, regardant le film de votre propre vie, que vous partagez maintenant avec des milliers d’autres personnes que vous ne connaissez pas, mais que vous ressentez intimement comme étant proches de vous. Imaginez un grand jardin, un désert, une oasis, un enfer urbain, une rue ne menant nulle part, une maison aux pièces qui changent, à la structure qui évolue, aux fondations qui s’agrandissent au fur et à mesure que vous y vivez. Imaginez un ciel changeant, bleu azur, puis gris et chargé d’électricité, imaginez la pluie, imaginez-vous couché dans une herbe humide fixant les formes de nuages. Imaginez-vous sans chaîne, sans lien avec la logique et la rationalité, pieds nus, totalement couvert, sous une couette au milieu d’une nuit de rêves. Alors, si finalement vous parvenez à vous dégager de toute attache, de tout bien matériel, vous finirez par apercevoir une autre vie que celle que vous avez vécue jusqu’à présent. Non une vie idyllique, l’utopie n’étant pas de ce monde, mais une vie où chaque émotion aurait sa place, et où chaque acte n’aurait besoin d’une justification fondée. Ainsi en est de l’art, lorsque chaque note semble à sa place alors que la partition est vide. Ainsi est la musique lorsqu’elle est jouée par des magiciens en osmose qui créent leur propre langage. Ainsi est la musique du collectif finlandais ONSEGEN ENSEMBLE.
ONSEGEN ENSEMBLE est justement un groupe de passionnés, unis sous une bannière commune, ou communauté dont les portes sont ouvertes à tous les invités, pour peu qu’ils apportent quelque chose de personnel et d’intime au groupe. Né en 2004, et déjà auteur de deux albums, ce projet qui n’a eu de cesse de changer et d’évoluer nous offre aujourd’hui son troisième album, qu’il a confié au bon label, Svart Records. Qui mieux que des finlandais pour comprendre d’autres finlandais, mais qui mieux que des chercheurs en originalité pour appréhender l’indicible ? Composé sur cet album d’une myriade de musiciens (Pasi Anttila, Heikki Häkkilä, Esa Juujärvi, Merja Järvelin, Sami Lehtiniemi, Samuli Lindberg, Joni Mäkelä, Niina Vahtola et Mikko Vuorela), ONSEGEN ENSEMBLE en a vu passer des dizaines d’autres, qui ont offert leurs services et leur talent à des albums comme l’initial Awalaï en 2016, et sa suite Duel en 2018. Fear, le petit dernier, se propose d’isoler la peur, de mélanger les cordes aux vents, la plume au béton, le Post Rock au progressif des années 70, corsant le tout d’un peu d’expérimental à la MAGMA, tout en évoquant le Folk du froid avec une acuité terrible et réchauffante. Refusant presque complètement le diktat d’un chant qui imposerait ses mots, l’ensemble développe donc de longues idées, qui se formalisent autour de mélodies, de parties rythmiques, mais qui accepte parfois le collectif de voix entremêlées, pour créer une strate de sons éthérés et raconter une légende musicale féérique nous replongeant dans le culot le plus absolu des seventies. En écoutant le sublime « Earthless », impossible de ne pas penser à un MAGMA épuré de sa colère la plus fondamentale, et plus concentré sur la paix du cosmos que sur les guerres humaines. Ces nappes de timbres qui s’évaporent dans le lointain évoquent aussi VIRUS, et sa façon de biaiser le progressif pour le rendre plus humble, mais l’ensemble à des airs de bande sonore d’un film à la Midsommar, avec culte de la lune, symboles ésotériques, et heureusement, une fin plus clémente pour ses protagonistes.
Découpé en sept actes, mais conçu comme une musicothérapie globale, Fear s’adresse donc aux sens les plus aigus, et aux esprits les plus ouverts. Sans rien proposer de révolutionnaire, et en faisant même preuve d’une certaine humilité, ce voyage instrumental d’une cohérence rare explore les limites du Rock qui ne se considère pas en tant que tel, et laisse la guitare tisser des nappes stellaires, la basse se mouvoir comme bon lui semble, en respectant les silences, les pauses, mais en imposant aussi des moments d’intensité, des stridences, à la manière d’un GONG enfin débarrassé de ses mauvaises habitudes lysergiques. On reconnaît même parfois des traces évidentes de Progressif contemporain sur le title-track, avec ce riff souterrain sur volutes de basse statiques, et la violence parvient même par instants à se faire une place, une violence formalisée en densité, et non en éclats de distorsion et de percussions. Presque chamanique, l’ensemble dégage un potentiel de mantra ouvrant de nouvelles perspectives sonores, rappelle les drones indiens, mais aussi le folklore de l’est, tout en se frottant au Space-Rock le plus ancré dans le patrimoine de la décennie de tous les possibles. Il est tout à fait possible aussi d’envisager la chose sous l’angle d’un Post-Rock moins contemplatif que la moyenne, spécialement lorsque « Sparrow’s Song » égrène ses itérations en morse, mais finalement, les étiquettes, quelles qu’elles soient n’ont aucune importance. Les mots non plus d’ailleurs, et cette chronique n’a pas pour but de vous guider dans ce labyrinthe de sons dont vous êtes le seul à pouvoir trouver la sortie, comme tous ceux qui décideront d’écouter Fear.
Mais on apprécie ces cuivres, on adore cette basse décidément pivot de l’ensemble, on adore ces arrangements discrets et épars, et lorsque tous les éléments s’assemblent comme par magie, sur l’ineffable « Lament of Man », l’auditeur atteint un niveau de perception supérieur…ou s’ennuie fermement, selon son degré de tolérance à une musique libre. L’absence de chant formel pourra dérouter, tout comme ces soudains accès de colère sur le même « Lament of Man » (qui valide définitivement le parallèle avec VIRUS), et si certains trouveront le tout un peu empesé, répétitif et élitiste, les autres se satisferont amplement de ce thème mélodique unique qui trouve son apogée dans le crescendo de « Satyagrahi ». ONSEGEN ENSEMBLE propose un ailleurs, un ailleurs possible, qui ne fera pas rêver tout le monde, mais qui permet pendant quelques minutes d’oublier son ici, parfois bien morne.
Titres de l’album:
01. Non-Returner
02. Stellar
03. Earthless
04. Fear
05. Sparrow’s Song
06. Lament of Man
07. Satyagrahi
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