J’ai des critères assez subjectifs qui me poussent à aimer un album dès ses premières secondes. Tiens, une allusion à NEUROSIS, une intro qui emprunte le chemin autrefois foulé par les SWANS, et quelques autres indices du même style. Un riff pur FROST par exemple, me fait fondre dès ses premières notes occultes. Un deuxième qui pique le titre d’un de leurs anciens et légendaires morceaux.
C’est vous dire si le troisième album des VALLENFYRE avait tout pour me plaire dès le départ. « Born To Decay », c’est le genre de chose qu’on aurait pu trouver sur Apocalyptic Raids ou To Mega Therion, et ça me donne le sourire.
« Messiah », et son méchant très vilain Crust/Grind qui simule une crise de colère du NAPALM de 1988/89, c’est la même chose. Alors si en plus, le reste est du même tonneau, alors je craque.
Subjectif et dérisoire, isn’t it ?
Mais j’assume, et je développe. Enfin, autant que faire se peut.
On connaît l’histoire du groupe, mais je vais quand même vous la répéter ici, pour replacer le contexte dans le bon cadre. VALLENFYRE, c’est un solide side-project qui est devenu un project à part entière. Un groupe/concept né du malheur et du besoin de faire son deuil. Le deuil d’un père, celui de la famille de Gregor Mackintosh (PARADISE LOST), qui après avoir consulté un spécialiste, a décidé de trouver sa propre catharsis dans la musique. La musique la plus basique et old-school qui soit, celle qu’il avait envie d’écouter, mais que personne ne jouait correctement selon lui.
Alors, alliance. Un ex-MY DYING BRIDE à la guitare et à la basse (Hamish Glencross), et Waltteri Väyrynen à la batterie.
Un EP (Desecration), deux longue durée (A Fragile King en 2011 et Splinters en 2014), et une soif de gros Death/Doom à l’ancienne, de circonstance malheureusement. Des concerts, évidemment, et puis le passage obligé (pas forcément dans le cas d’un projet parallèle, mais quand même) du troisième album, celui-là même censé présenter le franchissement d’un cap difficile. Ce cap, Gregor, Hamish et Waltteri l’ont franchi d’une façon simplissime, mais finalement, c’est sans doute Gregor qui en explique le mieux la genèse.
« La plupart des groupes peaufinent leur son sur leurs deux ou trois premiers album. Devenant plus pro techniquement et aiguisant leur art. VALLENFYRE a fait exactement le contraire. Nous avons « dévolué », rendu les choses plus simples et écrasé la plupart des mélodies sous des enveloppes de bruit en décomposition »
Et le bougre ne mentait pas. Pis, il disait la vérité. Si les deux premiers disques ne faisaient déjà pas trop dans la dentelle ou la sophistication, Fear Those Who Fear Him est un monstre de brutalité faite simplicité, qui nous écrase de sa franchise morbide et nous enterre sous une épaisse couche de terreau Death/Doom/Grind digne des plantations les plus fertiles des années 90.
L’équation est simple, et le plaisir qui en découle est immédiat, et abondant. En ajoutant dans une équation sans inconnue les facteurs ENTOMBED, NAPALM DEATH et CELTIC FROST (et piquant le tout d’un énervement NAILS tout à fait légitime), les VALLENFYRE signent avec ce troisième disque le choc Century Media du mois.
Une production signée par le stakhanoviste Kurt Ballou, un mastering soigné par le marathonien sprinteur Brad Boatright, et l’affaire est dans le body bag, froide et serrée comme une sardine toute sèche en boite sans huile. Tout ça joue très vite, très fort, ne marque aucun temps mort et ne reprend que très peu son souffle. En alternant les pulsions Death de la scène scandinave des 90’s, et les embolies pulmonaires Crust/Grind made in UK (NAPALM, DISCHARGE), tout en stabilisant morbide avec des réminiscences de la folie intérieure de Tom Warrior, les trois acolytes de l’impossible ont signé leur album le plus épidermique, le plus instinctif, et sans doute, l’un des meilleurs de ce premier semestre en termes de sauvagerie primale.
« Douze chansons. Pas de samples. Pas de triggers. Pas d’arnaque. Mais des amplis vraiment puissants, un jeu de batterie féroce, et des vocaux vicieux qui dégueulent leur bile et leur poison. Une brutalité sauvage et honnête. Aucun conformisme, aucun compromis. Un cauchemar meurtrier vomissant sa bile empoisonnée sur un monde de tordus. Ouais, c’est comme ça que j’aime les choses… »
Alors oui, la prod’ de Ballou est une fois de plus énorme, et se rapproche même de celles sortant des enceintes des studios Sunlight, le surplus de puissance qui amène certains morceaux près de la frontière entre la vie et la mort. Des guitares qui laminent, secouant la rigor mortis de membres qui pourtant se meuvent pour frapper les pavillons au plus près des peaux, tannées et usées. Une gigantesque basse qui soutient le chant le plus grave qu’il m’ait été donné d’entendre depuis les débuts de Lars Goran Petrov, et une litanie de lourdeur, d’oppression et de deuil formidable, de celles qu’on n’entendra jamais dans un cimetière anglais, trop soumis à la pression de l’étiquette.
Souffrir en silence et en toute dignité ?
Non, souffrir en bruit et en hurlant sa rage, tel est l’enseignement à retenir de ce Fear Those Who Fear Him, dont certains titres auraient pu et dû se retrouver sur le séminal Left Hand Path, pour peu que le vortex espace-temps se replie sur lui-même (« The Merciless Tide », avec ses accents MORBID ANGEL qui raidissent encore plus l’embaumement).
« An Apathetic Grave » suit peu ou prou le même chemin de gauche, et tend la main au malin, pour un gigantesque Doom/Death qui pue l’autre monde, et érige la souffrance au rang de dogme, un peu comme si le Gothic du fameux groupe de Gregor traversait la route du Cause of Death d’OBITUARY.
D’un autre côté, la violence crue et sombre de « Messiah » ou « Nihilist », évoquent avec ferveur la nouvelle scène D-beat/Crust scandinave sans bouger les pieds d’Angleterre, puisque le monument national NAPALM a influencé ces putains de Suédois qui n’étaient encore que des bambins en couche-culotte. Même constat du côté de « Kill All Your Masters », ou de « Soldier Of Christ », moins épidermiques et épileptiques, mais tout aussi écrasants.
Ecrasant, « Cursed From The Womb » l’est, sans conteste, et aurait même pu clôturer l’album pour en incarner l’acmé, sans que personne n’y trouve à redire. Incantatoire comme du MY DYING BRIDE pollué par le PARADISE LOST des débuts, encore traumatisé par To Mega Therion et Into The Pandemonium, jouant à singer les tics à venir de la scène de Stockholm sans vraiment savoir à quel point celle-ci allait traumatiser l’extrême. Mais c’est ainsi.
Alors oui, les VALLENFYRE ont en quelque sorte progressé en dévoluant. Ne cherchez aucune trace de DEVO là-dedans, il n’y en a pas. Tout ce que vous trouverez dans cette boite de pandore maléfique, ce sont des intonations de mort, des suées de peur, et surtout, une très tangible dose de violence et de haine, effectivement vomies sur le tapis, sans aucune précaution ni état d’âme. Un retour au stade le plus primal de la colère humaine.
Une thérapie inversée en quelque sorte. Qui vous pousse à craindre ceux qui craignent. Those who sucks en VO. C’est mieux.
Titres de l'album:
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