On finit tous par grandir un jour. Nos goûts changent, notre perception de la vie change, notre entourage immédiat change, et par extension, nos buts changent. Au départ, certains sont des chiens fous, des électrons libres, des expérimentateurs, des tentateurs, qui veulent tout essayer, tout goûter, s’exprimer de façon véhémente, arracher à la vie cette couche de peau qui les empêche de souffrir. Et puis, la vie aidant, les années passant, on se rend compte qu’il y a finalement plus simple à obtenir d’une existence qu’un questionnement permanent. Alors, on devient « adulte », et on accepte de regarder les choses sous un angle différent, et d’apprécier l’instant, un autre avenir, moins coloré que celui qu’on imaginait, mais pas moins agréable, et disons-le, inévitable et le plus probable. Ce qui ne veut pas dire qu’on change foncièrement en soi, mais on s’adapte, on adopte, on accepte, et on finit par se faire à l’idée qu’à un certain âge, les choses suivent leur cours naturellement. Ainsi, nous savions tous qu’Amalie Bruun allait finir par grandir elle aussi, se confronter à des choix, en faire d’autres mais sans renier les précédents. Moi aussi, comme beaucoup d’autres fans, j’aurais aimé qu’elle continue de secouer le cocotier, qu’elle persiste dans l’agacement des masses, et qu’elle garde bien dressé son majeur en direction des puristes du Black Metal. J’aurais adoré qu’elle continue de les agacer de son mélange hétéroclite de musique intimiste, de Pop déguisée en Metal, et de soudaines crises de fureur en cris incontrôlés. Mais après deux albums, un EP et un live, il semblerait que la blonde et diaphane danoise a choisi de ranger son décorum infernal avec ses souvenirs de jeunesse pour se lancer dans une nouvelle direction, pas moins intéressante, mais plus classique dans le fond, surtout pour qui est familier avec la culture nordique.
MYRKUR a toujours profondément divisé le public, ne le nions pas. Comme si une artiste pouvait remettre en cause à elle seule les fondements d’un style, se l’approprier, et en dénaturer les codes. Mais Amalie, aussi individuelle dans sa démarche fut-elle n’a jamais voulu saper les fondements, juste se les approprier pour proposer autre chose qu’une simple déflagration sur fond de haine des religions organisées. C’est ainsi qu’en deux LPs, la danoise a posé les bases de sa démarche, les a modulées, pour aujourd’hui repartir sur un autre chemin que cette superbe pochette ne cache en rien. Couleurs, iconographie nordique traditionnelle, avec cette jeune femme qui tricote dans la montagne, belle comme le jour et pure comme la nuit, MYRKUR se rapproche de ses racines, et les racines des suédois, des norvégiens, des danois et des islandais est le Folk évidemment. Ce Folk que les grand-mères chantaient à leurs petits-enfants, ce Folk qu’on jouait dans les parcs en Suède, ce Folk qui constitue les racines d’une musique moderne qui a transformé l’Europe du Nord en poumon créatif mondial depuis la fin des années 70. Je ne me suis pas formalisé plus que ça au revirement de Bruun, puisqu’elle montrait déjà des signes avant-coureurs sur ses albums précédents, mais je ne l’attendais pas sur le terrain du Folk sans autre garde-fou avant quelques temps. Il faut dire qu’en devenant mère, elle a changé sa vision du monde, et souhaite sans doute aujourd’hui s’éloigner de cette scène BM encombrante, et aussi apprendre à transmettre à son enfant une partie de sa culture autre que celle des brûleurs d’églises.
Mais on peut voir aussi en Folkesange et son titre en aveu un désir de capitaliser sur son propre vécu, de s’offrir une pause artistique crédible, loin des feux de l’enfer et plus proche de la pureté virginale d’un décor d’enfance. Ou plus prosaïquement le besoin de se sentir chérie de son public, qui a adoubé la tentative de la musicienne de proposer une musique plus simple et traditionnelle. Car après avoir constaté que sa vidéo sur laquelle elle s’accompagnait de ce mystérieux nyckelharpa (instrument de musique traditionnel à cordes frottées d'origine suédoise qui appartient à la même famille que la vielle à roue et la vièle) gagnait de plus en plus de vues au fil du temps, Amalie s’est donc plongé dans la musique folklorique nationale pour tenter de proposer sa propre version réactualisée d’une musique centenaire, en mélangeant d’anciens arrangements et de nouveaux morceaux. C’est ainsi qu’elle lança « Ella » en signe avant-coureur, son adaptation personnelle d’un cheminement mélodique classique, pour bien montrer que ce projet n’était pas qu’une simple appropriation triviale et bassement commerciale genre Bretonne de Nolwenn Leroy, mais bien une véritable exploration d’un passé toujours aussi présent. On pouvait s’y attendre, puisque Bruun ne fait jamais les choses à moitié, Folkesange est tout sauf un pied trempé en eaux prétendument dangereuses, mais bien un plongeon à six heures du matin dans les eaux gelés d’un lac. Soyez conscient que malgré ses influences modernes, il s’agit bien là d’un véritable album de Folk, et non de Folk-Metal, ce genre bâtard et avilissant qui nous souille les oreilles depuis vingt ans. En admettant que la musicienne a mis toutes ses références Metal de côté pour en adopter d’autres, on peut alors s’immerger en toute conscience et tranquillité dans cette œuvre, certes pas vraiment novatrice ni étonnante, mais d’une grande et constante qualité.
Car ce qui sera (faussement) surprenant aux oreilles des fans de MYRKUR et des amateurs de Metal en général, sera plutôt classique et poli aux autres. Le Folk d’Amalie n’est ni expérimental ni novateur, juste adapté aux exigences d’un marché qui demande des compromis, et de ce côté-là, la chanteuse s’en est bien sortie. Elle n’est pas tombée dans le piège de la traduction putassière, et a gardé le côté dansant et chantant du Folk nordique, comme le démontre le traditionnel « Fager Som En Ros ». Tout est là, les percussions en pulsations, les cordes qui s’entremêlent dans une danse de la joie, la richesse des textures, et surtout, les inflexions dans la voix. Celle d’Amalie a muri, elle est devenue plus profonde, et suggère d’autres sentiments, plus en phase avec son état d’esprit actuel. Il n’est évidemment pas interdit à l’écoute de l’album de penser parfois à Tori Amos, à SUSPIRIA, mais aussi à Sofia KARLSSON, Melissa HORN, SUMIE, et à plusieurs autres artistes s’étant accaparé un style vieux comme la vie pour le transformer en art contemporain, sans en dénaturer la pureté. La beauté est bien là, dans les notes de piano qui soutiennent des nappes vocales hantées et évanescentes (« Leaves Of Yggdrasil »), mais aussi dans cette volonté d’étirer les émotions jusqu’à atteindre une plénitude harmonique à la limite du mantra (« Tor I Helheim », et ses sept minutes sans autre modulation mélodique que les cordes apparaissant et disparaissant). Mieux vaut être rompu à l’exercice pour apprécier cet album à sa juste valeur. La musique est volontairement répétitive, même si les percussions et cordes font tout pour meubler les attentes (« Svea »), et si Amalie pioche dans le répertoire plus fondamental de quoi calmer les ardeurs (« House Carpenter » autrefois chantée par les WATERSONS et Joan Baez).
Tout s’achève d’ailleurs de la façon la plus logique et magnifique qui soit, avec un hiver onirique et cristallin (« Vinter »), comme si tout ceci n’avait été qu’un rêve, ou une parenthèse dans une vie trop chargée. Nous grandissons tous un jour, c’est une obligation. Mais rien ne nous interdit de continuer à penser à notre enfance, qu’elle fut au coin du feu ou ailleurs.
Titres de l’album :
01. Ella
02. Fager Som En Ros
03. Leaves Of Yggdrasil
04. Ramund
05. Tor I Helheim
06. Svea
07. Harpens Kraft
08. Gammelkäring
09. House Carpenter
10. Reiar
11. Gudernes Vilje Vinter
12. Vinter
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