En voyant Matthieu s’approcher de son kit, Emilie a délicatement poussé Barney de son manche de basse, comprenant le signal envoyé par son collègue frappeur. L’ambiance est bon enfant dans le local de répète, mais tout le monde sait que cette apparente quiétude va très bientôt être violée par un énorme cri de Jérémy. Et ce cri, doublé, triplé, répété, surgit sur la déclaration d’intention frappadingue de « Listen or Get the Fuck Out ». Mon fils, tu seras Grind ou tu ne seras pas. Et MASSIVE CHARGE, notre enfant chéri est Grind depuis sa naissance, marquée par le parrainage indirect de BRUTAL TRUTH ou THE KILL. Enfant chéri certes, mais surtout, enfant un peu fainéant sur les bords. Le genre de sale mioche qui se sait doué, et qui du coup, n‘en fout pas une ramée, au point de n’avoir rendu que deux copies depuis sa scolarisation en 2004. Alors, OK, Silence était bien sournois de son titre, Change This World prônait le changement par la destruction sonique massive, mais un album tous les dix ans mérite franchement un redoublement tout à fait justifié. Alors, dix ans pour retrouver l’inspiration et la motivation, ça méritait aussi un truc explosif, et plus que ses petits copains américains ou sud-américains.
Et ça tombe bien, puisque For Those We Hate déteste à peu près tout le monde, et éclate des cartouches d’encre sous les pieds de sa chaise pour maculer le pantalon du petit voisin chiant qui chouine tout le temps. Comme un gros lèche-cul.
MASSIVE CHARGE, peu prolifique, mais enthousiaste, et gai dans le fond et la forme. Matthieu (batterie), Emilie (basse), Fab (guitare), et Jérémy (câlins, berceuses et comptines pour kindergarten dirigée par la fille d’une ancienne de la stasi) s’en reviennent donc, une décennie après leur dernier effort, pour nous bercer trop près du mur. Bien sûr, tout le monde connaît mon amour pour le Grind depuis les premières exactions anglaises du genre, et du jour où j’ai ouvert innocemment ce paquet de la Poste cachant habilement le Scum de qui-vous-savez. Mais je fois admettre que malgré des kilomètres de bande, des centaines de milliers d’heures d’écoute, et des traumas incorrigibles par un psychiatre ayant officié dans les pires prisons fédérales, ce For Those We Hate m’a encore une fois bouffé pas mal de neurones, au point que je commence à vouvoyer mon ficus.
Enregistré et mixé par Fred Grind, masterisé par Axel du Walnut Groove Studio avec l’aide de Nelly et Laura, For Those We Hate est une boucherie, le For Those About to Rock du Grind, la mise à mort du Grind moisi et joué par des boites à rythmes et des automates n’ayant rien compris à la séduction analogique et à l’absence d’effets sur le chant. Puissant comme toujours, sapé comme jamais, MASSIVE CHARGE n’avance pas, il cavale et finit par se doubler lui-même en dix-sept tranches de vie et moins de quarante minutes.
Ne cherchez pas, l’objet n’a pas d’équivalent sur le marché européen en ce moment. Tout le reste n’est que conjectures stériles et beuglements dans le vide, tant l’unité de groupe se sent au moindre hurlement et à la moindre agitation en blasts de l’infernal Matthieu, le seul batteur qui enferme des chats derrière les peaux de sa double grosse-caisse pour leur laisser entrevoir la sensation éprouvée dans une centrifugeuse militaire expérimentale.
Intros travaillées, son global immense mais aéré, qui permet à la basse d’Emilie de s’exprimer, et pas seulement pour faire la maligne avec ses graves et son greffier. Quant au chant de Jérémy, il est au Grind/Crust/D-Beat ce que les pets de Barney Greenway sont à l’environnement. Des avertissements qu’il convient de prendre très au sérieux, des litanies préventives, des déculottées massives devant Dieu. Une précision diabolique dans les fills, une caisse claire qui ne fatigue pas les esgourdes, une grosse caisse qui tambourine comme un témoin de Jéhovah à la porte, pour un ballet d’outrance en hommage aux plus grands, et à même de les défier.
C’est très simple : en prenant en pleine face le choc « Swallow the People », j’en ai avalé mon Pascal Praud, et dégueulé ma Marlène Schiappa. Refusant le moindre compromis, refusant la moindre accointance Metal, les MASSIVE CHARGE gardent leur ligne de conduite so Punk qui les rend si attachants et crédibles sur la scène. Mais ce Grind, aussi propre et carré soit-il est vivant, virulent, et vraiment méchant. On sent la pièce trembler sur ses fondations, comme si nous assistions à la dernière répétition avant l’apocalypse. Le calibrage au biseau de « Like Puppets », l’intro maousse de « In Our Attitude », « Greed » et sa condamnation d’un des péchés capitaux en mode annihilation massive, « Capitalism Excess » et son riff d’intro digne du meilleur de NAPALM reprenant à son compte la profondeur d’AMEBIX, « Unhealthy Place » et son long développé/couché glauque comme un orphelinat perverti par le vice des prêtres, « That’s It » et son constat lapidaire en 284 BPM par demi-seconde, « G.R.I.N.D » et sa profession de foi aussi sincère qu’un crachat de Rogga Johansson, tout contribue à faire de ce troisième album la perfection qu’on était en droit d’attendre des trublions les plus doués de la scène européenne.
Grind but chic.
C’est un peu le constat que l’on tire d’un disque qui ne ménage pas ses efforts pour rattraper le temps perdu. Avec For Those We Hate, MASSIVE CHARGE envoie chier ses ennemis, et relègue la concurrence au rang de simples doublures appelées à l’occasion.
For Grind we’ll die.
Titres de l’album:
01. Listen or Get the Fuck Out
02. Swallow the People
03. Like Puppets
04. In Our Attitude
05. Teeth Breaking
06. Greed
07. I´m Obscene
08. Capitalism Excesses
09. Awful Swine
10. Unhealthy Place
11. Deepening
12. That´s It
13. Give Time to Reason
14. Back to the Charge
15. G.R.I.N.D.
16. Cursed
17. This Is Not the End
Effectivement excellent. Rarement vu aussi efficace depuis longtemps.
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21/11/2024, 08:46
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