Jacques Brel chantait, « Celui des deux qui reste se retrouve en enfer ». George Romero nous disait quant à lui : « Quand il n’y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur terre ». Alors finalement, qu’en est-il de notre destination une fois que le destin nous a rattrapés ? Je serais tenté de dire, peu importe. Puisque depuis longtemps, l’enfer est sur terre et vice-versa. Ce qui arrange bien les affaires des missionnaires de Lucifer qui collectent des âmes en toute tranquillité. C’est le cas de nos chers GORGON, qui depuis l’orée des nineties passent d’un contrat à l’autre sans compter, convertissant les âmes perdues en chansons goulues.
GORGON est l’une de nos plus anciennes institutions Black Metal. En activité depuis 1991, et malgré un long hiatus, le groupe d’Antibes est en quelque sorte le gardien de la flamme, encore plus depuis son comeback de 2017. Depuis, deux albums, solides, sévères, et un troisième cette année, en guise de déclaration de guerre. Et sincèrement, si l’avenir se dessine selon les contours de ce For Those Who Stay, il ne va pas être de tout repos.
D’ailleurs, bien des groupes rêveraient de pouvoir entamer un concert avec un morceau aussi tonitruant et puissant que « For Those Who Stay ». Impulsion nordique à la « Serpent Sermon » de MARDUK, cette entame est belliqueuse, vénéneuse, et oppose un refrain instantané à des couplets fielleux. Le style propre de GORGON, qui a glissé d’une admiration envers IMPALED NAZARENE à des inclinaisons plus généralistes et voraces. Ce nouvel album est donc la bombe attendue. Onze nouveaux psaumes dédicacés à la poésie la plus noire, et aux obsessions les plus macabres. Dans un registre de BM classique et teigneux, les sudistes tiennent la dragée haute à la concurrence, et continuent d’avancer à vive allure.
Celle de « Vatican's Fall » par exemple. Placé en parfaite ligne médiane, ce morceau aux reflets charbonneux explore le plus sombre de la psyché humaine, et dénonce la fourberie du Vatican qui accumule les richesses depuis des siècles sans avoir à rendre de comptes. Véritable succession de coups de force, For Those Who Stay s’adresse vertement à tous ceux faisant encore partie de ce monde cancéreux, et livre son verdict sans ambages ni ronds de jambe :
Tous coupables.
Coupables de veulerie, de petitesse, d’égoïsme, d’égocentrisme, de jalousie, de thésauriser dans le vide et de se livrer à une surconsommation de masse pour oublier ces valeurs humaines perdues en cours de route car trop couteuses humainement. En quête d’absolution maléfique, le quatuor se livre à son exercice préféré, l’attentat rythmique, doublé d’une couche de mélodies acides. Et la combinaison fonctionne une fois encore à plein régime, les morceaux étant forts, épais, et lapidaires. Lorsque le groupe prend son temps, ça nous donne quelque chose comme un mini-conflit mondial, avec bombes larguées sur les métropoles, peuple en fuite dans le désarroi le plus total, et abris de fortune faits de ruines et autres restes fumant. On sent la violence s’échapper de partout sur le très méchant « The Art Of Dying » qui nous explique par balles + mines comment mourir avec élégance, et plus spécialement sur « Despicable Beggars », autre gros morceau pesant et insistant, qui se nourrit d’un tempo lourd et persistant pour nous ronger l’espoir par les deux bouts.
Professionnel jusqu’au bout des ongles, GORGON poursuit donc son entreprise de destruction massive avec une franchise qui fait plaisir à entendre. Si les boucles harmonieuses de guitare citent directement les textes norvégiens, si le chant raclé et possédé évoque l’underground le plus incorruptible, l’agencement est moderne, et la trame classique. On sent cette dualité lors des passages les plus accrocheurs, qui pourraient être considérés comme Heavy, et propres à la consommation.
D’ailleurs, GORGON refuse les dates de péremption. Sa chair musicale se consomme sans restrictions, et garde son goût inimitable, que vous passiez l’album dans un autoradio, un radiocassette, ou sur un lecteur digital virtuel. Le son est énorme, arrondi, mais toujours avec cette patine abrasive qui rend les chansons encore plus rêches. Le groupe ne rentrera jamais dans aucun rang, et gardera sa spécificité jusqu’au bout, ce que signale avec beaucoup de poigne « Shelter ». Assaisonné de chœurs vengeurs, et d’une vitesse folle, il contribue à la décadence ambiante aussi efficacement qu’un influenceur spécialisé dans les mauvaises mœurs, et fait grimper la température de quelques degrés. Une sorte de réchauffement climaxtique.
Les minutes passent, deviennent des dizaines, mais l’impression reste. GORGON sonne toujours aussi extrême, mais compréhensible et dévoué. Impossible de ne pas voir en ce nouveau chapitre un renouvellement dans la continuité, et l’assurance de qualité dont le groupe s’est toujours porté garant. En travaillant sur ses propres bases, le concept croit, et atteint une dimension culte que peu de groupes peuvent revendiquer. Et qu’importe si la basse est réduite à l’état de gimmick, qu’importent les options traditionnelles, la puissance est reine et c’est tout ce qui importe.
Et la perversion aussi.
C’est tout ce qu’on attend de ce For Those Who Stay qui nous repaît sans compter. Troisième long à être distribué par Osmose, il est un paraphe en bas de page qui assure de la bonne foi et de l’honnêteté artistique. Ce qui est assez paradoxal pour un groupe qui prône la ruse, la trahison et autres défauts cardinaux. Ceci étant dit, personne ne pourra reprocher à GORGON une quelconque forme de fainéantise.
Rendez-vous en enfer. Où qu’il soit.
Titres de l’album :
01. For Those Who Stay
02. Tod. Mort. Death.
03. Next To The Mill
04. Hypnotic Fire
05. Vatican's Fall
06. The Art Of Dying
07. Despicable Beggars
08. Shelter
09. When It Rains In Hell
10. Troops Of The Fallen
11. Deserters As Prey
Pas présent pour cette date. Trop vu Carcass ces dernières années (l'excuse de bourgeois...). Mais j'avoue que Rotten Sound ça me tentais tout de même. Une autre fois...
28/01/2025, 23:44
+1J'en dirai autant de Testament, Kreator ou Exodus.Leur musique ne me fait plus autant vibrer qu'avant.
28/01/2025, 19:43
Pardon mais pour les "vétérans", les édentés qui ont connu la sortie de "Reign In Blood", c'est quoi " Quill" et "Coasters"?
28/01/2025, 13:48
Plus d'éditions que de tracks; s'il y a une chose que Dani n'a pas perdue au fil des ans, c'est bien le sens du business.
28/01/2025, 13:24
Le milieu de metal aura poncé le truc des années 80 jusqu'au bout - j'en peut plus de voir des néons rose partout.
28/01/2025, 13:15
Testé y'a quelque temps et en effet c'est pas mal. Cela démonte un peu les clichés sur la faible qualité de la scène Russe (contexte géopolitique mis à part).
27/01/2025, 11:35
Merci pour ces tops et les suggestions d'albums.6 albums qui m'ont beaucoup plus en 2024 :Black Curse – Burning in Celestial PoisonBlood Incantation – Absolute ElsewhereChat Pile – Cool WorldKanonenfieber – Die UrkatastropheSpectral Wou(...)
25/01/2025, 14:23
Le grand drame du metal est de mal se marier à l'audiovisuel généralement. C'est très vite too much. Hâte de découvrir la 3e partie de ce passionnant dossier néanmoins. Merci mortne2001.
25/01/2025, 14:18
Vu à Rennes à L'Étage mardi dernier, il y avait un concert de Clara Luciani au Liberté juste à côté. 2 salles 2 ambiances :)Le concert ayant pris un peu de retard, j'ai trouvé Carcass un peu expéditif mais l'ex&ea(...)
25/01/2025, 14:15
Même affiche à Audincourt samedi passé, même tarte dans la gueule, les 3 groupes ont vraiment assuré ! Love !
24/01/2025, 15:54
Bien que ce soit pas ma tasse de thé je suis content pour Phil Anselmo qui voulait un groupe de black-metal crédible depuis des décennies.
22/01/2025, 13:18
Morceau excellent ! Je ne m'étais jamais vraiment trop penché sur ce projet, je trouvais que leur BM sonnait trop... US, on sentait trop les influences "groove" d'Anselmo, mais là ça sonne carrément BM européen je trouve ! Et bordel c&(...)
22/01/2025, 13:16