Avec une entrée en matière aussi rageuse que « Raging Steel », les KRYPTOS peuvent être rassurés quant à l’impact de leur sixième album sur les fans d’un Heavy/Power old-school. Transposant la rage californienne en fournaise des LAAZ ROCKIT sous la pluie froide anglaise de JUDAS PRIEST, les originaires de Bangalore mettent tous les atouts de leur côté, et en écoutant ce morceau aussi énergique que débridé, on a franchement du mal à croire que le groupe accuse en 2021 vingt-trois ans d’existence. Il est loin aujourd’hui le temps du brouillon mais sincère Spiral Ascent, lâché en 2004, mais encore un peu gauche de ses mouvements et intentions. Depuis longtemps, le nom de KRYPTOS est devenu synonyme de machine de guerre implacable et versatile, et seule capable de combiner la puissance de feu d’un DESTRUCTION et la fluidité de chenilles d’ACCEPT.
Troisième album scellant leur deal avec le géant allemand AFM, Force of Danger est l’archétype parfait du produit nostalgique enregistré et composé avec beaucoup d’intelligence. En à peine trente-cinq minutes, le quatuor fait le tour de la question passéiste avec une passion sans failles, et un flair imparable au moment de plaquer les riffs les plus persuasifs. Avec ses deux leaders historiques Ganesh K. (basse) et Nolan Lewis (guitare/chant) et ses deux membres rapportés Rohit Chaturvedi (guitare, depuis 2006) et le petit nouveau Vijit Singh (batterie), le groupe fait donc le lien entre passé et présent, mais n’a jamais oublié le plus important lorsqu’on se consacre à une réhabilitation de la puissance du passé : savoir composer de véritables hymnes qui deviennent des leitmotivs en concert, et qui soulèvent les foules comme un seul homme.
De ce côté-là, ce sixième né n’a peur de personne. En épurant leur inspiration pour la ramener à des proportions plus que raisonnables, les musiciens indiens ont joué la carte de la concision. Et de fait, cette grosse demi-heure en leur compagnie passe bien trop vite, tant leur recette de Heavy à la sauce Speed/Thrash est la meilleure sur le marché épicé. On pourrait citer des dizaines d’influences, sans pour autant atténuer le mérite de la formation. Ne pas oublier qu’à l’époque, le Heavy était fait pour fédérer la jeunesse et la faire regarder dans le bons sens de l’individualisme et du rejet des convenances sociales trop restrictives.
Et en abordant tous les thèmes musicaux possibles de cette musique qui a marqué notre jeunesse, KRYPTOS marque encore un maximum de points. En mode véloce, le groupe est soudé, et avance à grands pas meurtriers. En mid, l’ensemble est agressif, puissant, et presque grandiloquent. En témoigne le saignant « Thunderchild », aux épaules carrées et aux intentions musclées. Dotés d’un soliste qui n’a pas le médiator coincé entre les dents, le groupe peut s’appuyer sur des envolées brûlantes et transcender ses propres références. Mais c’est évidemment la rage et l’envie du leader Nolan Lewis qu’on remarque immédiatement, le guitariste/chanteur incarnant une sorte de démarquage habile d’un James Hetfield de l’underground. Ses harangues vocales sont teigneuses comme une tique coincée sur le dos d’un chien errant, et ses riffs sont aussi précis qu’un scalpel manié par le tandem K.K Downing/Glenn Tipton.
Toujours aussi motivé par ses propres buts, le combo nous sert encore bouillants des traînées de lave incandescente, durcit le Hard pour le fondre dans un Heavy Metal en alliage, joue avec les codes de la vitesse sans sombrer dans la pantalonnade Thrash ou Speed approximatif et niais, et propose le cocktail le plus revigorant du marché, de ceux qui font monter l’adrénaline même sous quarante degrés en été. Impossible de résister au caractère primesautier d’un « Hot Wired » et ses chœurs à l’allemande, ou à l’efficacité mid d’un « Dawnbreakers », que l’ACCEPT de légende aurait pu faire sien il y a quelques décennies.
Frapper fort, ne pas s’éterniser, laisser quelques mélodies filtrer, et jouer comme si sa vie en dépendait. Tel est le crédo de ce quatuor pas comme les autres, qui continue son chemin le menton relevé et les muscles bandés. Entre formalisme criant de vérité (« Nighthawk »), et longues évolutions plus ambitieuses (« Omega Point », point fort avec ses six minutes sombres mais entraînantes), KRYPTOS s’affirme comme l’un des parrains de la scène nostalgique des années 2000, et peut invoquer son ancienneté pour prendre le pouvoir. Et avec un duo de guitaristes capable de singer les tics de Wolf Hoffmann avec autant de facilité (« Force of Danger »), pas de soucis à se faire quant à une suprématie éventuelle : Force of Danger domine le reste de la production actuelle d’au moins deux ou trois têtes, et fait honneur à la scène indienne.
Mais les origines exotiques de KRYPTOS n’ont plus aucune importance depuis longtemps, et même le fait d’avoir été le premier groupe indien programmé au Wacken n’est plus qu’une anecdote de bas de CV en case « hobbies ». Aujourd’hui, et même depuis longtemps, KRYPTOS est l’un des plus ardents défenseurs de la cause passéiste, et propose toujours des albums en feu d’artifices pour les tympans.
Titres de l’album:
01. Raging Steel
02. Hot Wired
03. Dawnbreakers
04. Thunderchild
05. Nighthawk
06. Omega Point
07. Force of Danger
08. Shadowmancer
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