Forces of Nature’s Transformation

Lifeless Dark

10/12/2024

Side Two Records

Ce que je reproche généralement aux groupes qui nous servent la soupe de la nostalgie ? Leur manque d’investissement, et surtout, leur manque de folie. Recycler ne me dérange pas puisque c’est ce que font les musiciens depuis des siècles, entre Salieri et Mozart ou Oasis et les BEATLES, mais il convient de le faire avec panache, et envie. Et la majorité du temps, les groupes collés aux basques de leurs références se contentent de les citer avec une technique aussi scolaire que des majuscules tracées au plumier.

Alors, on se contente souvent de transformer légèrement les plans cultes, pour les rendre plus efficaces. On essaie de retrouver le son des productions de l’époque, et on adopte un graphisme qui inspire confiance. Mais au bout d’un moment, l’oisiveté se voit comme le nez au milieu de la figure de Pete Townsend. Et la sentence tombe : on s’ennuie ferme.

Le Thrash n’échappe pas à cette règle, et il est plus simple de piocher chez ANTHRAX, MEGADETH, SLAYER, DARK ANGEL, METALLICA ou DEMOLITION HAMMER que chez VIO-LENCE, WEHRMACHT, GAMMACIDE ou SACRILEGE. Sans aller parler de RAZOR, DETENTE ou ZNÖWHITE. Alors, lorsqu’on tombe sur un collectif capable de faire la nique aux plus dégénérés des eighties, on se pourlèche les babines d’avance, le clavier fermement collé sous les doigts, et la formule déjà toute prête :

Youpimiam.

Les américains de LIFELESS DARK auraient pu n’être que de nouveaux anonymes dans la masse revival. Ils auraient sagement pu jouer leur truc sans trop se creuser la tête, mais voyez-vous, ce gens-là ont une éthique. Composer efficace, personnel, et lâcher les chiens de l’enfer sur une terre fatiguée mais encore capable d’encaisser. Originaires de Boston, Massachusetts, les LIFELESS DARK n’avaient jusqu’à présent lâché qu’une unique démo, qui témoignait d’un potentiel, mais qui manquait encore d’audace et de chaos. Avec la sortie de Forces of Nature’s Transformation, ces gros vilains passent dans la catégorie supérieure, et nous pondent le brûlot définitif estampillé 2024 alors que les tops de fin d’année ont déjà été rendus.

Dommage.

Dommage, parce que je leur aurais certainement gardé une place au chaud dans mon top 20. CC (guitare), Elaine (chant), Ryan (batterie), Sam (guitare) et Jeppy (basse) sont des malandrins qui connaissent leur refrain, et qui le beuglent comme de gros punks haïssant le gouvernement et glapissant sur les passants. Dans l’optique d’un coït plus ou moins furtif entre les bien montés ENFORCED et les mythiques SACRILEGE, LIFELESS DARK joue le Thrash avec l’énergie du Crust, recouvrant le tout d’une humeur salement maussade. Dès les premières mesures de « Monsters of Man’s Invention / The Forgotten », on sent que quelque chose va clocher. Le son est trop compact, la voix d’Elaine trop haut-perchée, et la rythmique trop pulsée. Loin du crossover de papa qui s’amuse de l’importance de S.O.D ou NUCLEAR ASSAULT, l’hybridation proposée par les américains va abondamment piocher du côté du Hardcore pour salir son Metal. L’apogée de cette méthode étant atteinte par la doublette monstrueuse « Fear No Evil » / « Chalice of Vision » qui sonnent comme des hommages de la Bay-Area et de Portland à l’importance d’un DISCHARGE ou d’un TOTALITAR.

Une telle intensité n’a pas été mesurée depuis de longues années. Je ne prends même pas de gants pour l’affirmer, puisque je suis l’actualité Thrash de très près, comme l’attestent mes chroniques, et vous savez que je suis ferme quant aux albums du cru. Mais la chaleur redistribuée par Forces of Nature’s Transformation a de quoi alimenter une ville comme Boston pendant au moins six mois, et mettre ses habitants en joie. Avec un line-up pluriel et mixte, LIFELESS DARK combine le meilleur du Thrash US et la folie du Hardcore féminin moderne, produisant une déflagration encore plus folle que n’importe quelle bombe des CLOSET WITCH.

Si les CRO MAGS avaient bouffé du lion toute leur jeunesse, ils auraient pu brailler un truc pareil. La lourdeur des compositions n’a d’égal que leur vilénie, entre riffs macabres et accélérations fatales.

Et ne craignez aucune baisse de régime. Puisque « Broken Mirrors » envenime encore plus le débat, jusqu’à ce que l’énorme basse de « Feeding The Light » n’y mette un terme. Sursaturé, suramplifié, surhurlé et surriffé, Forces of Nature’s Transformation est une entrée en matière aussi péremptoire qu’un avis politique de gauche lâché en pleine Saint-Sylvestre. Sans perdre en énergie, ni faire la moindre concession, le quintet nous écrase les roustons encore plus efficacement que Tata Marthe et ses 102 kilos, et signe l’un des disques les plus venimeux de cette année 2024 catastrophique.

Faites-moi confiance, et réservez une place dans votre playlist pour cet album qui je l’espère, va impressionner la concurrence. Qu’elle se mette au diapason et qu’elle arrête de nous prendre pour des cons en nous refilant des copies bidon.

Je vous souhaiterais bien une bonne année, mais elle sera aussi pourrie que les précédentes. A la place, je vous offre le premier album de LIFELESS DARK. Vous êtes laaaaaaaargement gagnant.    

                                                                                               

Titres de l’album:

01. Monsters of Man’s Invention / The Forgotten

02. Depth of Cold

03. Cryptic Remains

04. Radiation Sickness

05. Medusa

06. Fear No Evil

07. Chalice of Vision

08. Broken Mirrors

09. Feeding The Light


Bandcamp officiel

par mortne2001 le 04/03/2025 à 17:40
95 %    7

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