Parfois, j’aime vous la faire à l’envers, mais pas tant que ça. Après tout, la fin d’année est toujours propice à l’élaboration de ces satanés « top 5 » ou « year’s best albums », exercice que je déteste au plus haut point, puisque mon volume de chroniques avoisine le degré d’outrecuidance des hommes politiques lors d’une intervention publique. Alors devoir faire un effort de mémoire pour ramener à la surface les disques m’ayant le plus remué me demande trop d’énergie, et je déteste la gaspiller. Néanmoins, et même si je suis plutôt enclin à vous faire découvrir des choses en amont, ou suffisamment underground pour que la plupart d’entre vous soient surpris par mes choix, j’ai opté aujourd’hui pour l’étude d’un album sorti à l’orée 2017. Ce choix paraîtra étrange, puisque tous les webzines et médias s’y sont penchés depuis fort longtemps, mais que voulez-vous, les hasards du calendrier sont ce qu’ils sont, et même si le délai semblera déraisonnable en termes de ligne éditoriale, il fallait bien que quelqu’un de l’équipe finisse par s’y consacrer. Pensez donc, parler d’un LP qui a déjà eu les honneurs terminaux de la bible Rolling Stone, qui a connu son heure de gloire via la plume de Pitchfork, et moi, petit scribouillard aux rimes sans fard, j’ose lui consacrer quelques signets avant même de laisser l’année se refermer. Mais se refermer sur quoi finalement ? Une richesse de production rarement atteinte depuis 2014 ? Des sorties qui se sont empilé, des révélations, des déceptions ? Un peu tout ça, et plus encore, ce qui m’amène au sujet du jour, en ce dimanche venteux et pluvieux, le troisième effort des mastards américains de CODE ORANGE. Forever. Toujours, dans leur langage, peut vouloir dire plusieurs choses. Qu’ils occupent le terrain, qu’ils obtiennent ce qu’ils souhaitent, en l’occurrence un deal béton avec la référence incontournable Roadrunner ? Qu’ils se soient fait produire par l’immanquable Kurt Ballou, qui lui aussi en 2017 se sera permis l’un des jets de bile les plus acides via son dernier CONVERGE ? Tout ça, mais aussi, ce putain de buzz’. Ce buzz’ qui leur a fait travailler leur moindre intervention sur les réseaux sociaux, leur moindre apparition live, et leurs clips qu’ils distillent comme des gimmick pensés par un directeur de com’ très au fait des techniques usuelles. Mais malgré cette science pour s’incruster dans la mémoire collective, Forever reste un putain de grand disque, qui mérite largement cette tribune tardive. Leur meilleur ? Les fans vous diront que peut-être, les critiques moduleront en comparant avec les premiers temps, mais il faut reconnaître qu’une fois encore, les originaires de Pittsburgh, Pennsylvanie ont fait fort. Mais on ne publie pas son troisième disque en virage difficile à négocier sur un indépendant célébré sans être un minimum sûr de son fait. Alors, qu’en est-il ? Il en est que Forever risque de changer leur carrière à jamais. Pour toujours. Les deux. Et c’est tant mieux.
Premier paragraphe en pavé, pour mieux rebuter les moins enclins à l’empathie de lecture, et la donne est donnée. Nous allons parler de cette musique formidable bien sûr, violente et compacte au-delà de toute attente, alors même que ces dernières étaient énormes dans les rangs des suiveurs, mais nous allons aussi parler du cheminement qui a mené les CODE ORANGE à proposer le manifeste le plus fielleux et pourtant ouvert du Hardcore moderne. Cette vidéo en 2016 par exemple, lâchée en éclaireuse et réalisée par Max Moore, au tricolorisme très esthétique de noir, blanc et rouge, histoire de marquer au fer de la même teinte une campagne de promotion terriblement intelligente. On y découvrait les options à venir, qu’on connaissait plus ou moins, mais qui semblaient indiquer que la suite des évènements allait être solide, très. Et puis ces visuels de torture, mis en forme par Brandon Allen Bolmer, avec ce mec à poil en train de subir les derniers outrages d’une « force démoniaque ». Si avec ça, les yeux n’en prenaient pas plein les oreilles d’un cauchemar à venir, alors rien ne pouvait être fait pour tenter de s’en sortir. Les CODE ORANGE savaient très bien ce qu’ils faisaient, et savaient aussi que ce troisième album était attendu au tournant, à cause de sa situation temporelle, mais aussi des noms fameux s’y étant accolés de fait. On ne dérange pas le Ballou pour faire le marlou, et le quatuor (Eric Balderose – guitare/chant/synthé, Reba Meyers – chant/basse/guitare, Jami Morgan – batterie, Joe Goldman – basse) était fort conscient qu’il fallait frapper un grand coup pour ne pas passer pour des imbéciles. Dont acte. Et Forever restera sans doute dans les annales comme LP le plus puissant et versatile d’une année pourtant chargée en déflagrations secouant les cœurs et les tympans sans aucune complaisance. Pour ce faire, il n’y avait pas trente-six solutions. Il fallait rester fidèle à une recette, mais la porter à ébullition, en ouvrant le robinet des influences extérieures, et en radicalisant les références intérieures. Alors, on y retrouve évidemment tout ce qui a fait la force du combo, toujours à cheval entre Hardcore et Metal fatal, mais aussi de petites choses plus fugaces, que les SONIC YOUTH en bisbille avec les DILLINGER ESCAPE PLAN auraient pu trousser à l’occasion d’un split improbable de courte durée. Un machin qui synthétiserait l’esprit alternatif ricain pour l’intégrer à des sonorités acides typique d’un Reznor en pleine montée. Ces plans sont distillés et placés sous l’égide des escapades en trio des ADVENTURES, qui trouvent refuge sur deux segments de Forever, « Ugly » bien évidemment, beaucoup moins laid qu’il ne veut bien l’admettre, mais aussi, et plus flagrant « Bleeding In The Blur », qui peut remercier la scène 90’s, tout autant que STONE SOUR ou les SEBADOH, dans une moindre mesure. On y voit un visage différent, aux grimaces plus nuancées, et aux invectives plus modulées. Mais le pire, c’est que malgré leur incongruité sur un disque/bloc pareil, ces interventions y apportent une vraie bouffée d’air frais qui permet de digérer le reste, comme une caresse sur un visage tuméfié après une baston mal gérée. Cette baston commence par « Forever », le titre qu’on connaît, mais qu’on redécouvre en tant qu’intro qui ouvre, les portes, sur un monde toujours aussi infernal et strié d’interventions digitales d’Indus, de Chaotic Core, et de Beatdown.
« Kill The Creator », dame le pion à la créature choyée de Ballou, et se lance dans une danse de stridences, de répétitions rythmiques soudainement interrompues assez gauchement par un passage Ambient qui tombe comme la pluie un soir d’été. Mais on prend, parce que ces itérations agaçantes le sont vraiment.
« The Mud », ou comment sympathiser en toute hypocrisie d’intérêt avec le spectre de NINE INCH NAILS, tout en saluant du coin de l’œil qui louche vers les instants les moins cléments du NAPALM de la fin des nineties. Lourd, agonisant, mais jouissif par instants. Un peu comme si un groupe de Metalcore/Beatdown lambda comprenait enfin que la jeunesse n’a pas besoin que de ça.
« No One Is Untouchable », ou le pied de nez dans la gueule ultime aux KORN qui pensaient le contraire. Un genre de gigantesque Nu-Metal porté à la sauce lourde d’un groove Beatdown, une fois de plus écrasant, mais cathartique. Et puis ce chant, qui rappelle Chino Moreno, en pleine crise d’asthme. Tétanisant.
« Hurt Goes On ». Pur Dark, pur Ambient. Pur Indus, pas dansant. Potentiellement anecdotique, et pourtant.
« Dream 2 ». Final qui n’en est pas un, et qui suggère des pistes. Léger, mélodique, surprenant, et ?
Et un album qu’on chronique des mois après sa sortie, tout en sachant très bien que tout a déjà été dit à son propos, encensé, maudit, et le reste. Mais on en dit tout le bien qu’on pense du mal qu’il fait, ironiquement, comme d’habitude. Tiens, Forever, en substance, pourrait finir dans mon satané top 5 si j’en faisais un, il y aurait largement la place. Mais j’emmerde ces trucs. Ça manque de classe.
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09