Forged in Chaotic Spew

Thra

27/07/2023

Translation Loss Records

Une nouvelle créature infâme fait son apparition à la surface de la terre. Nous sommes habitués à ce genre d’éclosion néfaste, l’actualité étant chargée en productions bruitistes, pesantes et non lubrifiées. Mais le purgatoire de l’underground est une réserve inépuisable de condamnés qui continue d’alimenter le bestiaire de l’horreur, en permettant à des maniaques de jouer une musique toujours plus sombre, agressive, et éprouvante.

Et en termes d’épreuve, les américains de THRA en connaissent un rayon. Et pas seulement celui des alcools bon marché.

THRA de Phoenix, Arizona nous a déjà contacté via un formulaire de deux EP’s, en 2019 et 2020. Depuis, le quatuor patientait dans l’ombre, attendant le bon moment pour nous assommer d’un premier longue-durée, qui étonnamment au regard du style, reste très raisonnable en termes de durée. Moins de quarante minutes pour un Sludge très noir, c’est assez peu, mais les morceaux fonctionnent sans problème, en insistant sur les réflexes les plus agressifs d’un genre peu porté sur la complaisance. Ici, le feedback est évidemment roi, le chant cryptique, la rythmique lancinante, et l’ambiance étouffante, autrement dit, tout ce qu’on cherche dans un disque de cet acabit qui se veut aussi dangereux qu’addictif.

Blackened Sludge/Death Metal

Une formulation qui en dit long tout en restant vague. Une ligne explicatrice qui finalement laisse tellement de zones d’ombre que l’on préfère laisser parler la musique. Et cette musique est désespérée mais pas désespérante, concentrique mais avec un but, et méchante comme une teigne accroché au pelage d’un vieux chien malade. Zach Nixon-Sandberg (basse/chant), Grey Smith (batterie), Matt Marquette (guitare) et Robert Wolfe (guitare/chant) connaissent donc leur boulot, et le font à merveille.

Ainsi, on ne perd pas de temps, et on rentre dans le vif du sujet sans passer par le pédiluve. Les pieds crado ne sont pas interdits dans ce marigot de l’âme, qui évoque plus volontiers les marais de La Nouvelle Orléans que le soleil de l’Arizona. Entre NOLA maladive et en stade terminal, et un Doom des années 90 passé au papier de verre d’un Desert Rock vraiment accablant, Forged in Chaotic Spew bouche les trous entre les persiennes, et observe la vie à travers une prison mentale.

Et le spectacle n’est pas joli-joli.

Enregistré et mixé par Josh Medina aux Old Hat Analog Studios et surtout masterisé par Brad Boatright à l’Audiosiege, Forged in Chaotic Spew dispose d’un son épais comme un glaviot de tuberculeux, et d’un équilibre des forces admirable. C’est ce qu’il fallait pour mettre en avant des morceaux aussi immondes que puissants, et répondant aux exigences d’un Death Sludge laid, déformé, sale et malpoli.

La rudesse du Death le plus corrosif, la pesanteur du Sludge le plus Heavy, les deux composantes sont parfaitement dosées, et le résultat donne des nausées. Pas vraiment le genre de fin d’après-midi qu’on passe à l’arrière du camion à siroter une bière plus ou moins fraîche, Forged in Chaotic Spew ressemble vu de loin à un frère jumeau d’AUTOPSY déguisé en père fouettard PRIMITIVE MAN, de quoi avoir quelques suées et vérifier que le loquet est bien fermé avant d’aller passer une nuit blanche.

Mais sous ces atours atroces, se cache un des albums les plus essentiels de cet été 2023. Avec un fond emprunté à NEUROSIS un soir de pleine lune, et une forme dérivant de la fusion de courants complémentaires (on peut même parfois se demander si ce premier long n’est pas une démo de Black Metal intelligemment emballée dans un plastique Sludge), THRA se joue des codes et des limites, et provoque, irrite, dérange, atteignant parfois le paroxysme de l’agacement sur le funéraire « Blistering Eternity », litanie de plus de sept minutes qui ne nous évite aucun symptôme grave.

Aéré par des transitions un peu plus légères, Forged in Chaotic Spew reste digeste malgré des dosages un peu excessifs, et des répétitions inévitables. Si on a parfois le sentiment d’avoir entendu tel ou tel plan quelques minutes avant, si on sent que les digressions sont minimes et millimétrées, on se laisse happer par ce vortex de violence sourde qui nous enfile dans le trou noir comme un suppositoire dans un sphincter.

La suite ?

Logique. Le suppositoire fond, et diffuse ses particules actives. Sauf que ce suppositoire-là est énorme, et qu’il met vachement de temps à se dissoudre.                 

   


Titres de l’album:

01. Flame Lurker

02. Fracture

03. Terror Vessel Pt. 1

04. Drag

05. Blistering Eternity

06. Vesuvian

07. Primordial Engorgement

08. Cosmic Scourge

09. Terror Vessel Pt. 2


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par mortne2001 le 29/08/2023 à 17:57
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