Un jour, mon voisin anglais Peter (prononcer Pétère) a eu un éclair de génie, après avoir avalé deux ou trois verres de brandy. Il s’est soudainement levé de sa chaise, et le regard enflammé, à régurgité un immense et tonitruant :
Mais quel bordel !!!
Bien sûr, flegme anglais oblige, nous avons mis ça sur le compte de l’euphorie et de l’ivresse de la boisson, mais l’argument avait de quoi interpeller. Et en y réfléchissant bien, cette saillie instantanée était le constat le plus juste et précis que l’on pouvait tirer de la situation internationale. Dressez un bilan rapide pour voir, estampillé du sceau 2024 naissant :
Pas de quoi se réjouir, mais en même temps, nous sommes tous sur le même bateau. A part peut-être l’Angleterre, qui elle, dérive sur un radeau de fortune.
STINGRAY, nouvelle créature Hardcore, a justement pas mal de griefs à formuler à l’encontre de la perfide Albion. Ensemble s’épanouissant dans un chaos D-beat/Crust, STINGRAY reprend à son compte les héritages Punk et Anarcho-core british, pour brosser un tableau sans fard ni complaisance de la patrie de Churchill. Et tout y passe. White supremacy, esclavage et pillage des ressources à la Barbade, don d’Israël après la guerre, Richard Drax et ses plantations de canne à sucre fondées par des ancêtres un brin racistes, j’en passe et des pires. En gros, après avoir encaissé le choc de ce premier album, on se retrouve persuadé que l’Angleterre est le pays le plus xénophobe du monde, devançant miraculeusement la France et les Etats-Unis.
Il est certain que comme dans beaucoup de pays qui se sont construits sur le métissage, l’Angleterre a beaucoup de choses à reprocher à sa population dite « étrangère ». On se souvient de ces reportages télévisés des années 70 (à retrouver dans le sublime The Filth and the Fury de Julien Temple) montrant de gros beaufs blancs vociférant dans la rue en stigmatisant les noirs de tous les fléaux imaginables, et justement, Fortress Britain est là pour démonter l’histoire et la remonter dans le bon sens, sur fond de hargne Hardcore concentrée et bien tassée.
Ces mecs-là en ont clairement après tout le monde, enfin, tous ceux pointant du doigt ces « vilains immigrés », dont certains sont pourtant là depuis bien plus longtemps qu’eux. Mais nous ne referons pas le monde, alors autant assister à sa déchéance avec la bande-son idoine.
Celle qui commence avec l’explosif « Controversy » et qui se termine par le très hargneux « Inner City ».
STINGRAY profite de l’occasion pour tirer un bilan de quatre décennies de rage Core, saluant du chef les SACRILEGE, DISCHARGE, AMEBIX, SEX PISTOLS, RIPCORD pour leur montrer que l’anarchie n’est pas morte. Et ces propos dénonciateurs s’accompagnent d’une musique éprouvante pour les nerfs, montant sans cesse au créneau, et louchant parfois vers l’hystérique scène suédoise.
Those who survive envy the dead, those who remain wish it was them. Earth dies screamingly, relieved of all life.
Pas joyeux, mais vrai et lucide. Sur un tempo d’enfer, Fortress Britain dézingue le protectionnisme, le racisme, l’inconscience climatique capitaliste, et a le mérite de le faire avec toute l’énergie nécessaire. On se prend mandale sur mandale, et on finit les deux yeux bien beurrés et les côtes bien cassées, mais heureux d’avoir pogoté virtuellement comme un gros éléphant.
Dans un magasin de porcelaine, tenu par une sexagénaire toute sèche qui elle aussi, aime que tout soit blanc.
L’histoire ne lave pas plus propre, mais se répète. Attention aux dérives, et surtout, regardez le futur par le bon bout de la lorgnette. Heureusement, notre mighty Queen s’est éteinte avant d’avoir pu subir les assauts blasphématoires de ces sagouins révoltés.
Et Peter de s’en remettre un petit. Et il me semble l’avoir entendu marmonner, entre deux bâillements, un « Satan drowns the Queen » assez peu symptomatique de son legs.
Titres de l’album:
01. Controversy
02. Laughter
03. Mercy Killing
04. Nerve Agent
05. Burning Swine
06. Subterranean
07. Blistered Skin
08. Fortress Britain Crumbles
09. Infernal Retreat
10. Trench Demon
11. Inner City
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