On pourrait presque les surnommer les VOÏVOD du Black Metal, tant les canadiens d’ACEDIA jouent une musique proche de celle d’Away et Snake. Bien sûr, la comparaison est sans doute un peu osée, tant les deux univers semblent différents, et pourtant, quelque chose dans la démarche les rapproche. Sont-ce ces dissonances persistantes ? Cette volonté de transcender un genre en l’abordant sous un angle inhabituel ? Cette envie de traiter des thèmes d’ordinaire peu coutumiers d’un BM qui se satisfait très bien de violence sombre et de satanisme prononcé ? Cette optique progressive qui permet toutes les audaces et les pirouettes ? Un peu tout ça, et beaucoup d’autres choses. Néanmoins, depuis 2011, ACEDIA a largement eu le temps d’affirmer sa personnalité au travers de trois albums, dont ce dernier, et ainsi devenir une incongruité insolite du paysage canadien, plutôt porté sur la brutalité sèche et mystique des grandes forêts.
Pascal Landry (basse/guitare/chant), Marc-André Bérubé (guitare) et Cadavre (batterie), viennent d’horizons divers (AU-DELA DES RUINES, CANTIQUE LEPREUX, CHAOS CATHARSIS, CHASSE-GALERIE, MELEE DES AURORES), ce qui leur permet de mettre à disposition leur expérience personnelle au service d’un collectif créatif. Certes, en s’attardant sur les textes, certains auront beau jeu de dénoncer cette préciosité un peu excessive. Je reproduis ici une partie des paroles de « Fracture », pour que vous puissiez juger par vous-même :
Lorsque l'obsolescence devient certitude idéologique,
Et l'empressement, un instrument de la confusion,
Des spéculations maquillées, amalgamées,
Se mutent en objectivité pervertie,
Intégrée à un absolu de synthèse
Composé d'ébauches et de fragments.
Il est tout à fait possible et raisonnable de ne pas se laisser leurrer par ces mots associés dans l’excès, mais il est impossible d’un autre côté de ne pas reconnaître en cette musique une traduction poétique de notre époque déshumanisée, vouée aux gémonies du Dieu béton, et du diable Ego. De fait, la sublime pochette flanquée d’une photographie de Marion Gotti illustre fort bien la thématique choisie, entre résignation moderne et résilience forcée. Nous encaissons les chocs non par choix mais par obligation, la société avançant trop vite pour qu’on s’attarde sur un mal-être quelconque.
Musicalement, le groupe a encore repoussé ses limites, et joue avec les codes au point de produire une musique totalement atonale, linéaire dans ses mélodies pauvres et anémiées, incroyablement dissonante, et pourtant, évitant l’écueil de l’avant-gardisme avec beaucoup de panache. Ainsi, on peut parfois penser à DEATHSPELL OMEGA, à DODECAHEDRON, sans vraiment y croire totalement, tant la philosophie développée sur ce Fracture en créé justement une avec la concurrence. Et fraichement signés par Les Acteurs de l’Ombre, les trois musiciens se livrent comme jamais, en insistant sur les plans les plus acrobatiques (magnifique performance de Cadavre, aka Charléli Arsenault qui s’adapte à toutes les situations et qui invente des fills hallucinés de vitesse), la violence la plus froide, opposant une basse logique à une guitare discordante, irritante, et incroyablement versatile.
Naviguant entre musique atonale et dissonante, le groupe aspire à expérimenter des idiomes sous-exploités du métal extrême, tout en gardant un sens de la tradition dans leurs aventures sonores.
Sans aller jusque-là, autant admettre que Fracture est un monolithe unique, fait de béton et de désillusions, de coups de boutoir et d’insistance rythmique, sorte de plan d’architecte un peu fou empilant les étages comme une tour de Babel. Si le seuil de tolérance à l’étrangeté est atteint assez rapidement, ACEDIA a l’intelligence d’aménager des espaces plus vivables, niches plus conventionnelles pour que tout le monde s’y retrouve. Ainsi, « L'Inconnu » se veut plus franc, tout en gardant cette basse en constant roulement, cette guitare acide qui semble ne jamais jouer ce qu’on attend d’elle, et ce faux rythme régulier qui tombe dans les nids-de-poule pour mieux redémarrer sur les chapeaux de roue.
A la manière d’une école du Bauhaus délocalisée à Montréal, Fracture décrit un monde aseptisé, robotisé, automatisé, qui ne laisse plus de place aux sentiments les plus basiques. Exit l’amour, la compassion, l’empathie, l’ouverture sur l’autre, et bonjour l’indifférence, l’égoïsme, la cruauté, la froideur de ton et le handicap affectif. Ce monde est terriblement claustrophobe, se replie sur lui-même lorsque les trois instruments se retrouvent à l’unisson (phénomène rare sur cet album), et ressemble trait pour trait à cette pochette d’un pont anonyme, surplombant une cité de vide.
Quasi résumé de ces dernières années, ce troisième album d’ACEDIA est une synthèse des différents aspects de sa personnalité, et un mouvement progressif vivant, comme un virus s’insinuant dans les organismes. Son absence totale de tonalité, sa constatation du mur qui nous sépare un peu plus chaque jour sont de beaux arguments lucides, et une prédiction d’un futur peu enviable, qui nous attend pourtant au détour d’une prochaine catastrophe humaine ou naturelle.
Et cachés derrière nos murs de béton, dans nos édifices d’insensibilité, nous ne serons pas plus protégés que ceux ayant déjà regardé la vérité en face.
Titres de l’album :
01. La Fosse
02. Mont Obscur
03. Fracture
04. L'Art de Pourrir
05. L'Inconnu
06. Brûlure du Temps
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