Mälheür - Nocturnal Forces
Attention, voilà de vrais méchants, pas beaux, qui jouent un barouf à faire fuir les taureaux. De peur évidemment. Nous en venant des Hauts-de-France, les MÄLHEÜR et leurs deux trémas (plus il y a de trémas, plus c’est vilain, tout le monde le sait bien) lâchent donc leur première démo pour bousculer un peu l’underground, et nous assomment de leur rythmique unique et de leurs riffs qui tournent comme des vautours.
Evidemment affublés de pseudonymes fleuris (Abysmal Slaughterer - batterie, Vincent Fantôme - guitare, Marquis Morbidus - chant et Luke Néfaste - basse), ces quatre pistoléros dégainent à tout va pour faire danser à la poudre ceux s’aventurant un peu trop témérairement dans leur saloon privé. Fondé en 2021, cette équipée méga-sauvage donne dans le Metal nostalgique sans compromis, quelque part entre le Rétro-Speed et le Speed Punk déchaîné et énervé du bulbe.
Autant la faire franche, rarement énergie aura été aussi palpable à travers une simple démo. On imagine sans peine le carnage live de ces morceaux qui s’enfilent comme des ministres après un conseil, mais en attendant, leur pendant studio donne aussi des crampes au kilo. Il faut dire que les musiciens n’ont pas pris les choses à la légère, et nous ont concocté un produit tout à fait compétitif sur le marché. Fini et loin derrière le temps des maquettes enregistrées sur du matériel de fortune pour sonner comme une copie de troisième génération, Nocturnal Forces explose dans les oreilles comme un pétard au cul d’un chien, et nous entraîne dans un monde où la folie règne en maîtresse.
J’ai personnellement dépensé la moitié de mon énergie matinale à encaisser ce choc frontal. Il m’a fallu reprendre de sérieuses forces après déglutition de ce Speed malfaisant mais joyeux, qui nous honore même d’une reprise canadienne des RAZOR très bien foutue. Et comme en plus les zigues sont très intelligents et nous épargnent les considérations Blackened de rigueur dans le créneau, le tout reste léger et digeste, et fait même regretter l’absence de rab’.
Mais.
Cette première démo est une sacrée carte de visite pour s’imposer dans le petit univers du Speed puriste et euphorique, et nous prions pour que les frenchies continuent sur leur lancée pour ridiculiser la concurrence. Ils en ont les moyens, l’envie, le chanteur hystérique et le guitariste volubile. Bien joué les gars, je vous aime, et votre bordel me donne des ailes. A très bientôt j’espère, en souhaitant que d’ici là vous n’ayez pas appris la politesse.
Titres de l’album:
01. Intro
02. Nocturnal Forces
03. Inferno
04. City of Damnation (RAZOR cover)
05. TormenTor
Hardiesse - Rêverie Féodale
Matinée française, avec plusieurs groupes, et donc plusieurs styles. Celui pratiqué par HARDIESSE est assez simple, un Black Metal sombre, violent, âpre, agressif et rude, dans la plus pure tradition nordique des années 90. EP ou démo d’ailleurs, puisque les deux mentions sont faites sur la toile, pour une prise de contact sans ambages qui nous rappelle que la scène française est décidément l’une des plus compétitives au monde.
Wÿntër Ärvn (basse) et H (guitare/chant) se partagent donc les tâches, et nous livrent une copie noire comme le jais. Membres ou ex de groupes divers (AORLHAC, BELORE, VINTERGEIST, LYRSIDE, REIN, HANTERNOZ, PAYDRETZ, VEHEMENCE, BRAQUEMAARD, THE DRAKE EQUATION, Ê, REGIMENT, GRYLLE, ANCEISURAL ERITANCE, du beau monde en somme), les deux hommes connaissent donc bien leur sujet qu’ils survolent avec une aisance déconcertante. Si l’on peut être rebuté par le son de la programmation, avec une double grosse caisse surnaturelle et ubercompressée, l’ambiance générale est pugnace, noire, mais accueille avec plaisir quelques fantaisies Folk du plus bel effet (« Victoire »), qui permettent d’alléger un tout décidément très oppressant.
Loin du Black lo-fi que cette pochette suggérait, Rêverie Féodale tente donc d’intégrer des éléments harmoniques dans un contexte de violence crue. Et comme la production de l’objet en question est énorme, avec une basse qu’on distingue parfaitement et un écho vraiment vilain sur le chant, l’adhésion se fait sans hésitation, avec pour seul regret le manque de morceaux à se mettre sous la dent.
Sans avoir si HARDIESSE restera un side-project ou un projet à part entière, Rêverie Féodale se pose comme ouverture majeure d’une discographie qu’on espère enrichie dans les années à venir, ne serait-ce que pour humer une fois encore la méchanceté initiale, et tomber sous le charme des sorts jetés par les sorciers norvégiens et suédois.
Soigner le mal par le mal, et prêter allégeance aux démons anciens, sur fond d’histoire hurlée comme une incantation oubliée.
Titres de l’album:
01. Conquête
02. Fougue (feat. Wynter Arvn)
03. Victoire
04. Hargne
Mürrmürr - Magdala
Même pays, style similaire, et ambitions toujours aussi grandes. Ce jeudi sera donc la journée du tréma, puisque MÜRRMÜRR en a collé deux sur son nom, histoire une fois encore de donner des indices quant à la violence proposée et exposée.
MÜRRMÜRR, fondé en ( ?) et articulé autour de ( ?) nous propose donc une longue litanie de souffrance, de libération, de questionnement et de brutalité froide et clinique. A la limite d’un Post plus cru que d’ordinaire, Magdala provoque le Black Metal pour lui faire épouser des formes moins sommaires et prévisibles, et nous réserve de belles surprises harmoniques, en son clair, en passages éthérés, et en lignes de chant évaporées.
Si les trois groupes traités dans cette chronique ont tous les moyens de se détacher de la masse, autant dire que le meneur de jeu reste MÜRRMÜRR, qui a déjà les armes pour affronter les meilleurs adversaires. La production, gigantesque et claire, l’agencement des morceaux, leur évolution, permettent presque de considérer ce premier EP comme un véritable album, album qui d’ailleurs ne tardera pas à venir. Entre ALCEST, AORLHAC, quelques poulains de l’écurie des Acteurs de l’Ombre ou d’Antiq, Magdala est un beau cadeau, aussi atmosphérique que cruel sous son papier noir.
Sans gâcher la surprise ou trop en dire, soulignons le caractère épique de ces compositions amples, qui taquinent parfois les dix minutes, mais jamais gratuitement ou pour remplir le pichet. Non, les idées sont porteuses, l’ambiance mortifère et prenante, et le tout revêt des allures de catharsis pour fondus d’occulte, le tout saupoudré d’une préciosité lettrée qui nous ramène aux plus grandes heures du BM français.
Ne vous y trompez pas, ce premier EP n’est pas de ceux que l’on choisit d’aborder un peu comme on veut. Non, les titres sont placés avec précision, et l’évolution globale reste logique. On passe donc de la nostalgie sauvage de « Cecilia », à la bestialité désespérée de « Kildara », pour finir le voyage sur les accords clairs de « Magdala », title-track magique et scindée en deux parties. La première, évanescente et contemplatrice, et la seconde, plus dure qu’une sentence de mort prématurée, forment un tout magnifique, et caractéristique de musiciens sachant très bien où ils souhaitent nous emporter.
Je me montre déjà curieux des possibilités développées par MÜRRMÜRR, qui risque fort d’accoucher d’un premier album monstrueux aux proportions gargantuesques. Un futur grand du Black est né, célébrons son arrivée, et élevons le dans la tradition nationale. Il n’en grandira que plus vite, et plus fort.
Titres de l’album:
01. Cecilia
02. Yehohanan
03. Kildara
04. Magdala
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