Passons aux choses sérieuses. Après la sévère déconvenue matinale du dernier album de XENTRIX, le cinquième tome des aventures canadiennes d’AGGRESSION apparait comme un petit miracle malgré son caractère fondamentalement classique. Depuis les années 80, le combo de Montréal a toujours été fidèle à une recette certes prévisible, mais Ô combien efficace, et les échos ultraviolents de The Full Treatment résonnent encore dans nos tympans en mode acouphènes, plus de trente ans après sa sortie.
Alors évidemment, on ne se pose plus de question. Le style AGGRESSION est bien défini depuis très longtemps, mais les albums se succèdent en maintenant le même niveau de qualité. Je reconnais cependant les approximations malhabiles de Feels like Punk, Sounds like Thrash, dont le titre suscitait quelques craintes légitimes, mais une fois avalée la pilule de From Hell with Hate, on se prend pour un surhomme capable de foutre une branlée à Satan lui-même, ou de provoquer n’importe quel videur de boite de nuit en lui jetant un gant en pleine poire.
Je m’emporte, mais j’ai mes raisons, que j’estime légitimes. Là où la plupart des groupes se contentent du strict minimum pour relever les compteurs avant de partir en tournée, AGGRESSION se creuse un peu plus le ciboulot pour livrer à sa horde de fans fidèles une cargaison riche, conséquente, et amplement satisfaisante. Mais quand on entame un album par un parpaing aussi rude que « Iesus Nazarenus, Rex Iudaeorum », c’est qu’on est sur de ses moyens, et du rapport qualité/prix proposé.
AGGRESSION a toujours louvoyé entre les sous-genres. Parfois technique, souvent brutal, foncièrement bestial, entre l’école allemande et le séchage de cours à la sud-américaine, le tout emballé dans une fluidité typiquement canadienne, AGGRESSION peut s’appuyer sur sa diversité de ton pour ne pas passer pour un vulgaire boulet de canon. Et pourtant, les obus qu’on se mange ont de quoi détruire deux ou trois pâtés de maisons.
Alors que RAZOR s’émousse, alors que XENTRIX ne donne plus la trique, alors que DESTRUCTION et KREATOR ne sont plus que des souvenirs lointains à l’horizon, AGGRESSION continue de pousser le bouchon, et se montre de plus en plus persuasif. Car il est évident qu’un morceau aussi original que bourrin comme « Antichrist Devil Cunt » ne se trouve pas sur l’album de Thrash nostalgique lambda. Blasts, voix étranges, accélérations en mode Nascar, l’originalité le dispute à l’efficacité, et transforme ce simple titre en épiphanie brutale comme on en subit que très rarement.
Lâcher un instrumental Ambient est aussi un énorme risque, celui de briser la dynamique globale. Et pourtant, l’ombrageux mais pur « The Inner Circle » ne ralentit pas les débats, mais leur donne des arguments supplémentaires. Des arguments qui sont exposés par « Let's Burn this Church to the Ground » qui incendie les églises de la foi à la manière d’un Varg Vikerness Heavy/Thrash, et qui nous plaque au sol de sa violente étreinte.
Avec une production très propre aux graves précis et aux médiums effilés, From Hell with Hate sonne vraiment comme un appel à la haine venu des enfers. On a rarement senti le groupe aussi remonté, aussi versatile, entre décharge Speed et fulgurances Thrashcore, entre férocité et stabilité, avec des ailes de démon qui poussent dans le dos (« The Nightstalker », qui dessine les contours d’une agression nocturne de Richard Ramirez). Comprenez là que vous n’aurez pas le sentiment lassant d’écouter le même riff tournant sur près d’une heure. Les canadiens ont fait preuve de suffisamment d’imagination pour pondre un répertoire varié, entre mélodie en solo et lacération en rythmique, et la voix de Denis 'Sasquatch' Barthe, seul membre d’origine est toujours aussi ferme et véhémente.
Mais soyons clair. Je ne suis pas en train d’essayer de vous vendre coûte que coûte un album moyen en le présentant comme le nouveau messie old-school. Si AGGRESSION est toujours aussi pertinent, il n’en demeure pas moins proche des classiques vintages de ces quinze dernières années. Mais la motivation, l’énergie, les variations subtiles font de ce nouvel album une véritable réussite, et un exutoire fabuleux à la frustration ambiante. Sans vraiment décoller de sa trajectoire, le quatuor (avec en sus Kyle Hagen à la basse, Ryan Murray Idris à la batterie et Dave Watson à la seconde guitare) prouve qu’on peut réussir avec ses propres moyens, et surtout, oser aller un peu plus loin que trois ou quatre chansons bricolées à la hâte en prenant pour modèle son ancien tracklisting de concert.
« One for the Woods » est une boucherie, « Crows of Still Creek » temporise peut-être un peu trop de biais, mais « Left Hand Larceny » nous la joue alambiqué, progressif et technique, dans l’optique du dernier MEGADETH. On appréciera ou pas le morceau bonus (en version CD) « Ouija », enjambée Thrash Punk assez savoureuse, mais on reconnaîtra facilement que From Hell with Hate donne la pèche, et sonne vraiment comme un album enregistré avec les tripes et le sourire aux lèvres.
Comme quoi il n’est pas difficile de proposer autre chose que des figures imposées et des postures guindées, même avec trente ans de carrière et plus. L’air du Canada doit être plus vivifiant que celui de l’Angleterre, mais après tout AGGRESSION se passe très bien de comparaisons en dépréciation.
Titres de l'album :
01. Iesus Nazarenus, Rex Iudaeorum
02. Antichrist Devil Cunt
03. Return of the Frozen Aggressor
04. The Inner Circle (Instrumental)
05. Let's Burn this Church to the Ground
06. The Nightstalker
07. Precise Execution
08. Worthy of Death
09. One for the Woods
10. Crows of Still Creek
11. Left Hand Larceny
12. Ouija (Zozo's Board)
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30