D’un côté, un concept. De l’autre, un concept. Oui, tout ça n’est pas très clair, mais dans les faits, le cheminement de pensée se dessine plus ou moins clairement. Et puis après tout, quel besoin d’expliquer quoi que ce soit puisque le seul but est de s’en prendre plein la tête pour pas un rond. Mais la question est d’importance. Avez-vous déjà humé l’air d’une soue lorsque deux gorets se castagnent pour le dernier épi de maïs ? Ou encore, avez-vous déjà foulé le sol plein de paille et de boue d’une étable dans laquelle deux boucs se foutent des coups de corne pour savoir qui mérite d’honorer la belle frisée ? Oui ? Non ? Si non, j’ai une alternative pour vous, pas plus saine ni sûre, mais par procuration, donc moins dangereuse dans les faits. Ecoutez le dernier album des allumés germains de MILKING THE GOATMACHINE, et vous comprendrez de quoi je veux parler. Ou à peu près. Car je parlais d’un côté et d’un autre côté, et de concepts. Celui de ces tarés est simple. A l’image de GWAR, les gus prétendent venir d’une autre planète où tout le monde ressemble à un bouc, planète qu’ils ont quittée il y a quelques années pour faire connaissance avec nous, humains, et nous convaincre de l’importance de leur Goatgrind. L’idée n’est pas déplaisante en soi, et c’est donc en 2009 que nous avons fait connaissance avec les bêtes de l’espace, via leur premier cri primal Back from the Goats... A GoatEborg Fairy Tale. Depuis, les exilés cornus n’ont pas vraiment chômé, puisque ce séminal geignement a été suivi de six autres, tous plus tonitruants et truands. La méthode n’a pas vraiment changé, mélanger le Death le plus impitoyable au Grind le moins pitoyable, au travers de chefs d’œuvre de la trempe de Seven... A Dinner for One ou Milking in Blasphemy, le petit dernier, publié en 2017. Mais alors, dans le fond, MILKING THE GOATMACHINE, c’est qui, quoi et pourquoi ? Simple, c’est ça.
« Bleuaaaarghhhhhhhhhhhhhh »
D’un côté, Goatfreed Udder, guitariste/bassiste. De l’autre côté Goatleeb Udder, chant/batterie. D’un côté, un gros taré qui riffe et compose, de l’autre, un gros taré qui blaste et qui beugle. Les deux ensemble produisent donc un barouf de tous les diables, mais un barouf sympathique et intelligible, sorte de ferme d’Orwell pour animaux en manque de domination mondiale en live de la terre la plus souillée. A l’image des CANNABIS CORPSE, les MILKING THE GOATMACHINE sont fans d’allusions, de références, de clins d’œil et de boutades pour initiés, comme en témoignent les intitulés de leurs œuvres. Impossible de ne pas piger où les deux marsouins veulent en venir lorsqu’ils hurlent « Milking me Softly », « Like an Everflowing Cream », « Greass Appeal Madness » ou « Goatz with Attitudes », tant le pointage du doigt indique clairement la direction. Alors, comme d’habitude, From Slum to Slam - The Udder Story, subtil mélange de connivence et de culture extrême partagée ? Oui, et pour le plaisir de tous, car les deux boucs impliqués dans l’affaire sont toujours aussi doués pour ruer dans la clôture sans précaution tout en sautant avec un groove élastique incroyable. Et voilà ce qui fait la force de leur musique, foncièrement brutale et bestiale, mais toujours enthousiaste, rigolarde et euphorisante. Ici, pas question de beuglements sans queue ni cornes, puisque les deux maîtres d’œuvre prennent toujours soin de composer des hymnes à la brutalité sympathique soulignée par des riffs puissants et des accélérations monstrueuses. Et leur affiliation à un extrême historique n’en est que plus surligné par « Now We are Old School », véritable aveu d’allégeance à la tradition qui débute les hostilités comme une vache qui vous lâche un coup de sabot dans les valseuses dès la première palpation de pis.
Niveau production, la confiance a été renouvelée, et le son d’ensemble est toujours aussi monstrueux, mais clair. Ce qui permet d’apprécier les quelques finesses d’interprétation que les plus attentifs ne manqueront pas de noter. Et en naviguant constamment entre Death vraiment addictif et gras (« Milking me Softly »), Death médium groovy comme des tripes qui collent aux chaussures (« Like an Everflowing Cream », coucou DISMEMBER), Crust/Grind efficace et tout sauf fadasse (« 1234 Leckstein »), Death/Grind épais et légèrement sombre sur les côtés (« Udder Pressure »), Goatfreed Udder et Goatleeb Udder continue de peaufiner leur prosélytisme bêlant, en proposant de véritables chansons qu’on retient, aux motifs accrocheurs, et à la brutalité toute en horreur. On savoure ces tranches de vie bucolico-spatiales, en odeur d’étable jonchée d’excréments de joie, et on en profite pour headbanguer sans arrière-pensée, certain de ne pas avoir été pris pour de débiles bourrins. Pourtant, cette musique l’est, assurément, mais tellement convaincante dans sa jonction DEATHBOUND/CANNIBAL CORPSE (« Candy Shed »), qu’on ne peut que s’incliner et caresser la fourrure de ces deux ovins chafouins. Bien sûr, l’approche multiple et connue, et les composantes d’usage. Mais le groupe est tellement convaincant dans ses appropriations qu’on excuse le formalisme, spécialement lorsque les arrière-trains s’emballent dans une valse/gigue infernale (« Grass Appeal Madness », NAPALM DEATH et EXTREME NOISE TERROR en goguette, et pas pour cueillir des pâquerettes).
La ferme est donc le lieu/prétexte à un beau bordel, et les blasts tempêtent (« Goatz with Attitudes »), alors que les riffs empestent (« Strawpocalypse », presque trop Heavy Death pour être vrai). Et malgré un tracklisting plus qu’étoffé, malgré quelques redites notées, l’ensemble tient debout et pendant quarante minutes, grâce à un festival d’intros ludiques et de parties de guitare qui filent la triquent. Sobres dans la gravité, mais totalement dérangés dans les arrangements grossiers, les MILKING THE GOATMACHINE n’ont aucune peine à nous convaincre de leur philosophie, et lâchent des bouzins malins (« Shed Boyz »), et des horreurs gluantes qui s’aglutinent dans la main (« Finger oder Zeh »). Totalement dans le même état d’esprit depuis leur création, les MILKING THE GOATMACHINE restent cohérents, mais ne nous prennent pas pour des vaches à lait. Leur musique est toujours de très grande qualité, et From Slum to Slam - The Udder Story nous narre une histoire certes vacharde, mais franchement marrante et efficace. Essayez de résister au riff central de « From Slum to Slam » juste pour voir. Et si vous faites la fine gueule, ne vous étonnez pas que deux boucs mal lunés vous enfoncent la vôtre.
Titres de l’album :
01. Now We are Old School
02. Milking me Softly
03. Like an Everflowing Cream
04. Wolverized
05. Metal Liker
06. 1234 Leckstein
07. Udder Pressure
08. Candy Shed
09. Grass Appeal Madness
10. Goatz with Attitudes
11. Strawpocalypse
12. Blumen
13. Shed Boyz
14. Finger oder Zeh
15. Porst Mortern
16. Bullet Hoof
17. From Slum to Slam
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