Le Black Metal est une grande famille, mais pas la plus unie qui soit. D’abord, au regard des différences d’allégeance entre les puristes, les évolutionnistes, les abstraits et les vilains grimaçants, mais aussi au caractère misanthropique des acteurs de la scène. Et un exemple nous en est encore donné aujourd’hui avec le premier EP du concept obscur ZAUDRUGOTH, originaire de Philadelphie
Car ZAUDRUGOTH se réclame de la mouvance Black Metal misanthropique, ce qui se sent en écoutant son œuvre, portée sur le lo-fi et le minimalisme mélodique. Formé je-ne-sais-quand par je-ne-sais-qui, ce nouveau-venu de la scène nous propose donc quatre titres très homogènes, mais aussi variés, distillant les humeurs et jouant avec le tempo pour créer une sensation de malaise palpable, et d’acrimonie exacerbée.
Avec ses allures de démo gonflée en EP, Gateways To Visceral Misanthropia nous entraine sur les chemins de la misanthropie, ce réflexe conditionné des musiciens de BM qui conchient la normalité et la qualité, pour prôner des valeurs d’individualité. On connaît évidemment le principe depuis la nuit des temps, entre ces riffs acides prétextes à une atmosphère confinée, cers hurlements semblant venir de la pièce à côté ou un pauvre hère est torturé totalement gratuitement, et cette rythmique souffreteuse à la grosse caisse aléatoire. Mais le principe fonctionne toujours, tout du moins si vous êtes fan acharné de ce genre de pratique sadique.
L’un dans l’autre, ZAUDRUGOTH vaut n’importe quel nouveau groupe se repaissant de sonorités traditionnelles et nihilistes. Les titres proposés sont tous aussi laids, rappellent DARKTHRONE et autres chantres d’un minimalisme en dogme (c’est du garanti pur analogique sans artifices), et le temps s’écoule calmement jusqu’à l’épilogue venant mettre un terme à cette souffrance artistique.
« Naturalist Self-Slaughter », le premier chapitre, est aussi le plus développé. Il prend son temps pour imposer son monochrome sale, et ses idées glauques, mais nous immerge immédiatement dans un monde de solitude et de crasse, dont on ne ressort évidemment pas indemne. Le parti-pris de cet américain inconnu est donc de nous noyer sous une somme d’informations négatives, pour mieux stimuler notre aversion de l’humanité. Et l’opération est réussie, puisqu’on traverse ce premier EP en apnée totale, étouffé par les cris, les médiums excessifs et les aigus perçants.
Mais le BM lo-fi est friand de ces moyens de pression, et en abuse comme d’une goutte d’eau qui tombe à intervalles réguliers dans un évier. On reconnaît sans peine l’influence de la scène norvégienne des débuts, et un final comme « Eternal Darkness Of A Closed Casket » de sonner comme l’oraison funèbre sauvage célébrant les joies d’être enterré vivant, sans que personne ne s’inquiète de votre sort.
Tout ceci est donc très vilain, roots, trve, enrobé dans une pochette au gros grain, et donne des envies de s’isoler loin du monde moderne pour observer les hommes se déchirer entre eux pour savoir qui a la plus grosse bagnole ou le smartphone le plus performant. Appel à la différenciation, éloge de la misanthropie, Gateways To Visceral Misanthropia est sec comme un coup de trique et déjà moribond. On peut évidemment trouver ça d’un formalisme déroutant, ou prétexter que les idées sont recyclées et retraitées depuis l’orée des années 90, mais on ne peut en aucun cas renier le caractère farouchement indépendant de la chose, et son refus d’être rattaché à la locomotive du BM actuel.
Simplicité, sobriété, méchanceté, l’apanage de tous les musiciens vivant dans leur grotte éclairée à la torche, et qui tournent le dos à un monde auquel ils savent ne pas appartenir. Et une jolie façon de hurler « je vous hais » tout en laissant une guitare exsuder son feedback jusqu’ à l‘overdose des sens.
Titres de l’album :
01. Naturalist Self-Slaughter
02. War Against Spirituality
03. Without The Voice Of The Soul
04. Eternal Darkness Of A Closed Casket
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