Choisir le nom de MACBETH lorsqu’on est un combo de Heavy/Thrash allemand fait montre d’un certain culot. En se basant sur l’un des personnages les plus emblématiques de Shakespeare, ce groupe d’Erfurt n’a pas joué petits bras, mais excusez l’audace de sa jeunesse, les origines du combo datant du milieu des années 80. C’est en effet en 1985 que nous trouvons trace de la première démo des jeunes chiens fous, qui ont dû patienter jusqu’en 2003 pour en oser une autre. Avec plusieurs périodes d’activité connues (1985/87, 1978/89 sous un autre nom, 1993, et enfin 2002/aujourd’hui), MACBETH n’a pas eu une trajectoire rectiligne ni simple, mais depuis son comeback de 2002, le quintet n’a jamais failli à ses devoirs, et a enfin réussi à s’imposer dans le temps grâce à une poignée de longue-durée aussi formels que plaisants. Fait intéressant, on retrouve encore en 2020 dans le line-up deux membres de la formation d’origine de 1985, Hanjo Papst à la basse et Ralf "Zeidler" Klein à la guitare, les deux gardiens du temple qui soufflent sur la flamme de la passion, et à l’écoute de ce cinquième LP, on comprend vite que leur dévouement est sans failles et sans limites. Il faut dire que leur bébé leur est précieux, et avec des œuvres de la trempe de Gotteskrieger (2009) ou Imperium (2015, le dernier-né), les deux musiciens historiques ont de quoi se sentir fiers du chemin parcouru. Mais alors que leur histoire, erratique sans être tragique malgré leur nom, aurait pu les faire passer du côté obscur de la force, usant d’opportunisme et d’adaptation déplacée à des critères contemporains, les allemands ont choisi de rester fidèles à un style, que dans un accès de facilité nous désignerons comme étant du Heavy/Thrash pour éviter toute complication ou confusion.
En sus des deux membres permanents, le quintet peut s’appuyer sur Oliver Hippauf au chant, Alexander Kopp à la guitare et Steffen Adolf à la batterie, le membre le plus récent, frappant ses futs depuis 2014. Gedankenwächter est donc assuré d’une certaine stabilité dans le fond ce qui se ressent à l’écoute de ces morceaux forts et hargneux, qui font honneur à l’héritage du Heavy Metal germanique le moins compromis. Certes, le tout n’est pas flagrant d’originalité, mais ce cinquième LP exhale d’une telle énergie en rouleau-compresseur qu’on ne sautait lui tenir rigueur d’un formalisme trop poussé. D’autant que ce formalisme n’est pas toujours des plus évidents. Si le Thrash made in Germany n’est utilisé que par touches très éparses et plus comme composante que comme but, on sent l’importance d’un SODOM médium dans l’élaboration de certaines compositions, et pas forcément les plus brutales. Doté d’un talent rythmique incontestable, le groupe peut donc s’appuyer sur un allant qui ne se dément jamais, et si la première partie de l’album laisse présager d’un mid tempo un peu trop systématique, la seconde se laisser aller aux BPM moins contrôlés, sans jamais sombrer dans le chaos du teutonic Thrash le plus complaisant. Difficile toutefois d’exposer l’inspiration à des influences trop claires, les musiciens évitant le piège du plagiat de leur expérience, même si parfois, l’auditeur sera tenté d’en appeler à MORGOTH et pourquoi pas OOMPH ! pour justifier de telle ou telle idée. La pluralité est donc de mise sous des atours monolithiques, et la langue gutturale de Goethe permet au chant une indéniable emprise, ce qui permet à des titres comme « Brandstifter » de survoler trente ans de l’histoire de l’extrême germanique sans sombrer dans la parodie ou la paraphrase inutile.
Utilisant toutes les composantes à sa disposition, MACBETH n’hésite jamais à jouer la montre, et développe ses arguments. Attitude à double tranchant, car avec plusieurs entrées atteignant ou dépassant largement les six minutes, la redondance est un écueil dangereux pas toujours évité, spécialement lorsque la marche martiale prend des allures de procession interminable (« Hexenhammer »). Mais en usant de mélodies discordantes, de chœurs désincarnés et de parties de guitares vraiment touffues, le quintet s’en sort toujours avec les honneurs, trouvant toujours le bon plan pour rebondir. L’aspect martial du chant n’est pas non plus sans évoquer les gloires nationales de RAMMSTEIN, ce que la rythmique au biseau accentue de sa régularité concentrique. Alternant avec plus ou moins de bonheur les segments Heavy plombés et les charges Power Metal plus enlevées, Gedankenwächter suggère parfois une union pas si contre nature entre OVERKILL et DESTRUCION dans leurs incarnations les plus récentes (« Demmin »), mais ne semble pas tergiverser entre Thrash et Heavy, trouvant le juste milieu pour ne pas nous frustrer, tout en se lâchant à intervalles réguliers pour accélérer la machine et nous laisser headbanguer (« Gedankenwächter »). Pur produit de l’écurie Massacre, MACBETH semble avoir été conçu comme une synthèse de labo de tout ce que l’Allemagne peut compter de valeurs sûres, avec des extraits de KREATOR, des essences de GRAVE DIGGER, des particules d’ACCEPT, et des séquences DESTRUCTION, ce qui nous permet d’admirer une créature finale aux muscles gonflés et à l’attitude guerrière (« Neue Welt »). Enregistré et produit avec l’aide de l’ancien membre Patrick W. Engel, Gedankenwächter est donc sacrement gonflé aux entournures, un peu roboratif sur des courts instants, sans jamais verser dans la complaisance gratuite, malgré un parcours chargé et une histoire bien remplie.
Et lorsque la virilité Heavy ou la vitalité Thrash ne suffisent pas à obtenir l’effet escompté, le groupe n’hésite pas à avoir recours à des astuces d’ambiance, usant d’intros atmosphériques pour assombrir son inspiration (« Daskalogiannis »). Bien évidemment, tout n’est pas justifié, et parfois la lourdeur est assez difficile à digérer, suggérant que les plats allemands les plus copieux ne sont pas forcément les plus délicieux (« Wolfkinder », de bonnes idées, mais trop étirées), mais globalement, et malgré quelques redites, ce cinquième album tient la plupart de ses promesses, et s’impose plus dans la durée que certaines des œuvres de groupes nationaux plus confirmés. Heavy bien sûr, Thrash obligatoirement, MACBETH ne commettra donc pas les erreurs paranoïaques de son illustre modèle shakespearien, et son nom pourra être scandé sur scène sans craindre le mauvais sort.
Titres de l’album :
01. Friedenstaube
02. Krieger
03. In Seinem Namen
04. Wolfkinder
05. Daskalogiannis
06. Neue Welt
07. Brandstifter
08. Hexenhammer
09. Gedankenwächter
10. Demmin
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21/11/2024, 08:46
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