Ghost

Fervence

27/03/2020

Autoproduction

Le Metal alternatif est un vaste débat. A vrai dire, le créneau sert surtout de fourre-tout lorsqu’on ne sait pas sur quelle étagère ranger un groupe, et finit au service des CDs trouvés, en attendant qu’un style précis le réclame. Avec les FERVENCE, le problème se pose encore, puisque ce groupe américain se place de lui-même dans la mouvance des années 90/2000 sans aucune gêne. Né il y a quelques années, ce groupe de Reno, Nevada, là même où Johnny Cash a buté un mec pour le voir crever, propose une musique beaucoup plus complexe que son auto-étiquetage ne le laisse deviner. Quatuor (Austin Bentley - chant, Trent Odneal - guitares, Josh Mathis - batterie, et Jon Daniels - basse), FERVENCE appartient à cette jeune génération qui ne souhaite pas se laisser apprivoiser par quelques qualificatifs écrits à la hâte, et qui se réclame avant qu’on lui demande d’une inspiration particulière, mais ouverte. Ainsi, les américains n’hésitent pas à citer SILENT PLANET, NORTHLANE, SAOSIN et quelques autres pour baliser sa démarche, et au final, cette pluralité de références définit assez bien le vague de leur inspiration, qui navigue entre Metal progressif moderne et Alt Rock des nineties. Avec ce premier longue-durée qui a quand même des allures d’EP avec sa demi-heure non atteinte, le quatuor ose des mélodies mélancoliques posées sur des structures évolutives, sorte de mélange entre un ARCHITECTS dépouillé de son intellectualisme forcé et un LINKIN PARK plus ambitieux. On retrouve donc ces fameux riffs dont le Metalcore s’est inspiré pour écrire son bréviaire de base, ce chant fluctuant mais toujours harmonieux, mais aussi de nombreuses cassures rythmiques et des enchaînements très travaillés. De quoi baliser un vaste terrain et ne pas se faire enfermer dans un enclos, au risque de ne plus pouvoir en sortir.

De Ghost, le groupe parle ainsi :

« Ghost is a dialogue on the greater thoughts of what lies beyond the pale, the idea of life again, and the tragic way of contemplating everything in between. The album also delves into the duality of personal value, relationships, toxicity, and what it feels like to be human »  

En gros, la vie, la mort, la renaissance, ce qui se passe entre les deux, mais aussi les affres de l’humanité, et la nécessité de traiter avec les valeurs personnelles, les relations toxiques, et tout ce qui fait d’un être humain ce qu’il est. Une réflexion qui méritait une bande-son à la hauteur de ses ambitions conceptuelles, ce que livre sans complexe ce groupe décidément très attachant. Entre violence ouverte assez moderne et contemplation mélodique ancienne, Ghost emprunte à RUSH, TOOL, UNDEROATH, AS I LAY DYING de quoi alimenter son bestiaire, et nous offre une partition complexe, mais limpide. Entre des riffs vraiment puissants, une section rythmique en constante représentation, et des accès d’émotion plus papables, ce premier album joue la carte de la diversité dans la cohérence, et profite d’une production et d’un mixage incroyablement clairs pour poser les jalons de sa philosophie. Bien sûr, rien de fondamentalement perturbant ni de bousculade de style, mais une assise solide, et une volonté d’aller dans une direction qui autorise tous les caps. Difficile dès lors de coller un label sur les jeunes épaules de ces quatre musiciens, qui dès « Beneath the Sleeping Earth » démontrent qu’ils ont atteint une maturité de composition assez impressionnante. Un peu Post sur les bords, un peu arty dans les constructions, Ghost ressemble à ces petits films indépendants tournés dans une ville de banlieue américaine anonyme, et qui dépeignent l’existence de personnages à la vie assez banale, qui se questionnent soudainement sur leur identité et leur destin. On s’attache donc très vite à ces mélodies typiquement 2K qui sont sublimées et densifiées par des prouesses rythmiques certaines, et on se laisse voguer sur un quotidien qui nous mène vers un autre jour, qu’on espère différent, mais qui finalement, ressemblera beaucoup à la veille.

Conscient de ses envies et en phase avec sa philosophie, FERVENCE navigue entre violence et sensibilité, et nous offre même un interlude troublant de pureté, comme un chant religieux placé en plein milieu de ce questionnement métaphysique, et qui nous renvoie au divin qui est en chacun de nous. Ainsi, « The Silent Wall » permet à Austin Bentley de faire montre d’un talent vocal incroyable, posant sa voix sans chercher les effets ou la tragédie faussée d’un falsetto déplacé ou d’un vibrato exagéré, ne s’appuyant que sur quelques notes de piano pour nous séduire de sa fragilité. Evidemment, la puissance revient vite au premier plan, mais la fin de l’album révèle un potentiel certain, avec une propension à accentuer la brutalité pour laisser les mélodies de côté (« Paxism »). Le title-track, très finement amené montre le visage le plus franc du groupe, avec encore une fois cette dualité entre émotion et colère, et une capacité à transcender les codes du Metal alternatif en le rendant plus humain, et moins mécanique. Jusqu’à la fin de son premier album, le groupe ne fait montre d’aucune faiblesse, et nous laisse sur une sensation de professionnalisme incroyable, en continuant d’explorer la fine limite qui sépare le Metalcore du Metal progressif et technique (« The Endless Black I Find »). Belle entrée en matière pour FERVENCE, qui risque fort de déclencher une foi fervente chez ses fans, grâce à sa capacité à accepter dans son église tous les fidèles au cœur assez pur pour tolérer d’autres vérités que les leurs.        

             

                                               

Titres de l’album:

01. Beneath the Sleeping Earth

02. Corrosion

03. The Silent Wall

04. Surrogate

05. Paxism

06. Ghost

07. The Endless Black I Find


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par mortne2001 le 13/09/2021 à 15:40
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