Il est toujours facile de dire que les américains veulent toujours faire « plus » que tout le monde. On ne va pas retomber dans les travers de clichés éhontés affirmant que leurs buildings sont plus hauts, que leurs glaces sont plus grosses, mais il est vrai que dans un pays ou le conditionnement en gros règne en tant que règle marketing immuable dans la grande distribution, le traitement musical subit plus ou moins la même approche. Alors lorsque les musiciens nationaux s’attaquent à un style extrême, ils ont tendance à le faire avec encore plus d’emphase que leurs collègues de l’est, suédois, ou européens de manière générale. Les exemples ne manquant pas, je ne me fatiguerai pas à les recenser ici, d’autant que cette tribune n’est pas l’endroit idoine pour une exhaustivité de démonstration. Mais en prenant un exemple concret, je me permets d’ajouter ma pierre à l’édifice, et de le transformer en tour de Babel de l’emphase bruitiste, histoire de percer des cieux qui n’en demandaient pas tant. Mais on connaît l’histoire de la tour de Babel et de la sentence divine qui s’ensuivit, alors je me contenterai d’arguer du fait que les YOUR END font partie de cette caste de musiciens qui ne supportent pas la demi-mesure, et qui osent l’exagération, tout autant que le mélange des genres. Un peu d’histoire, puisque la petite au final fait la grande, nonobstant le fait que ces animaux-là soient plutôt discrets en ce qui concerne leur biographie. Selon les références glanées sur le net et leur page Bandcamp, les YOUR END nous en viennent de Caroline du Nord et du Michigan, et malgré une formation récente datant de 2017, ont donc déjà deux longue-durée à leur actif. Le Sombre Triomphe, publié en 2017 (comme quoi, ils ne sont pas du genre à traîner), et ce Ghost Architecture, disponible depuis le mois de février, les deux entrecoupés d’un EP, Deathcamp, qui campait sur des positions solidement affirmées.
Ainsi, Hateful Wind (batterie/chant), Inlev (guitare/basse), secondés dans leur entreprise de démolition par Skuggimaðr (claviers/électronique et production) nous tiennent un discours à la croisée des théories, et empruntent le vocable Death pour l’insérer dans un laïus Doom, Sludge et même Powerviolence, histoire de ne retenir de l’underground que ses émanations les plus lourdes, violentes et putrides. On se retrouve donc face à une formalisation brutale de toutes les tendances les moins abordables, et assistons à un déferlement de violence sourde cathartique, mais aussi très douloureuse pour les plus nuancés d’entre vous. S’il est évident que la gravité du propos saute à la gorge dès les premières secondes, et que la production a été encadrée de façon à provoquer des sensations épidermiques, les américains n’ont toutefois pas abandonné toute ambition de séduction et nous présentent un visage pluriforme, souvent grimaçant, parfois inquiétant, mais au sourire engageant dans la cruauté. Difficile toutefois de situer le duo/trio, qui s’ingénie à brouiller les pistes, de ce son de batterie à rendre Lars Ulrich fou de jalousie (j’ai rarement entendu une grosse caisse aussi malmenée par un ingénieur du son), à ces agencements de compositions qui juxtaposent des passages d’une lourdeur éprouvante à des segments d’une brutalité confondante, et il est toujours possible de voir en YOUR END une démarcation habile des standards en vogue chez les bruitistes REVENGE, BLACK WITCHERY, FVRLVRN, et toute la clique des arpenteurs d’égouts du bon goût qui ne manquent jamais d’arguments pour nous écœurer de leur refus de tout compromis.
Tout ceci est évidemment sale, éminemment bruyant, mais il s’en dégage un parfum assez délicieux de déliquescence musicale, qui si elle subit le contrecoup d’une inspiration pas toujours au top, parvient quand même à étayer sa philosophie d’arguments viables. On se souvient des digressions caverneuses des MORTICIAN, de l’approche fondamentalement glauque des DISEMBOWELMENT, et la fusion des deux éthiques nihilistes peut donner un aperçu de ce qui vous attend au détour des pistes de Ghost Architecture, qui parvient sans peine à instaurer un climat morbide et macabre en écho de solitude d’une âme en proie aux affres de l’incertitude. Ce paroxysme est en sorte atteint sur les compositions les moins « abordables », dont «Side by Side in the Ashes » fait assurément partie, avec sa basse écrasante et sa guitare acide, le tout dominé par une voix s’enfonçant de plus en plus profondément dans les abysses de l’inhumanité, sur plus de sept minutes, pour une démonstration de résignation Death/Doom à faire peur aux ENCOFFINATION eux-mêmes. Pourtant, pas question de répétitions concentriques ici, puisque les plans se succèdent mais ne se ressemblent pas, et ne partagent qu’une gravité exceptionnelle transformant les mélodies éparses en fréquences basses, un peu comme dans une expérience sur la résistance de l’ouïe humaine aux infrabasses. Nous sommes pourtant très loin d’un Drone monotone, mais plus proche qu’il n’y parait d’un Death fondamental, et concentré sur ses aspects les plus rebutants. Et si le tout se pare d’Ambient pour rester dans le ton, la progression n’est pas dénuée de logique et de variété dans l’uniformité, histoire de ne pas gloser dans le vide histoire de faire plus de bruit que son voisin.
Mais les choses sont (presque) tout à fait claires dès « Rid Of Sunlight », qui ne s’encombre pas de lumière superflue pour nous broyer de sa puissance ténébreuse crue. Avec une prise de contact aussi viscérale que brutale, les YOUR END mettent les choses au point, et balaient du revers de leur manche tout malentendu, plongeant l’âme la première dans un marigot putride de Doom fortement handicapé d’un Death formaliste et épuré. Cette tendance ne s’infirmera pas au fil du timing, puisque chaque titre est une preuve d’allégeance à leur propre univers, comme le prouve avec une fermeté post-mortem « An Unbegotten Memory of Lust and Agony » à la lancinance obsessionnelle et à la lenteur éprouvante. Le son, mis à part cette infâme grosse caisse à l’agonie est parfaitement adapté à la vision, et tremble, secoue et vibre sur ses propres fondations, pour mieux nous faire ressentir cette envie d’enterrement psychologique. Les chapitres sont longs, mais argumentés, et on atteint une sorte d’acmé lors du final apocalyptique « Ghost Architecture », qui synthétise toutes les idées les plus sombres en y injectant quelques arrangements en harmonies discrètes qui ajoutent à l’ambiance. Et loin de se satisfaire d’une brutalité sourde, les musiciens se permettent une transposition qui leur autorise des humeurs certes toutes aussi pessimistes les unes que les autres, mais qui confèrent à leur album une aura presque mystique. Il est toutefois évident que le néophyte se sentira moyennement concerné par ces obsessions de pesanteur et de pression sourde, mais les amateurs d’un Death qui ne rechigne pas à intégrer des éléments externes tout en restant aussi immonde que ses théories d’origine seront tout à fait satisfaits de se retrouver face à un miroir déformant de leurs propres vices. En attendant de voir si l’inspiration sera toujours au rendez-vous de la prolixité, YOUR END signe avec Ghost Architecture un manifeste d’horreur qui se fond merveilleusement bien dans son époque de même calibre.
Titres de l'album:
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49