Un album qui commence par un riff aussi redondant et addictif que celui de « Daughter Of An Echo » s’annonce plutôt bien. Plutôt très bien même. Excellent. Mais en même temps, doit-on être encore surpris par le fait que les américains de THE OBSESSED soient capables de tirer de leur chapeau des trucs pareils ? Car après tout, depuis leur émergence à la fin des années 80 et un premier LP éponyme et subtilement Doom, le trio du Maryland ne nous a jamais déçus, ou très rarement, et ce nouvel album ne nous fera pas plus changer d’avis qu’une crise de prosélytisme anti-Heavy.
Depuis sept ans, c’était le calme complet. A l’exception d’un live lâché en 2020, Scott "Wino" Weinrich et ses troupes s’étaient fait plutôt discrets, pour ne pas dire mutiques. Alors, lorsque l’annonce d’un nouvel effort studio a été propagée par les rédactions du monde entier, la fanbase s’est agitée, espérant retrouver l’allant de Sacred, dernier témoignage d’un groupe encore bien vert, et avec pas mal de choses pertinentes à dire.
Et à jouer.
En 2024, THE OBSESSED est devenu un quatuor, depuis l’adjonction de Jason Taylor à la guitare rythmique. A la manière du MOTORHEAD des années 80 et du duo Wurzel et Phil Campbell, Wino a donc élargi son spectre et permis à un nouveau musicien de faire partie de l’expérience, pour jouer plus dur, plus concis, plus efficace et plus mystique. Et en maintenant ce rideau de fumée opaque à l’entrée de son mausolée, Wino continue de jouer sur la corde séparant le Heavy traditionnel du Doom des années 70 avec beaucoup d’intelligence, mais surtout, beaucoup de groove. De fait, Gilded Sorrow sonne encore comme la rencontre inévitable entre BLACK SABBATH et ST VITUS, avec un petit quelque chose des outsiders anglais de l’orée des eighties.
La magie de THE OBSESSED a toujours été de parvenir à sonner lourd sans être balourd. Père spirituel de la vague NOLA des années 90, le quatuor parvient une fois de plus à se renouveler sans se trahir, en trifouillant les mêmes idées, pour les actualiser. Les actualiser, ou les référencer. Ainsi, « Stoned Back To The Bomb Age » n’est pas sans évoquer le magique « Scream Freedom » du groupe fictif STRANGE FRUIT (Still Crazy, pour ceux n’ayant pas encore vu le film) repris par un DOWN très remonté et chargé en alcool. De bons réflexes donc, pour une continuité dans la persistance, ou une persistance dans la continuité. Mais l’avantage avec Gilded Sorrow, c’est qu’il ne se plaint pas à chaque mesure ou chaque frappe de caisse claire. En se laissant aller à quelques accélérations catchy, THE OBSESSED nous propose un Hard-Rock très addictif, avec boucles à la COC, et allusions sudistes en pleine Californie (« Jailine »).
Outre Wino et Jason Taylor, nous retrouvons avec plaisir Brian Costantino à la batterie (depuis 2016) et le petit nouveau Chris Angleberger à la basse, venus soutenir le frontman ultime dans sa quête d’absolu Heavy. Et quoi de plus Heavy qu’un riff méchamment bluesy pour célébrer cinq décennies de lourdeur musicale initiées par le premier album de BLACK SABBATH ? Comme celui qui strie « Yen Sleep » et qui une fois encore, relie Birmingham à la Nouvelle-Orléans, dans un élan que les CROWBAR et CORROSION OF CONFORMITY auraient pu profiter.
Très court, Gilded Sorrow ne laisse jamais l’ennui s’incruster. Non, ces neuf compositions dont une outro offrent le meilleur de THE OBSESSED, en compilant les idées les plus porteuses de la carrière du groupe. Et c’est donc les bras grands ouverts que nous accueillons notre messie, qui une fois encore nous a gâtés de ses idées et de leur concrétisation. Tout passe très vite, tout glisse comme une goulée de whisky avalée rapidement, et procure une ivresse des sens syncopée, à l’image sonore du très haché et bondissant « It’s Not Ok ». Loin du Doom de puristes qui s’empêchent de jouer plus rapidement qu’une blanche de temps en temps, Gilded Sorrow provoque le Rock le plus simple pour le forcer à s’intégrer à un contexte Heavy.
Produit quasiment live pour ne pas perdre en spontanéité et honnêteté, ce cinquième longue-durée est donc une nouvelle réussite à ajouter à un palmarès déjà brillant. Vous allez vous gratter les puces en savourant les chatouilles de « Realize A Dream », rêve devenu réalité, et sans doute broyer un peu de noir à l’occasion de « Gilded Sorrow » et sa cadence pachydermique et son humeur lysergique.
Entre HAWKWIND, SAVAGE et quelques institutions italiennes des années 70, THE OBSESSED continue sa route et nous donne des nouvelles de temps en temps, toujours avec plaisir, et un certain détachement. Comme si le groupe savait qu’il ne nous doit rien, et qu’au contraire, nous lui devons tout. Tout ou partie d’ailleurs, qui n’est jamais remise et qui laisse des jetons sur le tapis.
Du Doom qui n’en est pas, du Heavy qui en est plus que, de la facilité, des saccades bien préparées, et une impression de satiété sonore qui laisse les tympans repus. Un Heavy martelé qui se veut léger, vous n’allez quand même pas refuser ?
Même si vous n’en êtes pas obsédé…
Titres de l'album :
01. Daughter Of An Echo
02. It’s Not Ok
03. Realize A Dream
04. Gilded Sorrow
05. Stoned Back To The Bomb Age
06. Wellspring – Dark Sunshine
07. Jailine
08. Yen Sleep
09. Lucky Free Nice Machine
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