Relativement constant dans sa première partie de carrière, le groupe espagnol DECAPITATED CHRIST s’est ensuite cryogénisé pendant quatre ans, avant de revenir avec le plein d’énergie. Cette longue absence nous a donc donné le temps d’apprécier à plein volume les quatre premiers albums du groupe barcelonais, publiés entre 2008 et 2014. L’histoire a donc connu un méchant coup de frein suite à la parution d’Arcane Impurity Ceremonies en 2014, mais la course reprend de plus belle aujourd’hui grâce à cette cinquième entrée, qui ne ménage pas ses efforts pour excuser ce retard plutôt frustrant.
DECAPITATED CHRIST, pour les néophytes, c’est une sorte d’exutoire fabuleux à la violence omniprésente dans notre (plus si) beau monde. Une façon de rendre hommage aux défricheurs américains tout en assumant ses racines européennes. Quelque part entre le Death sourd, le Death qui court, et le Death qui bourre. Entre méchanceté tout sauf gratuite et technique élaborée, Glorious Tyrannizing of Human Rats dresse un tableau tout sauf flatteur de notre déshumanisation, et s’en va piocher dans la cire humaine les restes pour préparer un ragoût certes peu engageant visuellement, mais terriblement goûtu.
Le quintet barcelonais (Ghorth - guitare, CesarCold - basse, Desecrator - guitare, NalghaLord - chant et Alewar - batterie) n’a donc pas renoncé à sa philosophie pour se présenter à nouveau face au jury. A l’écrit, le groupe passe la barre avec dix compositions dures et véloces, et à l’oral, NalghaLord convainc sans forcer de son raclage de gorge gravissime. L’épreuve est donc passée haut la main, et le diplôme du comeback automnal accordé avec les palmes académiques.
Et pour comprendre pourquoi, il suffit de tendre l’oreille sur le monstrueux « Hunting Human Rats », sale, gluant, empestant la putréfaction, mais livré sous vide en barquette. Une bonne tranche d’horreur comme les espagnols savent les découper, avec riffs prétexte et rythmique preste, pour mieux asseoir la légende qui reprend du service.
Mais les sévices infligés par cet album ne sont pas tous prévisibles. Ainsi, lorsque DECAPITATED CHRIST embrasse la lourdeur et la moiteur, ça nous donne l’intro vraiment moche de « Inferi Ardentis Monarcha », suite horrifique à tiroir qui développe des arguments bien sentis. Inspiration US, gravité digne des suédois les plus encapuchonnés, technique affutée, pour un moment de dévoiement ultime, quelque part entre la Floride, Portland, Baltimore et Barcelone.
Efficace, convaincant, impitoyable, et attiré par l’odeur du sang. DECAPITATED CHRIST suit évidemment les règles d’un Death Metal fondamentalement classique, mais booste la puissance pour se rapprocher d’un underground glauque et sans retour. Ce qui n’empêche pas les musiciens de trousser des passages tout à fait délicieux, soulignés d’un groove séduisant et entraînant. L’alternance est donc de mise, et un gros travail a été accompli sur les ambiances, qui changent comme Jean-Marc Morandini de stagiaire de troisième.
A l’image de sa pochette au trait grossier, Glorious Tyrannizing of Human Rats court avec les rats, qui commencent à quitter le navire. Un peu de MORBID ANGEL, de SUFFOCATION, mais aussi de SINISTER, KRISIUN, HATE ETERNAL et BLASPHERIAN, pour un cocktail qui sent un peu la fermentation excessive, mais qui procure une ivresse délectable.
Musicalité et radicalisme. Telles sont les deux mamelles de ce nouvel album qui fait la part belle aux enchainements morbides, et aux accélérations putrides. « Orients Princeps Belzebub », lourd et emphatique, titille les narines de son fumet technique, alors que « Assault On The Ravaged Wastelands » utilise un up tempo roublard pour danser sur ses deux guiboles de travers.
Pas vraiment ligne droite, mais pas non plus virages en épingle, Glorious Tyrannizing of Human Rats cherche le résumé parfait des années classiques du genre, et nous offre donc une synthèse très agréable des nineties, avec une approche old-school qui n’exagère pas ses emprunts. Entre Lovecraft et Clive Barker, DECAPITATED CHRIST se veut auteur horrifique au propos flippant, mais qui possède toutefois un lexique très fourni.
Ainsi, « Massive Demonic Warfare » nous fait revivre la chaleur infernale de la Floride des années 89/93, et prépare la fin de l’album, étonnamment consacrée à la relecture d’un morceau déjà présent dans le tracklisting.
Ce retour en fanfare avec plaies, bubons, purulence et infection est donc le bon pour les espagnols, qui confirment leur savoir-faire. Un savoir-faire certes abordable par tous, mais qui donne de bons produits du terroir. L’humilité est parfois de savoir se cantonner à ce qu’on sait faire de mieux sans chercher à innover ou risquer sa peau. Et il n’y a aucun mal à ça.
Titres de l’album:
01. Grief And Sorrow
02. Hunting Human Rats
03. Abjuring the Holy Trinity
04. Inferi Ardentis Monarcha
05. Luciferi Imperator Omnipotens
06. Orients Princeps Belzebub
07. Assault On The Ravaged Wastelands
08. Massive Demonic Warfare
09. Infernal Red Machines
10. Luciferi Imperator Omnipotens (M.A.C.V. Version)
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