Un site anglophone a déclaré ceci :
« Durant cette pandémie, de nombreux groupes se sont repliés sur eux-mêmes, et ont pleuré ces tournées perdues. D’autres au contraire, ont profité de ce cloisonnement pour continuer à avancer et à créer ».
J’ai trouvé la formule assez malhabile, et fausse de surcroit, puisque justement, la majorité des groupes en activité ont capitalisé sur cet isolement forcé pour produire de la nouvelle musique, et même sortir des albums qu’ils ne pouvaient promouvoir. Il est donc injuste de pointer du doigt les quelques musiciens n’ayant pas eu la force de se remettre au travail, désespérés parfois de voir leur dernier album tomber aux oubliettes pour faute de promotion. Mais il est certain que ceux ayant continué à avancer ont eu bien du mérite, le flou sanitaire entourant leur avenir n’étant pas propice à une vision claire de leur carrière. Prenons exemple sur les américains de SEVEN SPIRES, qui quelques mois à peine après leur second longue-durée nous proposent déjà leur troisième, étape cruciale s’il en est.
Emerald Seas, déjà sorti sur Frontiers en février 2020, est tombé pile au mauvais moment. Quelques semaines plus tard, la planète marchait en circuit fermé, comme les salles qui ont bloqué leurs portes à leur grand dam. Il était donc impossible pour le groupe de Boston, Massachusetts, de partir sur les routes défendre sa création, même si ce cher Donald a abordé la question de la COVID avec une légèreté désarmante. Mais un an et demi à peine après cette étape importante, le quatuor s’en revient avec un nouveau chapitre de son histoire dans ses bagages, un chapitre qu’ils pourront jouer en public, et qui risque fort de les propulser dans la dimension supérieure.
On le sait, les SEVEN SPIRES sont les musiciens de tous les excès. Leur Metal symphonique extrême ne supporte aucune restriction d’influences, et aucune limite d’inspiration. Au travers de leurs deux albums, les américains ont démontré qu’ils étaient capables de changer de masques encore plus rapidement que SLIPKNOT, et de produire une musique unique, faite d’exubérance, de versatilité, et de liberté créative. Solveig définissait encore timidement les contours du concept, mais Emerald Seas allait beaucoup plus loin, et il n’est donc pas étonnant de découvrir aujourd’hui un pavé de la taille de God of Debauchery, que les bostoniens jettent à la face des gendarmes de la pondération.
Pensez-donc, pas moins de seize morceaux pour soixante-dix-sept minutes de musique, les proportions sont progressives et dantesques, et la crainte d’une panne d’inspiration globale planait au-dessus de cette réalisation avant son écoute. Après tout, après avoir accouché d’un album un an et demi plus en amont du calendrier risquait de déclencher une poussée aux forceps, ou tout du moins une césarienne pas forcément agréable. Mais après quelques minutes et quelques morceaux, ce nouvel album se révèle dans toute sa démesure et sa richesse. Déjà fortement polymorphe, SEVEN SPIRES est maintenant une créature imprévisible, capable de se métamorphoser en groupe de Black Metal symphonique très crédible, ou en ensemble de Heavy Metal moderne pur et dur. On trouve donc de tout sur ce God of Debauchery, et finalement, une grosse partie de sa philosophie pourrait se résumer à ce titre d’ouverture monstrueux, « Gods Of Debauchery ». Tous les potards dans le rouge, une rythmique bombastic qui nettoie les rues au karcher, des riffs épais, sombres et agressifs, une tendance à fusionner les genres pour ne plus mériter que l’appellation de Metal extrême, et une mise en jambes courant à une vitesse hallucinante. Comme pressé de devenir un groupe majeur, le quatuor (Jack Kosto - guitare, Adrienne Cowan - chant/claviers, Peter Albert de Reyna - basse et Chris Dovas - batterie) a donc accéléré le pas, précipité le mouvement, et proposé à ses fans une sorte d’achèvement absolu, et de marathon sprinté.
On le sait, les musiciens se sont rencontrés sur les bancs du Berklee College of Music de Boston, comme les membres de DREAM THEATER, et finalement, les deux groupes ne sont pas si différents qu’on aimerait bien le croire. A ses débuts, DREAM THETER aimait lui aussi bousculer les codes et fusionner les styles pour s’approprier le sien, et les SEVEN SPIRES adoptent la même démarche. De fait, leur Metal protéiforme se veut dérivé du Death, du Thrash, du progressif, du Black, et se rapproche petit à petit de l’art de l’est des CHTHONIC, dont on sent l’ombre planer sur les morceaux les plus grandiloquents.
Pour l’occasion, le quatuor s’est complétement lâché, et a abandonné toute mesure et toute raison. Les morceaux, nombreux, s’étirent parfois au-delà des dix minutes (« This God Is Dead » résumé parfait du parcours du groupe de ses origines à la perfection d’aujourd’hui), mélangent la noirceur de jais et la lumière la plus aveuglante, et permettent à l’extraordinaire vocaliste Adrienne Cowan de faire étalage de ses capacités qui semblent sans limites. La chanteuse ose tout, remporte tous les défis, fait preuve d’une belle nuance dans les moments les plus sensibles, nous émeut, nous impressionne, et donne un showcase individuel dans un contexte global qui en fait l’un des interprètes les plus précieuses du circuit.
SEVEN SPIRES a très bien compris qu’une telle attaque sonique devait être agencée, et laisser des espaces positifs de respiration. Ainsi, God of Debauchery alterne le classique et le moins formel, propose des riffs incroyablement catchy sur fond d’arrangements de blockbuster (« Oceans Of Time »), se livre toujours à cette démonstration technique habilement cachée sous une épaisse couche de violence, et ose le tout pour le tout, au risque de se casser la gueule de la falaise de la prétention. Mais cette exubérance, ce culot, cette morgue font que de God of Debauchery ce qu’il, est, une démonstration de force époustouflante et presque étouffante parfois (« Gods Amongst Men », théâtral à souhait), mais persuasive, et s’achevant sur une vague de délicatesse sublime (« Fall With Me »).
Impeccablement mixé et masterisé par le maestro Sascha Paeth, God of Debauchery est une aventure peu commune, de celles qu’on ose affronter une ou deux fois par an, avec beaucoup de précautions et de respect. Et celui du à SEVEN SPIRES est proportionnel au travail accompli dans un intervalle de temps aussi court.
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Titres de l’album:
01. Wanderer's Prayer
02. Gods Of Debauchery
03. The Cursed Muse
04. Ghost Of Yesterday
05. Lightbringer
06. Echoes Of Eternity
07. Shadow On An Endless Sea
08. Dare To Live
09. In Sickness, In Health
10. This God Is Dead
11. Oceans Of Time
12. The Unforgotten Name
13. Gods Amongst Men
14. Dreamchaser
15. Through Lifetimes
16. Fall With Me
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