A force d’en parler, il allait bien falloir en parler. Vraiment. Je veux dire, en l’écoutant, avec attention, avec passion, avec toute la déférence due à une légende, mais aussi avec le recul qu’inspire le respect suscité par une carrière (presque) sans failles.
Et comme c’est au pied du pit qu’on voit le mieux le thrasheur, les idoles d’antan et d’aujourd’hui ont toujours bonne mine. 1984/2017, qui peut se targuer d’avoir traversé trois décennies de bruit, de fureur et d’énergie sans y avoir laissé quelques plumes de créativité en route ?
KREATOR peut-être, que beaucoup, à l’instar des TESTAMENT et SLAYER, voient comme les seuls garants de la cause Thrash. Alors quoi, le deal c’est quoi finalement ? Rester bloqué sur les sempiternels classiques, les comparer et s’apercevoir qu’ils n’auront jamais d’égal dans la discographie des Allemands ? Mais qui a dit que Mille et Jürgen avaient envie de répéter ad vitam aeternam la même recette de violence jusqu’à l’overdose ? Ni eux, ni moi, ni leurs vrais fans. Et c’est justement à eux que je fais un appel du pied ce matin, à eux, et à ceux qui pensent que le Metal radical a encore des beaux jours de catastrophes devant lui.
Et tiens, c’est bien de ça dont Mille parle, de ce monde à la dérive qui ressemble à une tragédie Grecque, avec des Dieux élevés au rang de dictateurs de la pensée, qui nous poussent à nous détruire à petit feu…Car après tout, ces fameux « Dieux de la violence », c’est nous, et…les autres…
Il était parti d’un concept, il finit par un concept. Non thématique, mais métaphorique. Celui qui impose une bande d’Allemands furieux en créateurs d’un dogme que personne n’osera remettre en question. Alors certes, beaucoup d’esprits chagrins vous diront que KREATOR depuis le début des années 2000 se contente de faire du KREATOR, mais je ne suis pas certain que leurs admirateurs leur demandent de faire autre chose.
En guise d’avant-bouche, cédant à cette nouvelle mode de la vidéo à tout va, nous avons eu droit à une poignée de titres, largement diffusés sur les plateformes sociales, et les analyses de comptoir allaient bon train. Si « Gods Of Violence », le morceau, semblait déchaîner les passions, « Satan Is Real » offrait des réactions plus mitigées. Un peu trop mélodique sur les bords, avec cette Göteborg touch qui finalement, n’allait pas comme un gant à Mille et sa bande.
Mais aujourd’hui, et depuis quelques jours, l’album est là. Alors terminons-en avec ces discussions de coins de table, et…parlons-en.
Aux dernières nouvelles, le quatuor nous avait laissé sur un Phantom Antechrist il y a cinq ans, qui n’offrait rien de neuf, mais qui perpétuait la légende avec flair. Entre temps, une allusion aux années Noise, un EP bâtard offert en cadeau avec un magazine célèbre, et puis, de l’attente. Beaucoup d’attente. Et finalement, ce résultat, qui se veut analyse objective d’une civilisation qui vit peut-être ses derniers instants, rythmés par un Metal torride et chauffé à bloc et à blanc, et qui pourrait représenter la bande son idéale d’un Armageddon inévitable. Gods Of Violence, en l’état, et au même niveau que son prédécesseur, se veut résumé parfait de la carrière de ces jeunes chiens fous Thrash qui un beau jour de 1986 ont lâché à la face du monde leur intention de tuer, et d’y prendre du plaisir.
Aujourd’hui, KREATOR ne veut plus tuer personne, mais regarde le monde le faire à sa place…Et fait un survol de son parcours, avec des arrêts sur les cases Endorama, Renewal, Violent Revolution et Hordes Of Chaos, en prenant grand soin d’éviter le radicalisme de ses premières œuvres pour oser un challenge un peu fou, celui de marcher en équilibre sur la ligne Thrash en tenant fermement cette branche symphonique et mélodique qui coupe à peine le ciel en deux.
Ce quatorzième album, produit une fois de plus par Jens Bogren (OPETH, KATATONIA, AMON AMARTH, SYMPHONY X), laisse transparaitre un casting haut de gamme, avec présence d’un chœur, de musiciens additionnels (Boris Pfeiffer d’IN EXTREMO à la cornemuse, le jeune Tekla-Li Wadensten à la harpe, à peine plus d’une dizaine d’années, Dagobert Jäger au chant), et bien sûr les quatre héros de l’apocalypse, dont le line-up n’a pas changé depuis des années, avec la présence des deux lieutenants Christian Giesler à la basse et Sami Yli-Sirniö à la lead.
Mais toutes ces données ne doivent pas occulter le point le plus important ce de nouvel effort studio. Son contenu. Et si celui-ci pourra désappointer les plus radicaux, il saura enchanter et rassurer les plus modérés, les plus passionnés, les plus collés, accolés, les moins objectifs et les plus exigeants, puisqu’il faut bien admettre, partialité mise à part, qu’il représente une sorte de point de culminance dans la carrière de KREATOR post 2000.
On y retrouve tout ce qui fait l’attrait des originaires d’Essen depuis les années 90. Cette façon d’aborder le Thrash sans compromis, d’expérimenter des terrains défrichés, une propension à injecter une grosse dose de mélodie dans la folie instrumentale ambiante, mais aussi de l’ambition, de la création, et pas mal d’abnégation. Doté d’un son made in First Neo Death Wave Of Swedish Death Metal, Gods Of Violence à la grandiloquence et la violence de la mythologie grecque, transposées dans un contexte contemporain. Alors, les brutales accélérations, les passages en mid qui mettent la pression, les intros délicates et les progressions harmoniques qui éclatent soudain au fracas d’un solo stellaire, tout est là, et bien là, agencé avec beaucoup d’intelligence via une succession de morceaux au-dessus de tout soupçon qui nous mènent presque à l’heure d’écoute.
Et sans vouloir jouer les esprits chagrins, admettons que même si Mille et Ventor sont restés sur une ligne de conduite médiane, ils ont signé là un de leurs magnum opus dont personne – y compris les abrutis restés perchés sur leurs vinyles d’Endless Pain et Pleasure To Kill – ne pourra remettre en cause la qualité ou la pertinence. Et à l’heure ou TESTAMENT met tout le monde à terre et METALLICA jette les graines de la discorde comme ils ont toujours su le faire, KREATOR s’en bat les saccades et avance à son rythme pour tous nous faire taire…ou gueuler comme des veaux, au contraire.
Evacuons d’office les titres déjà connus et repris par cœur. « Gods Of Violence » et sa déclaration d’intention Thrash pourtant introduite de cordes classiques subtiles, son break écrasant et son phrasé dément, « Satan Is Real » qui de ses harmonies un peu mièvres nous persuade que nous avons-nous même créé notre diable à force d’y croire, ainsi que le terrassant « Totalitarian Terrror », le plus vilain du lot, qui concassait tout de sa double grosse caisse mitraillette et de ses couplets nous ramenant au temps béni d’Extreme Agression en le saluant d’arrangements scandinaves un peu Power sur les bords, fleurissant sur un refrain terriblement emprunté aux AT THE GATES et autres SOILWORK des jours de fête.
De son côté, « Fallen Brother » jouait l’efficacité médium en calquant son thème et son rythme sur le « Drive By Shooting » de GZR, sans pourtant se la jouer Néo, en plaçant un refrain typiquement allemand aux accents guerriers un peu usés, mais percutants au demeurant.
Une fois ceci fait, il nous restait quand même la bagatelle de sept titres inécoutés, mais plus qu’écoutables…
Et comme on n’introduit pas une bande son de fin du monde en tapant dans ses mains près d’un feu de bois, même dans la Ruhr, l’intro « Apocalypticon » se la joue Star Wars avec son emphase militaire et ses velléités symphoniques qui en disent long sur la débauche de violence à venir. Et cette violence trouve sa concrétisation dans un « World War Now » qui pioche dans le répertoire du AT THE GATES de « Blinded By Fear », pour mieux rappeler aux étourdis que la créature KREATOR était là avant tout le monde. Phrasé net et précis, batterie en coup fourré, et refrain hystérique, c’est un travail léché, un peu trop diront certains, mais qui convainc sans trop forcer.
Mais comme Gods Of Violence joue sur l’ambivalence d’un Thrash dilué d’un Heavy progressif ample, « Hail To The Hordes » appuie sur les nuances et tente le coup du pamphlet à la ACCEPT revu et corrigé par l’école de la rue d’Essen, et se concentre sur les parias, les rejetés, qu’il accueille dans son giron pour une ronde malmenée, efficace mais un peu éculée.
Le travail en solo de Sami Yli-Sirniö est tout de même remarquable, et ce, tout au long de l’album, et sauve de ses interventions les quelques errances qui tournent un peu en rond, comme sur ce « Army of Storm » qui une fois de plus mâtine le radicalisme d’une propension à l’euphémisme Heavy brutalement arraché du ciel par des couplets Thrash sans pareil. Une fois encore, un refrain fédérateur nous rassemble tous autour de quelques notes plus subtiles, notes que l’on retrouve en masse en écoulement de « Lion With Eagle Wings », sur lequel Mille susurre en acoustique avant que l’apocalypse n’en fasse éclater la bulle de cristal supposée nous protéger. On pense BLIND GUARDIAN, on pense DRAGONFORCE, mais finalement, on hurle KREATOR, puisque c’est bien de ça dont il s’agit….
Alors non, tout n’est pas parfait, tout n’est pas bon, certaines idées déjà pas forcément pertinentes à la base sont recyclées, mais quand même…Comment ne pas rester admiratif devant ce vaisseau qui n’a jamais baissé son pavillon alors même que ses contemporains lâchaient l’affaire pour de bon…
Qui mieux que KREATOR peut se poser en parangon d’un style dont on soulignait avec raillerie le côté éphémère alors même qu’il venait juste de pousser ses premiers cris ? SEPULTURA évidemment, TESTAMENT éventuellement, mais en dehors de ça.
La leçon à tirer de Gods Of Violence ? Que notre monde se meurt de n’avoir pas su accepter l’inéluctabilité de sa propre nature, et que KREATOR fut, est, et sera toujours une valeur sûre. Je me souviens de cette chronique de Sabouret ou Georges Amann à l’occasion de la sortie de Terrible Certainty il y a trente ans, dans les colonnes de Hard-Rock Magazine. Médusé par la violence et l’entêtement dont faisaient preuve ces jeunes musiciens, le journaliste hébété se posait cette question :
« On se demande simplement jusqu’où ça ira… »
Trente ans plus tard, tu as ta réponse. Ici, et maintenant. Et personne, même pas Mille ou Ventor à l’époque n’aurait pu la connaître. D’une douleur éternelle ont émergé des Dieux de violence. Et ça n’est qu’un juste retour des choses…
Titres de l'album:
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