Rien de tel qu’un bon groupe de Brutal Death pour commencer une journée qui s’annonce morose. Après tout, c’est de circonstance, puisque nous avons enterré officiellement le soleil il y a plus de dix jours, et que l’astre commence à pourrir dans son linceul de nuages noirs…
Et si nous lui chantions une dernière homélie pour lui faire envisager notre tristesse ?
Tristes ? Mais pourquoi le serions-nous lorsqu’un groupe de la trempe de CASKET HUFFER sort son premier longue durée, et que celui-ci contient des pistes de pur Death barbare, à la limite d’un Death Doom en version accélérée et teintée de BM vraiment sauvage et sans compromis ?
Il y a de quoi être heureux, puisqu’en effet, Gospels of Scum tient toutes les promesses qu’il n’a pas vraiment faites, à grands coups de rythmique affolante, de lignes de chant glauques et de riffs imbriqués les uns dans les autres sans aucune pause ni reprise de souffle.
Typiques de la scène underground du Wyoming, les CASKET HUFFER sont quatre (T – guitare et chant, D – batterie, E – guitare et D – basse) se vautrent en effet les tripes en avant dans un Death barbare touffu et primal, sans tenir compte de l’évolution du genre, mais en faisant quand même preuve d’une technique affutée qui leur permet d’agrémenter leurs pamphlets d’outre-tombe de quelques fantaisies mélodiques et rythmiques. Certes, leur approche n’a rien de novateur, mais elle est d’une efficacité crasse et apte à vous déboucher les tympans par d’abondantes injections de javel musicale.
Dans la forme CASKET HUFFER, rien ne distingue les originaires de Cheyenne de nombre de leurs homologues. Certes, leur vision du Metal de la mort est assez primale et viscérale, mais elle est morbide et efficace, et juxtapose des philosophies assez différentes et complémentaires. Beaucoup de violence bien sûr, de la déliquescence, et quelques influences qui passent à portée de conscience, AVULSED, DEVOURMENT, DECAPITATED et autres MORTICIAN pour ce parti-pris très grave, mais encore analogique chez notre quatuor.
On peut aussi penser aux gravissimes VITAL REMAINS, plongés dans un bain d’acide Crust (« Stygian Tongues »), et d’ailleurs, aussi mortelles soient les symphonies de ces bouchers, elles gardent toujours une prise avec la réalité harmonique sans céder un pouce de bestialité, ce qui les rend encore plus efficaces. Efficaces, c’est le mot, et un tantinet créatives aussi. Quelques inserts Thrash, des clins d’œil Heavy Metal, mais une débauche de trivialité sonore pour faire encore plus de boucan que ses petits camarades.
Avec cette patine légèrement Punk dans le coin du regard, les CASKET HUFFER regardent l’avenir de biais, et l’aperçoivent en état de putréfaction avancée. Ce qui ne les empêche nullement de se montrer habiles compositeurs, agrémentant leurs orgies décibelliques de subtiles mélodies Heavy, comme le démontre le très futé « Casket Huffer », dont le final évoque même un savant crossover entre DEATH et NILE.
Pas de temps à perdre, les compositions sont plutôt courtes, concises et incisives, et surtout, plus intenses que la moyenne globale.
On frise d’ailleurs parfois le Death à tendance Punk/Hardcore vraiment sauvage, comme une version contemporaine des BATHORY et HELLHAMMER, passé au hachoir ORIGIN (« Voices », oui, je pense qu’ils doivent en entendre quelques-unes dans leur tête), mais de temps à autres, nos apprentis embaumeurs laissent les minutes s’écouler plus lentement pour concasser l’atmosphère, avant de la regarder exploser sous une colère sourde et grondante (le final « Extol Unholy Adoration », à la limite du Bestial BM quand même, et assez terrifiant de son magma sonore qui laisse quand même filtrer quelques respirations dissonantes).
Mais la philosophie de base restant la destruction par un processus de putréfaction, ce que démontre avec malice l’écrasant « Cursed », qui effectivement risque de vous maudire sur trois générations avec son Crust Death sans complaisance, qui se complait à juxtaposer un rythme enlevé et de soudains contretemps affolés.
L’exemple flagrant de massacre instantané se cache sous les oripeaux macabres d’un morceau éponyme qui fait vraiment froid dans le dos, et qui ose comme postulat définitif coller un chant horriblement Doom sur des parties instrumentales dignes du meilleur Techno Brutal Death. On a parfois du mal à saisir le propos définitif des guitares, tant celles-ci sont souvent avalées goulument par les fréquences de la rythmiques et du chant, mais c’est aussi ce sentiment d’étouffement qui rend ce premier album si particulier et lui confère une aura mystique assez malsaine.
Enregistré par Dave Otero des Flatline Audio studios, Gospels of Scum bénéficie donc d’une production très dense et quasiment inextricable qui colle parfaitement au concept proposé. Sans chercher à bousculer l’ordre établi, le quatuor du Wyoming laisse une empreinte durable dans la mémoire collective en combinant des influences externes sans chercher à renier sa propre nature.
Alors que la plupart des combos du créneau s’éternisent dans ses digressions stériles, les CASKET HUFFER visent l’efficacité, et éclaboussent les murs décrépits de giclées de sang noir, déroulant leur litanie musicale à la frontière du Death et du BM comme un film d’horreur bien Gore et bien putride.
Alors si vous aimez vos tripes presque tartare, mais préparées avec soin, ne vous gênez pas, et investissez 6.66 dollars dans l’acquisition digitale de ce Gospels of Scum qui en effet fleure bon les cantiques trouvés dans une poubelle, et composés en hommage à la pourriture terrestre.
Et après on se demande encore pourquoi le soleil est mort…Il est plus que mort, il est disséqué.
Titres de l'album:
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