Certains groupes misent tout sur le look, ou un concept un peu foireux qui leur assurera un following de départ. D’autres au contraire, se foutent royalement des apparences, et se présentent à vous comme ils sont dans la vie. Leur seul instinct : la musique, qui doit parler d’elle-même. Etre efficace, sans prétention, mais puissante, humaine, crédible, touchante, énergique. Les VISAVIS font partie de cette caste de musiciens qui n’ont cure des effets pyrotechniques, qui se moquent des fringues à la mode, et qui rient sous cape des tendances que suivent certains en croyant que la mode justement va les garder sous son aile.
J’ai connu ce groupe de Tulle à l’occasion de la sortie de son premier album, War Machine, animé d’un Hard-Rock simple, efficace, et redoutablement en place. J’ai immédiatement été séduit par cette humilité, cette façon de jouer sans être dupe, d’avoir compris depuis longtemps que le Rock ne pouvait plus proposer grand-chose d’original. Cette manière de proposer de vraies chansons, qu’on sait interprétées avec les tripes sur scène, le visage ruisselant et le sourire de rigueur, soutenu par des fans qui croient vraiment en leurs héros à l’échelle humaine. Et alors qu’aujourd’hui, le combo revient avec un EP sous le bras, je ne peux que les féliciter de n‘avoir rien changé à leur recette, mais de l’avoir épaissie, et de l’avoir rendue peut-être un peu plus sombre.
Pierre Henri Traux à la batterie, Pierre Beyssac à la basse et Régis Bouyge à la guitare et au chant. Voici donc les VISAVIS qui se placent encore une fois face à vous non pour que vous les jugiez, mais pour avoir une conversation musicale dans laquelle vous avez votre place, comme tout fan qui se respecte. Musicalement, le groupe garde le cap, et évolue toujours entre Rock roots musclé, alternatif franc et Metal adopté. Flirtant parfois avec les rives du Post Grunge, avec la frange la plus Heavy du Rock des nineties, avec l’abrasif made in Bob Mould et GUN CLUB, VISAVIS lâche les watts, et nous propose ses riffs les plus probants, comme celui qui porte à bout de cordes « Burning Hell ». Et si l’enfer, c’est toujours les autres, VISAVIS a trouvé son paradis depuis longtemps, quelque part entre les 7 WEEKS et MAXXWELL, entre grosse distorsion et chant velouté, sur tapis de rythmique sauvage avec cette basse prépondérante.
Six morceaux, pas plus, mais cela suffit largement pour constater les progrès accompli. L’osmose est encore plus palpable, le résultat plus compact, l’homogénéité frappante. On se surprend même parfois à se rappeler de la scène subtilement Indus des années 90, avec ces plans répétitifs à la KILLING JOKE, et cette atmosphère un peu froide qui doit pourtant méchamment se réchauffer live.
Les titres se suivent, et surtout, ne se ressemblent pas. En toute brièveté, le trio a joué la diversité, et les ambiances se succèdent, parfois plus modulées (« My Life was Great » et son lick de guitare en gimmick), parfois totalement sauvages et fricotant avec le Punk Rock épais mais percutant (« No Way Out »). La production, impeccable, ne joue pas les gros bras mais augmente la portée de la guitare tout en alourdissant la basse au bon moment. La frappe toujours sèche et efficace de Pierre Henri Traux catapulte les idées les plus formelles avec son binaire assuré (« Loud and Rough », comme si les STOOGES se mettaient à la page), et si Régis Bouyge est toujours le frontman rêvé de tout power-trio, la complicité des trois musiciens empêche de le catapulter au-devant de la scène. Encore une fois, les VISAVIS se donnent les moyens de plaire à tous les publics, comme Lemmy n’acceptant le terme « Rock » que comme seule étiquette possible sur sa veste en jean. Le Rock justement, peut être joué prestement et simplement (« Made of Stone »), mais seulement si on croit en lui, et toutes ses possibilités d’expression.
Alors, les mélodies, l’envergure, l’amplitude d’un son qui n’écorche pas les oreilles et n’en fait pas trop, la souplesse d’exécution, et la sincérité de composition font de ce nouvel EP un moment privilégié, dont le seul défaut est sa brièveté. On sent que le trio avait les moyens de sortir un album entier, pour oublier leur histoire d’amour manquée avec le Hellfest, et on sent surtout que les mecs attendent avec impatience, l’écume aux lèvres de pouvoir aller à la rencontre de leur public, qui va se tordre de plaisir en pogotant sur ces tubes.
Messieurs, respect. Continuez sur cette voie, qui pourra vous transformer en référence dans quelques années. Mais je sais très bien que vous n’avez cure des honneurs. Seule la sueur vous intéresse.
Titres de l’album:
01. Burning Hell
02. My Life was Great
03. No Way Out
04. Loud and Rough
05. Made of Stone
06. Medical
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