DIRTY BLACK SUMMER est une quête, celle d’une certaine rédemption musicale cherchée par cinq musiciens œuvrant parmi les formations les plus abrasives de la Baie des Anges (SVART CROWN, ex-IN OTHER CLIMES, WORMSAND). Composé d’amoureux du genre Alternatif de Seattle, DIRTY BLACK SUMMER offre un hommage empreint de nostalgie d’une époque révolue. Une soupape cathartique qui distille un Rock 90's teinté de Grunge aux allures Black Metal.
J’aime les accroches promotionnelles dans ce qu’elles ont de plus excessif. Certes il faut donner envie au chroniqueur et au public d’écouter le dernier poulain sur lequel on a misé, mais parfois, le dit poulain de par ses qualités se dispense très bien de ces formules emphatiques légèrement mensongères ou exagérées sur les bords. Ainsi, l’utilisation du terme « Black Metal » dans ce paragraphe pub est totalement hors-contexte, même si la musique des niçois possède ce côté sombre que bon nombre de formations alternatives des années 90 utilisaient à dessein.
Michael Khettabi (chant), JB Le Bail (guitare), Cyril Zaborski (guitare), Jimbo Goncalves (basse) et Tom Valstar (batterie) vous proposent donc leur premier moyen-format avec ce Great Deception au titre en trompe l’œil. Aucune déception ne vous attend à l’écoute de ces six chansons (dont une surprenante reprise), mais bien une intense satisfaction, celle de se replonger dans une décennie honnie par bon nombre de rockeurs qui ont vu leurs idoles crucifiées sur l’autel de l’opportunisme des maisons de disques et de MTV. Décoré d’un splendide artwork signé de la main experte d’Alex Eckman-Lawn, illustrateur américain présent dans les colonnes de Hi- Fructose ou Juxtapoz Magazine, Great Deception est le bébé de JB, de SVART CROWN qui un jour a décidé de se donner du temps pour pondre un side-project nostalgique des amères nineties. Associé aux bons mercenaires, le guitariste a donc composé un répertoire ad hoc pour nous traîner dans les couloirs du temps, et je ne saurais assez le remercier pour cette expérience d’immersion hors du commun. Loin de se montrer allusif à tous les gimmicks et poncifs du genre, JB en a vraiment retiré la substantifique moelle pour nous délivrer un tracklisting incroyable.
Guitares grasses et traînantes, arrangements sobres, son un peu brut mais épais, chœurs efficients, on se croirait témoins d’une rencontre improbable entre les 7 WEEKS et les STONE TEMPLE PILOTS, dans une rue de Seattle jonché de bars plus ou moins recommandables. Entre les charges furieuses et teintées d’énergie virile sudiste et les ballades amères et fanées, cet EP tape dans le mille, et privilégie l’émotion vraie à la démonstration de style. Plus de substance que de forme donc, pour un fond vraiment profond, et des chansons qui en sont vraiment et qui touchent. Ainsi, le très lourd et grisonnant « You And I » ne manque pas d’alléger une ambiance pesante par quelques couches de voix Pop, mais ne vous leurrez pas : ces instants de délicatesse masculine ne sont pas majoritaires, et le reste de la partition joue les gros bras, sans tomber dans le machisme instrumental bas du front.
J’en conviens, l’entame de « Your Great Deception » remet les pendules à l’heure de 92/93, et lâche une intro dissonante dans le plus pur esprit des déviants du New-York des années 80. On pense aussi à une version moins vicieuse des AFGHAN WHIGS, à du MILK survitaminé, mais on pense surtout à DIRTY BLACK SUMMER, et si un imbécile de la presse « respectable » nationale a osé comparer le timbre de Michael Khettabi à celui d’Eddie Vedder (dans une crise de priapisme intellectuel aigu je pense), il est certain que l’atmosphère générale rappelle le séminal Vitalogy, brouillon, noyé et anti-commercial au possible.
Du PEARL JAM ? Non, le JAM n’a jamais été aussi loin dans les ténèbres et a toujours gardé prise avec le Classic Rock des seventies. Ici, le Rock est évidemment présent, mais sous une silhouette déformée, et les allusions à la scène Pop, au Post Rock, mais aussi au Punk sont nombreuses (ce que l’on comprend sur cet extraordinaire break dominé d’une basse ronde et jumpy), tout comme l’affiliation au Hard-Rock le plus traditionnel et sans artifices. Les originaux du groupe valent leur pesant de plomb donc, mais certainement galvanisés par la liberté procurée par le projet, les cinq musiciens se sont fendus d’une étonnante reprise de Britney SPEARS avec l’appropriation de son classique « Womanizer », traité ici façon automne pluvieux avant de partir dans un écho de percussions bumpy et joyeuses.
Il y a à boire, à boire et à boire sur cet EP. De quoi étancher votre soif de musique sincère et jouée avec les tripes. De l’authenticité dans les guitares, du feeling dans la voix, de la souplesse dans la rythmique. Des variations dans les ambiances, avec toujours dans le rétro ce passé 90’s auquel les musiciens sont attachés, et des tubes, comme ce final explosif « Forget My Name », qui pourtant se trompe lourdement dans son injonction : on ne risque pas d’oublier le nom de DIRTY BLACK SUMMER. Il faut dire qu’à l’inverse du baptême de cet EP, il incarne avec merveille la philosophie d’un groupe hors-saison comme le dirait ce cher Francis Cabrel (qui n’a jamais chanté « Astaffortizer », contrairement à ce que la légende prétend).
Titres de l’album:
01. Your Great Deception
02. Know Better
03. The Descent
04. You And I
05. Womanizer
06. Forget My Name
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