C’est marrant de constater à quel point le temps aime être figé parfois. Enfin, faussement figé, dans une veule tentative de nous faire croire que nous n’avons pas vraiment vieilli et que notre passé peut redevenir notre présent, juste pour un instant. Brel demandait, à titre de privilège, de pouvoir être beau et con, à la fois, pour un instant seulement. Ce matin, je suis redevenu jeune et con, pour trois-quarts d’heure seulement, ce branleur qui se délectait de sons bizarres et d’énergie à part, loin de ses obsessions métalliques usuelles, et qui avait découvert au détour d’un autoradio les délires d’une scène qui ne ressemblait en rien à celles qu’il connaissait jusqu’à lors. Une scène qui conchiait les fixations sur le look pour privilégier une musique viscérale, une urgence magnifique, et qui préférait se parer de jeans troués et de chemises achetées pour un dollar que de fanfreluches et de maquillage pourrave. Mais si, souvenez-vous, si vous avez eu 20 ans à l’orée des années 90. Vous n’avez pas pu manquer cette transition MTV qui vous a fait glisser de POISON à NIRVANA, de WHITESNAKE à PEARL JAM, ou de WINGER aux AFGHAN WHIGS. Cette époque où notre monde habituel semblait s’écrouler sous ses propres excès, où nos stars favorites semblaient plus concernées par la deuxième couche de polish sur leur Ferrari flambant neuve que sur les problèmes de cette jeunesse qui les adulait. La presse dite « généraliste » avait même trouvé un nom à la con pour ça.
Le Grunge.
Un peu comme le Punk, des années plus tôt, ce revirement permettait aux médias de tirer un trait sur un passé embarrassant, et aux labels de se débarrasser de leurs anciennes gloires. Les posters dans les bureaux changeaient, comme l’humeur d’une société qui commençait à piger que tout n’allait pas si bien que ça. Et au milieu de ce bordel risible, des groupes émergeaient, chacun essayant dans un effort pathétique d’adopter le sien. Et c’est ainsi que contre toute attente, le sacro-saint gîte pour thrasheurs Roadrunner nous proposait sans complexe le premier disque d’un combo presque inconnu pour tout le monde, et complètement pour nous, GRUNTRUCK.
Riffs abrasifs, rythmique capricieuse, chant torturé, le genre de truc qu’on n’écoutait jamais, trop replié sur lui-même, et trop… « sérieux ». Pourtant, ce premier album qui ne mit aucunement le feu aux poudres préfigurait une carrière déjà salement entamée du côté de SKIN YARD, et même aux côtés d’un autre chantre de la violence romantique exacerbée, SOUNDGARDEN. Et puis, le lancement sous le nom de GRUNTRUCK enfin, via le label sans doute le moins concerné du monde, sans pour autant dresser de comparaison avec l’intouchable Sub-Pop, désireux de sa Hollande natale lancer une nouvelle vague de produits qu’il ne saurait pas vraiment comment vendre, mais qui permettrait à son catalogue de s’étoffer de références moins évidentes. Le groupe à l’époque, devait se satisfaire de cette chance qui lui permit enfin de lancer Inside Yours sur le marché, sans savoir que ce premier jet allait symboliser le départ d’une aventure douloureuse, et d’un combat légal pour récupérer ses droits au passage…Après un second LP, Push, et un premier EP en 1996, via Betty records, les TRUCK se pensaient enfin libérés, délivrés d’une emprise qui commençait à leur peser, mais c’était sans compter sur un destin capricieux qui ne leur voulait pas vraiment du bien. Toujours dans la course mais jamais placé, le groupe dut alors affronter une menace bien plus grave, et constater l’état de santé déclinant de son chanteur/guitariste Ben McMillan…Pourtant, après une réunion en 1997 autour du line-up original, tout semblait repartir sur les bons rails, et le groupe en avait même profité pour enregistrer son troisième album en profitant du confort de cinq studios différents, sous la houlette de Jack Endino et Martin Feveyear (MUDHONEY, SCREAMING TREES). Un troisième album éponyme, revenant aux racines, et bien décidé à montrer la véritable face du groupe au monde, à un tournant de siècle pourtant peu propice aux anciens feux follets de l’orée de ces putain d’années 90. Las, les affaires en berne, et l’état de santé toujours plus chancelant de leur chanteur n’autorisa pas le TRUCK à balancer son œuvre sur le marché, et ce fameux disque sans titre resta sur les étagères, jusqu’à une fameuse conversation entre Endino et Scott Blum, CEO de Found Recordings, en 2016…Bien décidé à combler les trous du passé, Blum prit la décision de sortir enfin ce LP, avec quelques années de retard, histoire de rendre hommage à un groupe unique qui se voit offrir une nouvelle chance sur le tard…
Et ce « nouvel » album, le voilà. Difficile de juger aujourd’hui de sa pertinence, eut égard à ses dates d’enregistrement, mais il faut reconnaître que son écoute plonge l’âme dans un état de léthargie étrange, comme si le cerveau s’endolorissait de redécouvrir des sons presque oubliés depuis longtemps. Car avec Gruntruck, les originaires de Seattle n’avaient pas changé leur fusil d’épaule, et on y trouvait tout ce qui faisait le charme de cette scène de l’époque, option « dure », puisque les TRUCK n’ont jamais pris les choses à la légère. On retombe le nez dans le fumier fumant de riffs surchauffés, de mélodies tordues et anémiées semblant réclamer un peu d’attention, sur ces rythmiques bancales et heurtées qui ne permettaient pas vraiment de se lâcher sans passer pour un malade atteint de la danse de Saint Guy. En gros, toutes les composantes d’un faux style qui étanchait sa soif de liberté dans les eaux des seventies, tout en louchant sur le Punk ricain des années 80. On se reprend à penser aux débuts d’ALICE IN CHAINS, aux MELVINS, à MUDHONEY, et puis à SOUNDGARDEN évidement, sans même parler des STONE TEMPLE PILOTS qui nous avaient déjà fait le sale coup avec Core. Etrange de basculer la tête vingt ans et quelques en arrière sans risquer la rupture des cervicales, mais l’écoute de ce disque oublié par le temps et presque embaumé par la mort est revigorante, étrangement fraîche, comme si cette damnée jeunesse passait sa tête par les persiennes pour voir ce qu’elle est devenue, une fois l’âge adulte bien entamé.
Adulte ?
C’est le mot pour ce disque cohérent, qui nous permet d’entendre à nouveau le timbre rauque et traînant de Ben, très proche d’un Danzig allumé ou d’un Eddie Vedder encore plus désabusé que d’ordinaire. De se replonger dans le bain d’acide des guitares de Tom Niemeyer, toujours pas décidées à rentrer dans le rang ou le lard, et le découpant à leur façon, de biais, avec du gras qui pend encore sur les côtés. Retrouver tout ça dès la basse pesante de Tim Paul qui écrase le zinc de « Bar Fly », sans évoquer Bukowski, mais plutôt SOUNDGARDEN ou le « Got me Wrong » d’ALICE IN CHAINS. Et puis partir dans un « Trip », dont on ne revient pas forcément, mais qui laisse des traces de SMASHING PUMPKINS sur le col de la chemise, de sa rythmique pilonnée mais cool…PEARL JAM ? On pense à un inédit de la bande, mais non, c’est bien GRUNTRUCK, qui lui aussi était déjà prêt à cette époque…
Et puis l’écho à postériori de « Build A Hole » qui laissait présager d’un futur funeste de son trou dans la serrure sombre, au travers duquel nous regardons en bons voyeurs que nous sommes... « Machine II », qui nous explique d’acoustique sobre et de décharges électriques terribles à quel point ces satanées nineties étaient si importantes, en rejetant le barnum de vieilles gloires sur le déclin, et en retournant aux valeurs primales d’un Rock viscéral. Et puis cette longue suite terminale planante « Flang », psychédélique en diable, et légèrement tortueuse, parce que rien n’est facile…Et surtout pas affronter un temps qui se fige à intervalles réguliers pour nous faire croire que rien n’a vraiment changé, alors que finalement, même sans oublier, les souvenirs s’estompent pour nous laisser le cœur gros parfois. Il paraît que quelques dates sont prévues pour tourner un peu, mais pas forcément pour promouvoir, juste pour se mouvoir, émouvoir et pouvoir. Pouvoir rendre un dernier hommage à un ami disparu, et fêter le faux retour d’un groupe plus important qu’il n’y paraissait à l’époque. Une époque crue, vraie, qui aujourd’hui trouve un écho post-mortem sur l’un des disques les plus improbables de l’actualité, mais qui finalement, pourrait-être le plus sincère que vous puissiez écouter.
Titres de l'album:
J'ai réussi à dégoter le numéro 2 (improbablement sur Vinted...).Si une bonne âme veut se désister ou a un bon plan pour le #1... ... ...
16/04/2025, 10:47
Soit dit en passant ceux qui étaient a Anthrax au Zénith il y a quelques mois ont dû prendre un sacrée branlée ! Un groupe doté d'une pêche d'enfer et qui a mis la salle a genoux direct sans temps mort. Tuerie que bien des jeunes peuvent re(...)
15/04/2025, 18:28
Moi j'aime bien les masques ^^. Ils tombent lorsque la personne se révèle ne pas être en connaissance d'éléments de contexte et se permet d'émettre des généralités sans savoir ni approfondir le genre décrié(...)
15/04/2025, 17:29
Il faut évidemment attendre l'album complet, mais le titre a été composé par Jim Durkin avant sa mort. Ceci étant dit; j'espère que l'album en question sera d'un autre niveau, parce que le cahier des charges de tous les reproches que j(...)
15/04/2025, 16:56
@Gargan, non malheureusement, je n'ai pas pu y aller. Je m'en mords encore les doigts...
15/04/2025, 16:51
On peut avoir tourné la page, écouter des nouveaux trucs, mais se faire un kiff en réécoutant ou en allant voir les anciennes légendes d'un style selon moi. L'un empêche pas l'autre. Alors oui c'est des papis (encore que Slayer sur sc&e(...)
15/04/2025, 08:56
Imagine un concert avec Maiden Slayer Megadeath et Metallica, imagine à quel point se serait de la merde.
15/04/2025, 08:17
Et va te faire foutre avec ton histoire de masque à la con, comme si je cachais quelque chose.
15/04/2025, 07:56
J'en ai juste marre des nostalgiques à la con qui sont incapables de tourner la page. Tu aurait une reformation avec tout les membres de ton groupe que tu aimais ado en fauteuil roulant que tu aurais un public pour dépenser 500 balle le ticket. Oui c'est à charge..
15/04/2025, 07:52
Les masques tombent. Je vois. Ton post n'a donc aucune crédibilité vu que c'est à charge. On se demande donc bien quel est son intérêt ici. Un mystère de plus. Comme si moi j'allais poster sous un groupe ou sous un style dont je me balec. Br(...)
15/04/2025, 06:37
Tu as des mecs qui déboursent une fortune pour aller voir les vieillards de Black Sabbath jouer péniblement, à un moment il faut tourner la page désoler, pareil pour Maiden et compagnie.
15/04/2025, 05:15
Oh mais si ça ne tenait qu'à moi tout ce qui est heavy ou thrash speed et compagnie c'est poubelle. On a poussé le metal plus en avant, ces reculs nostalgique d'adulescent c'est pas pour moi.
15/04/2025, 05:06
On reconnaît quelques intonations de Rinehart mais a l'instar de Doty, qu'on a pu entendre sur des réenregistrements, ça sonne pas terrible. Bon attendons tranquillement l'album.Par contre pas d'accord avec les posts précéde(...)
14/04/2025, 17:28
Je rejoins en partie Arioch91...le chant? Et la production? Ca manque d'âme je trouve, en tout cas si je compare à "Darkness Descends" ( oui, c'est le seul album que je connais d'eux....)....
14/04/2025, 14:35
Un petit message hors sujet mais bon, je regrette en effet la disparition du Fall of Summer...
14/04/2025, 14:30
Bon ça me parle déjà plus que leurs dernières sorties, on retrouve un peu d'adhérence dans les guitares, à voir !
14/04/2025, 07:29
La différence de style n'est pas surprenante, ils n'ont jamais refait le même album. Mais ça rend mou, fatigué, sans inspiration... et décevant après une si longue attente. Espérons que le reste soit meilleur.
13/04/2025, 12:10