Et là vous vous dites que le chroniqueur a perdu le sens de la temporalité, pour vous parler, plus d’un an après d’un album qui visiblement, n’a pas attiré les foudres des dieux de l’underground. Vous n’aurez pas tort, mais parfois, faire un tri dans les mails promotionnels reçus demande un travail fou et aboutit à des impasses involontaires. C’est ainsi qu’en retombant sur un message de mon ami canadien John Asher, j’ai découvert ce LP des RAIDER, et immédiatement après avoir écouté l’œuvre en question, j’ai décidé de le remettre en avant d’une façon un peu tardive. Je m’en excuse d’ailleurs, car ce premier jet des originaires de Kitchener/Waterloo est une pure bombe qui aurait dû vous exploser à la face en temps et en heure, mais qui un an et quelques après sa parution n’a rien perdu de sa puissance. Débarquant de nulle part après une unique démo en 2018 (Urge To Kill, tu m’étonnes), RAIDER est le genre même de groupe qui ne paie pas de mine, qui refuse toute originalité, mais qui dévoile ses monstrueuses qualités lorsqu’il s’agit de faire parler la poudre. Fondé il y a une poignée d’années, ce collectif en quintet (Brandon Sanders - basse / Kevin Withers - batterie / Gabe Rosa - guitares, chœurs / Angelo Bonaccorso - chant / Ira Lehtovaara - guitares) nous offre donc sa propre version bien méchante d’un Thrash à tendance Death qui ne sera pas sans rappeler les plus grandes références du genre, alliant la vilénie d’un MERCYLESS à la précision clinique d’un LOUDBLAST ou d’un NO RETURN. Les comparaisons frenchy sont bonnes, mais on pourrait évidemment évoquer aussi un TESTAMENT remonté comme un notaire à l’ouverture du bureau, un MORBID ANGEL passé du côté clair de la force, un SKELETONWITCH récuré au papier de verre, ou un CARCASS en version plus Heavy et moins dégueulis. En somme, le meilleur du brutal du costaud, et dans la forme et le fond, Guardian of The Fire est une œuvre plus que recommandable, et osons le terme, indispensable.
Je le disais, aucune créativité de surface, juste du rentre-dedans, des guitares qui découpent menu pendant quarante-sept minutes, une énorme basse qui claque et fouette, un batteur qui connaît la souplesse de sa double pédale et la fluidité de ses baguettes, et un chant ambivalent entre la séduction rauque suédoise et la harangue virile américaine. Et comme pour bien souligner leurs intentions, les canadiens commencent le massacre sans intro, et nous jettent dans le fiel de lave de « Bound by No Fate », qui dès ses premières secondes jaillit comme un Trump déchaîné sur Twitter. Gros son, assise classique à la JUDAS PRIEST de Painkiller, ambiance gentiment Heartwork de CARCASS, pour un festival de violence qui n’est pas sans rappeler les dérapages mythiques de DEMOLITION HAMMER, en moins wrecking ball, mais en plus bulldozer. Mélodies empruntées à SLAYER pour alléger la fournaise, production gigantesque qui met tout le monde en avant, chœurs revanchards, et vogue la non galère sur l’océan de la bestialité chirurgicale. Impressionnant et les muscles bandés dès les premiers instants, Guardian of The Fire le restera tout du long, malgré des morceaux aux durés étirées. Souvent au-dessus des six minutes, les titres s’enchaînent sans manquer de souffle, mais sans trop répéter les mêmes astuces. Sans forcément vraiment varier le propos, les membres de RAIDER savent quand même agencer leurs plans pour garder l’écoute attentive, et ne sont pas avares de breaks méchamment Heavy, de soli harmoniques ou complètement débridés, d’accélérations fulgurantes et de breakdowns qui tassent les vertèbres. En résulte une écoute en montagnes russes, qui envoient les G dans la tronche, mais qui savent aussi ralentir le rythme pour ne pas donner la nausée.
Je l’avoue, il y a très longtemps que je n’étais pas tombé sur un album aussi ouvertement violent, et le plaisir retiré de cette chronique n’en fut que décuplé. D’autant que la charge est lourde, et constante. Ainsi, après les cinq premières minutes de débauche sonique, « No Sign of the Dawn » impose immédiatement un mid-tempo dissonant, avant une fois de plus d’accélérer les débats pour mixer le Thrash le plus furieux d’EXODUS au Death sans pitié d’un AT THE GATES. On croit rêver face à ce tsunami de riffs qui percutent la berge de nos cauchemars les plus rudes, mais les canadiens tiennent fermement la barre, et nous assassinent de licks ciselés et d’un chant toujours aussi hargneux et mordant. Attendant vainement que la bourrasque ne se calme et qu’on puisse rejoindre l’œil du cyclone, on s’accroche aux branches et on garde les oreilles bien ouvertes pour saisir toutes les finesses d’un batteur qui n’oublie pas ses fills durant ses démonstrations de force de chevilles, et si toutes les assertions possèdent le même ADN, les canadiens parviennent de ci de là à insuffler quelques intros plus sombres que la moyenne qui débouchent sur une guerre de position Heavy (« Guardian of the Fire » qui évoque avec brio le meilleur de GRIP INC), ou à nous étouffer sous une charge monumentale qui ensache la saccade par paquets de dix kilos (« Infernal Justice »). Si les cinq musiciens sont tous de redoutables techniciens dans leur coin, c’est leur cohésion globale qui fait froid dans le dos, et admettre le fait que Guardian of The Fire n’est qu’un premier album a de quoi laisser pantois, tant la maîtrise dont il fait preuve pourrait faire des envieux chez les têtes d’affiche. Je reste aussi hébété du potentiel de ces deux guitaristes qui parviennent à réconcilier Lee Altus et Alex Skolnick, tout en riffant comme un Gary Holt en pleine crise d’euphorie.
Alors, comme je le disais, rien d’original. Une recette éprouvée par le temps, mais un panache incroyable dans le classicisme. Des morceaux qui restent dans les mémoires, et qui frappent sans laisser groggy. Des moments de groove pur (« Ravenous Hydra »), une attaque limpide à la Jeff WATERS et un salut de la main à ANNIHILATOR, mais gardons en tête que si les RAIDER ont beaucoup écouté de Death dans leur vie, leur musique n’en reste pas moins le plus beau crossover ouvert sur le Thrash de ces dernières années, le genre de LP que Nuclear Blast ou Massacre proposent à longueur d’année, en moins standardisé et aseptisé. J’aurais certes dû vous avertir avant, mais que voulez-vous…Mieux vaut tard que jamais !
Titres de l’album:
01. Bound by No Fate
02. No Sign of the Dawn
03. Endless Vengeance
04. Guardian of the Fire
05. Infernal Justice
06. Ravenous Hydra
07. Offering of Souls
08. Destroyer
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30
Un bouquin est sorti là-dessus, "The Tape Dealer" de Dima Andreyuk ( fanzine Tough Riffs)...
10/02/2025, 15:31
Toute ma jeunesse.Mais franchement, je ne regrette pas cette période : Le nombre d'heures "perdues" à remplir des K7s et faire les pochettes bordel... ... ...
10/02/2025, 10:16
Um som genuíno e nostálgico.Eu olho para Um poema morto, com grande carisma, com a esperança de que a boa e velha desgraça dos anos 90 ainda respire. Abstract Existence, talvez, seja o &(...)
09/02/2025, 11:22