Guilty Pleasures

Soren Andersen

04/10/2019

Mighty Music

Reste-t-il un public pour les albums de guitare instrumentale ? Les enfants du hard-boom des années 80 se souviendront évidemment de la production pléthorique du genre, et spécialement de ce qu’on nommait avec un mélange d’admiration et de condescendance « l’écurie Mike Varney »…Tous ces cavaleurs de manche qui n’en pouvaient plus de nous impressionner de leur dextérité, avec parfois quelques idées intéressantes, mais aussi énormément d’égocentrisme pour satisfaire leur prétention. Pas un mois ne passait sans un Tony MacAlpine, un  

Joey Taffola, un Jason Becker, un Vinnie Moore, j’en passe et des plus dispensables, mais la leçon à retenir de cette tranche de passé est que l’histoire ne se souvient finalement que des véritables heroes. Et ceux de cette décennie ont trois noms, Joe SATRIANI, Steve VAÏ et Yngwie MALMSTEEN, point, à la ligne de la portée avec le plus de sextolets. En effet, malgré les effets, l’esbroufe, le faux talent caché derrière un paravent pour transformer la flagornerie en fausse humilité néo-classique, la légende de la guitare n’a jamais été dupe, et seul Yngwie Malmsteen’s Rising Force, Surfing with the Alien et Passion and Warfare ont passé l’épreuve du temps, au grand bonheur des allergiques au style. En 2019, l’affaire est toute autre et la problématique aussi. Les guitaristes en solo n’ont plus vraiment la côte, l’air du temps à méchamment changé, et seuls les véritables passionnés s’adonnent encore au genre, en prenant grand soin de soigner leurs compositions plus que leur chignon. Et c’est ainsi que débarque du Danemark le presque inconnu Soren ANDERSEN, avec son Guilty Pleasures, signé mondialement par Mighty Music, un label qui n’a pas pour habitude de se fourvoyer avec n’importe quel clampin. Mais deux précisions avant d’aller plus loin. J’emploie le terme « presque » à dessein, car le bonhomme a un CV plutôt fourni, et une crédibilité sans failles. Ensuite, le titre de l’album, clin d’œil s’il en est, est la preuve que Soren est parfaitement conscient qu’un tel album de nos jours tient du plaisir coupable, du caprice mis en musique, et que lui non plus n’est pas dupe de l’accueil potentiellement réservé à son œuvre.

Revenons quelques instants sur le parcours du danois. Si son plus haut fait d’armes est d’avoir accompagné le maître Glenn Hughes pendant plus de dix ans, et d’avoir produit son album Resonate, Soren ANDERSEN n’a pas été le sidekick de luxe d’un seul artiste, puisqu’on retrouve dans le listing de ses collaborations des noms aussi prestigieux que Mike Tramp (ex-WHITE LION), Marco Mendoza and Tommy Aldridge (ex-WHITESNAKE / THIN LIZZY), Joe Lynn Turner (ex-RAINBOW), PRETTY MAIDS, THE DEAD DAISIES, Dave Mustaine (MEGADETH), Eric Martin and Billy Sheehan (MR.BIG), ARTILLERY, TYGERS OF PAN TANG, Phil Campbell, ELECTRIC GUITARS et Jesper Binzer (D.A.D). Soit quelques membres capés du who’s who Hard Rock de ces trente dernières années. Et comme généralement, ces gens-là n’ont pas pour habitude non plus de faire confiance à n’importe quel tricoteur venu, autant dire que les références sont solides. Mais à vrai dire, et pour mieux situer le projet, autant se fier aux propos mêmes de l’artiste, qui confie avoir toujours eu envie d’enregistrer un album pareil depuis ses années collège, alors qu’il dessinait des racks de Marshall sur ses cahiers. Et comme il vaut toujours mieux s’imprégner des meilleurs, c’est sans étonnement que le danois a choisi de calquer son inspiration sur celle de Joe Satriani et Steve Vaï, même s’il admet avec beaucoup de modestie avoir un niveau largement inférieur au leur. Mais la musique n’a jamais été une affaire de compétition ni de technique, et seul l’envie et le cœur font loi, ce qui permet donc à ce premier effort instrumental de se hisser au niveau des réussites incontestables, en toute humilité, ce qui ne gâche rien.

Certes, et avec honnêteté, Soren ANDERSEN n’est ni le surfeur d’argent, ni le mystique ténébreux. Il n’a pas la facilité déconcertante du premier à trouver des mélodies immédiatement identifiables et mémorisables, et n’a pas le génie déconcertant du second pour placer des plans hallucinants toutes les quatre ou cinq mesures. Affirmons qu’il a le bagage suffisant pour enregistrer des chansons qui tiennent la route, et que ses soli sont souvent rapides mais mélodiques, ce qui permet à Guilty Pleasures de se laisser écouter avec grand plaisir, et de nous rappeler parfois de grands moments des eighties. Ainsi, le gros déroulé basse/batterie de « Bad Weather », sous couvert d’une caution Steve Vaï dans le vibrato, nous offre aussi un rappel des échanges entre Billy Sheehan et Paul Gilbert au sein de MR BIG, tandis que l’atmosphère électronique et dansante de « Agent Wells » nous écarte des sentiers trop battus. Il faut dire que le musicien a largement eu le temps de préparer son coup dans l’ombre, celle de sa patience et celle de ses collaborations illustres, et de fait de nous épargner les bavardages intempestifs et les sextolets pénibles. Ce qui ne l’empêche guère de cavaler sur son manche comme un dératé, mais jamais sans raison, et de faire preuve de panache lorsque les notes s’enfilent comme des perles autour du collier de sa nostalgie (« Beirut », rehaussé de quelques fioritures rythmiques délicieuses et ludiques). La tendresse et la mélancolie ne sont pas mises de côté, hommage au Satch oblige, et « Satori » de décalquer avec beaucoup de minutie et de crédibilité les B.O de ces films estampillés années 80, avec lumière des néons bleus et instant d’émotion entre les héros. 

Certes, le style étant figé depuis longtemps, les figures imposées sont respectées à la lettre. Mais Soren a la gentillesse de ne pas les suivre aveuglément, et d’avoir composé de véritables morceaux à ambiance, et non de simples véhicules à sa soif de reconnaissance en solo. Ainsi, « 1983 » nous replonge quelques années en arrière, sans vraiment retrouver l’atmosphère AOR de ces années-là, mais en suggérant que le Miami Vice de Michael Mann n’a pas été oublié par tout le monde. Accompagné par quelques guests fameux (Chad Smith des RED HOT CHILI PEPPERS, Glenn Hughes, Marco Mendoza et Ida Nielsen (Prince)), ANDERSEN se fait plaisir en nous en procurant aussi, module son propos, réussit à lui faire adopter des contours old-school tout en acceptant son passé et son présent, et nous offre de belles tranches de Hard-Rock saisies à point (« Agent Wells »), tout en déroulant le tapis rouge de la vidéo sur le clippé « City Of Angels » qui frappe fort en ouverture. Une aventure mineure au regard de l’histoire de cette musique, des emprunts notables et remarqués, mais beaucoup de pertinence, aucune arrogance, et la classe de ceux qui savent rester à leur place. De quoi se payer un trip passéiste sans trop se sentir coupable, et un Guilty Pleasures qui sans rentrer dans l’histoire, marquera celle de son auteur d’un grand sourire musical.

       

Titres de l’album :

                           1. City Of Angels

                           2. Agent Wells

                           3. The Kid

                           4. Satori

                           5. Skybar

                           6. Bad Weather

                           7. Beirut

                           8. Bird Feeder

                           9. 1983

                           10. Bipolar

Site officiel

Facebook officiel


par mortne2001 le 04/10/2019 à 18:15
78 %    1025

Commentaires (0) | Ajouter un commentaire

pas de commentaire enregistré

Ajouter un commentaire


Derniers articles

Winter Rising Fest 2024

Simony 20/11/2024

Live Report

Mars Red Sky + Robot Orchestra

mortne2001 17/11/2024

Live Report

Benighted + Anesys

mortne2001 02/11/2024

Live Report

Dool + Hangman's Chair

RBD 25/10/2024

Live Report

Rendez-vous

RBD 21/10/2024

Live Report
Concerts à 7 jours
Tags
Photos stream
Derniers commentaires
Moshimosher

Alors, autant j'apprécie beaucoup Wolfheart, et cette news ne va rien y changer, autant, pour moi, l'Arabie Saoudite est l'un des pires pays au monde... Alors, je ne suis pas arabophobe, mais ce pays pue terriblement ! Je plains les Saoudiens (et surtout les Saoudiennes) qui(...)

21/11/2024, 18:01

Tourista

Quelqu'un sait s'ils sont confirmés au Anthems Of Steel ?

21/11/2024, 17:17

Simony

Oui j'ai mes commentaires qui se mettent en double des fois....   

21/11/2024, 09:20

Orphan

"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)

21/11/2024, 08:46

Jus de cadavre

Est-ce qu'ils seront au Anthems Of Steel 2025 ? Pardon Simo   

20/11/2024, 22:29

Simony

Et ils seront au Anthems Of Steel 2025 !

20/11/2024, 17:30

Simony

Et ils seront au Anthems Of Steel 2025 !

20/11/2024, 17:30

Saul D

La relève de Manowar ( vu le look sur la photo)?

20/11/2024, 14:08

Tourista

Quand on se souvient du petit son des années 80...  Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique.   C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure. 

19/11/2024, 21:57

Jus de cadavre

Album jouissif ! Le pied du début à la fin !

15/11/2024, 17:19

MorbidOM

J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)

15/11/2024, 09:51

MorbidOM

@Gargan : ils n'ont pas pu jouer l'année dernière 

15/11/2024, 08:01

Gargan

Oh purée les « clins d’œil » au Hellfest et à Glaciation  

15/11/2024, 07:18

Gargan

Encore Magma!

14/11/2024, 20:20

Tourista

Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément.  (...)

14/11/2024, 09:20

Humungus

Ca c'est de la pochette !

13/11/2024, 09:18

Tourista

Ben voyons. Le mec qui planque des jetons sous la table !

12/11/2024, 17:51

Gargan

QUADRICOLOR 

12/11/2024, 13:23

Humungus

Pas mieux.3 lettres : ÂME.

12/11/2024, 11:14

Tourista

5 lettres : MAUVE. 

12/11/2024, 06:50