Admettons que comme tonton, vous aimiez vous faire mal avec la musique. Enfin, par musique j’entends : chaos, désorganisation, agression et dissonances. Alors, comme tonton, vous connaissez déjà un paquet de groupes venus des Etats-Unis, de Pologne, d’Espagne, du Brésil, de ceux qui vous laissent des séquelles à vie et mettent en danger votre santé mentale. Je m’adresse donc à vous, bande de fous, qui n’aimez rien tant qu’un album qui vous écorche les tympans en hurlant des insanités diaboliques. THANATOMASS vient de sortir son premier album, et je parie mon salaire contre une feuille de blette que vous allez les adorer.

Et pour cause, ils sont immondes. Ignobles, sales, sans pitié, décadents, et bruyants au possible. Au maximum de leur rendement, ces tarés collent la honte à toute l’école sud-américaine des années 80, et une bonne rouste aux encapuchonnés Black Metal de la décennie suivante. A vrai dire, mieux vaut les envisager comme les violeurs suprêmes d’audition qu’ils sont, histoire de s’en sortir avec le moins de dommages possibles. Ce qui en soit, est impossible selon la quadrature du cercle.

Formé je-ne-sais-quand je-ne-sais-où en Russie, THANATOMASS est un trio de pas gentils malades mentaux, totalement obsédés par le bruit, la débauche, le ventre en avant et autres facéties en cuir et clous achetés au kilo. TLG (basse), V.Scorn (batterie) et A.Thanatos (guitare/chant) incarnent donc le nouveau trio à la mode, celle qui vous fout les miquettes et qu’on ne voit ni sur les podiums ni à la télévision. Le genre de mecs si mal élevés et mal embouchés qu’ils refusent de s’essuyer les pieds sur le paillasson, ou de saluer la maîtresse de maison. Leur label, enthousiaste autant que craintif de représailles, les couvre de louanges, allant jusqu’à citer les mythiques SARCOFAGO pour les situer. Alors, OK, mais derrière il faut assurer. Ce qui est fait dans les grandes largeurs, et avec un sens de la provocation très à-propos. 

Hades est donc le premier album de ces marsouins, et dire qu’il cogne vite et bien est d’un euphémisme lénifiant. Enrobé dans une production tout ce qu’il y a de plus irritante, avec des médiums saturés à outrance et une voix sous-mixée (ne parlons pas de la batterie qui imite à merveille un concert de quincaillerie), ce premier long surprend, prend à revers et vous baisse le pantalon pour un aller-retour sans lubrifiant.

Manifeste de haine absolue, Hades recoupe les pistes, et confronte le Black Thrash bestial du Brésil et le Black perçant de la Russie. Sans compromis, sans aucune concession, il alterne les séquences d’ultraviolence et les parties assourdissantes pour créer un vortex de chaos impénétrable, vouant un culte à toutes les formations les plus malsaines de l’underground d’il y a trente ou quarante ans. Les travers se manifestent par des riffs rouillés qui filent le tétanos des oreilles, une rythmique qui fait ce qu’elle peut pour rester régulière mais qui a du mal, et évidemment, des incantations diffuses et véhémentes qui ne donnent pas envie d’en savoir plus quant aux hobbies de ces messieurs.         

Mais ces gens-là, aussi rustres soient-ils, sont des esthètes de l’horreur. Après tout, on ne colle pas deux compositions de plus de dix minutes sur un disque pareil sans avoir les pires intentions du monde. « Templvm Carnalis / Vomit Ceremony » fonce donc sans crier gare ou aéroport, et nous lamine le moral de ses attaques constantes, entre Black vomi et Death/Black honni. L’ambiance est évidemment en fournaise, et il est conseillé d’écouter ce disque en t-shirt fin et avec un état d’esprit idoine. Sinon, c’est la camisole à vie, avec de sérieuses crises de paranoïa à en bouffer les draps de son lit.

De l’autre côté du spectre, et pour s’en aller avec morgue et satiété sadique, « Retromass (Morbid Ordinance of Doom) », moche comme du HELLHAMMER du jour de marché, lenteur, oppression, insistance et pamoison. On se prend donc d’affection pour ces mercenaires du Black paillard et gaillard, hymnes en avant, exagération permanente, et brouhaha de circonstance. Pas vraiment le genre du musique qu’on passe pour un bal de débutantes, mais une sérieuse B.O de film dépravé, entre horreur cheap et Gore mutilé.

Mais le pire dans tout ça, c’est que THANATOMASS donne le sentiment de savoir exactement ce qu’il fait. Si certaines idées infectes semblent tout à fait gratuites, la plupart des agencements sont logique, coulent de source, et répondent à un besoin de structuration dans l’abomination. J’en tiens pour preuve le sublime de stupre « Living Tombs Of Tartaros », qui renvoie l’Amérique du Sud à ses chères études, entre deux hurlements saisonniers et deux accélérations de chantier.

Celui imposé par Hades est imposant justement. Friche détournée de ses obligations sociales, ce premier long n’est rien de moins que l’exploration des travers les moins recommandables de l’espèce humaine, la seule capable de détruire son environnement pour cause de profits. Ici, le profit est aussi la perte, celle de trente pour cent d’audition et de la majorité de vos illusions.    

Titres de l’album:

01 Katabasis (Intromass)      

02 Templvm Carnalis - Vomit Ceremony

03 Gravedance Sabbath        

04 Living Tombs Of Tartaros

05 Sorcery Of Hades 

06 The Bone Nimbus 

07 Retromass (Morbid Ordinance Of Doom)