Le Thrash suédois est ce qu’il est, et dans les années 80, si les noms d’AGONY, de DAMIEN, d’ICE AGE, de KAZJUROL, ou d’HEXENHAUS peinaient à cacher la partie immergée de l’iceberg BATHORY (qui lui aussi, n’en déplaise à la majorité bruyante en jouait, malgré la croyance collective l’affiliant avec bêtise au Black Metal), il avait le mérite d’exister et de tenter de s’imposer, malgré la domination incontestable des américains et des allemands, qui avaient conjointement inventé et popularisé le style. Depuis, les choses ont évolué, et la situation s’est presque inversée, tant ce petit pays représente un réservoir quasi inépuisable de formations s’adonnant aux joies du riff syncopé et de la rythmique enlevée. On le sait, les scandinaves ne sont jamais aussi à l’aise que dans l’art de la nostalgie, qu’ils expriment plus volontiers sous un axe Hard N’Heavy, mais la mainmise opérée sur le terrain Death dans les années 90 leur a permis de maîtriser la violence pour mieux la restituer sous un jour plus nuancé, laissant une poignée de groupes de nos jours rattraper le retard accumulé pendant toutes ces années. Il est inutile de chercher à recenser tous les acteurs locaux actuels, mais on pourrait ajouter à cette liste virtuelle le nom des DEFIATORY, qui s’ils auraient largement eu leur place au sein du triumvirat USA/Allemagne/Amérique du Sud il y a trente ans, se sentent tellement bien dans leur époque que cette transposition n’a pas forcément lieu d’être. Non, ces musiciens là, tout en assumant l’héritage encombrant d’une décennie qui a tout écrit et traduit, proposent leur idée très personnelle d’un Thrash faussement passéiste, mais concrètement actuel, et nous exposent leurs vues sur une seconde réalisation longue-durée, qui prend subtilement ses distances avec la première.
Fondé en 2015 par le guitariste Ronnie Björnström après son départ d’AEON, DEFIATORY, qui n’était alors qu’un concept fut vite complété par l’arrivée du vocaliste Martin Runnzell, avant d’adopter la forme d’un quintette, qui aujourd’hui abrite la section rythmique en duo de Patrik Wall (basse) et Jon Skäre (batterie), et les talents de soliste de Ludvig Johansson. Et deux ans après l’introductif Extinct, le groupe revient donc sur le devant de la scène histoire d’expulser un regain d’énergie via ce terrassant Hades Rising, aux cinquante minutes presque bien tapées. Qu’attendre donc d’un second LP qui se veut translation du génie initial de la Bay Area dans les plaines suédoises ? Une solide dose de Thrash intelligent, qui affirme son allégeance au style tout en lui offrant un lifting mélodique prononcé, dans la grande tradition locale, sans qu’il ne perde son efficacité en route. On retrouve donc tout ce qui avait fait d’Extinct un album sous haute surveillance, ce chant grave et incantatoire, aux accents rauques mais délicatement dramatiques, ces chœurs guerriers, et ces accointances avec le Death national des nineties, sans que la balance ne penche du mauvais côté. Ici, point d’excès, mais beaucoup de finesse dans l’exécution, sans tomber dans les travers de la sophistication à outrance. Halte là, nous sommes ici pour headbanguer, et le message est bien passé, de morceau en morceau, même si parfois, la redondance s’invite au banquet. Avec une moyenne de quatre minutes et des poussières par titre, et plus d’une dizaine de ces derniers, les suédois n’ont pas misé sur l’économie, ce qui joue de temps à autres en leur défaveur, spécialement lorsque le terrain s’alourdit et gêne les mouvements les plus lestes (« Bane Of Creation » riff moshisant sympathique, mais chœurs fédérateurs à l’allemande qui alourdissent un peu la digestion).
Ce qui n’empêche nullement certaine saillies Heavy de faire le ménage en grand et de nous offrir quelques démonstrations en dualité grandiloquence/quintessence, comme le démontre le monstrueusement puissant « All That Remains », qui suggère une union pas si contre nature que ça entre la précision d’un ANNIHILATOR et l’emphase d’un ARCH ENEMY. Mais c’est dans ses déplacements les plus lestes que Hades Rising se montre le plus convaincant, et l’ouverture « In Hell » de nous y traîner sans hésiter, en développant une belle attaque sonique en règle, saccadée à outrance et au refrain digne de la sidérurgie germaine la plus huilée. Une entrée en matière tonitruante qui place les débats sur le plan de la violence, sans jamais exagérer ou jouer les timorés, mais en trouvant au contraire un très bon compromis entre vitesse et adresse, dans la plus grande tradition Bay Area du genre. « Dance of The Dead » confirme, et accentue un peu plus le volume, tout en s’autorisant un mid tempo particulièrement probant, mais en acceptant la nuance et l’ambivalence des tempi, nous pulvérisant d’une grosse caisse au son dantesque et de voix s’entremêlant avec férocité. On sent que le background du groupe provient d’horizons différents, tant le patchwork sent la diversité, mais le but n’en reste pas moins le même, se rapprocher des valeurs les plus sures du thème, via un « King In Yellow » presque progressif, et symptomatique de la transition entre les premières et secondes vagues californiennes, lorsque les combos ne rechignaient plus à tremper leur vilénie dans un Heavy plus dru. Il est certes possible de trouver ça un brin classique et trop formel, mais l’efficience du propos n’efface pas la brutalité habilement teintée de finesse, lorsque les plans se succèdent pour offrir des développements aussi féroces qu’agencés (« Stronger Than God »). Et quelques crises de rage moins contrôlées nous permettent même de laisser notre chevelure s’envoler (« Death Takes Us All », au parfum SLAYER « God Hates Us All » quand même très prononcé), ce qui fait culminer le tout à des hauteurs assez élevées.
Sans chercher à bousculer l’ordre établi, les DEFIATORY sont en constante recherche d’un équilibre parfait (« Morningstar », un peu CREMATORY dans le fond, mais résolument Thrash dans la forme), au point que l’on peut regretter qu’ils ne se lâchent pas plus et deviennent moins sages. C’est évidemment cette modération symptomatique qui incarne le talon d’Achille de l’entreprise, qui parfois, s’apparente plus à une forme plus débridée d’un Heavy acéré qu’à une incarnation Thrash déchaînée, même si quelques passages méchamment violents sauvent le navire de la dérive (« Metatron »). Mais difficile de faire la fine bouche face à un produit aussi millimétré, qui capte l’air du temps pour lui faire humer celui du passé, sans forcément rester trop lié à des performances de légende. Le bilan est donc largement positif, même si on peut espérer qu’à l’avenir les suédois sauront moins prédire que maudire, et oseront enfin franchir quelques limites pour catapulter leur Thrash hors de portée.
Titres de l'album:
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49