Au football, on célèbre souvent le fameux « coup du chapeau », ou hat trick en anglais. Ce qui revient en fait à louer l’adresse d’un joueur capable de planter trois buts dans le même match, d’affilée si possible. Mais le principe vaut pour toute discipline, même artistique, puisque lorsqu’un artiste se lance directement dans la production conséquente et réussit presque à chaque fois à atteindre ses ambitions, on peut aussi saluer ses qualités de dextérité, et lui concéder ce fameux hat trick si recherché par les sportifs. Et sans vouloir être chauvin, puisque la nationalité des groupes n’a que peu d’importance après tout, je soulignerai aujourd’hui la science exacte de musiciens français qui viennent de prouver via leur troisième album qu’ils appartiennent à cette catégorie d’artistes d’exception. AUTOKRATOR, en sortant ce très estimable Hammer Of The Heretics démontre en effet qu’il n’est nul besoin de passer régulièrement par les cases demo, EP ou split pour s’accomplir pleinement, et nous offre une suite parfaitement conséquente au monstrueux The Obedience to Authority, qui m’avait enthousiasmé il y a deux ans passés. En choisissant de rester fidèle à leur éthique, ces instrumentistes ont fait le bon choix, puisqu’on retrouve toutes les composantes de leur art sombre et violent, agrémenté d’un surplus de puissance au niveau des guitares, alors que le fond se veut inamovible et foncièrement bruyant. Certes, le créneau à hauts risques du Death à tendance Doom et Ambient n’autorise pas grande variation de ton, mais le trio (Loïc F - guitare/basse, Kevin Paradis - batterie et David Bailey - chant) parvient toujours à maintenir l’attention par un choix d’arrangements discrets mais patents, et quelques variations de grondements qui apportent une plus-value à leur cacophonie sourde et rampante.
Si Loïc reste toujours le maître d’œuvre de l’horreur, il a su s’entourer pour ce troisième LP d’une équipe à la hauteur de ses déviances. On trouve donc derrière le micro David Bailey, qui de son infâme voix caverneuse hantera bien des cauchemars à venir, et surtout, Kevin Paradis au kit (BENIGHTED, AGGRESSOR, MITHRIDATIC, ex-SVART CROWN), à la frappe monumentale apportant un écho cryptique à l’ensemble, tout autant qu’une puissance de feu à faire pâlir les flammes de l’enfer. De fait, nous nous retrouvons en pleine dégénérescence artistique, basée sur une déliquescence des sens, fondant ses préceptes sur une brutalité omniprésente, se caractérisant par d’incessantes attaques rythmiques et autres bourbiers de riffs en pleine décomposition. Les parallèles que j’avais dressés à l’occasion de The Obedience to Authority sont toujours aussi valables (GODFLESH, GNAW THEIR TONGUES), mais de nouvelles comparaisons sont possibles, notamment avec l’art cryptique des IN SLAUGHTER NATIVES et autres LUSTMORD, pour cette façon d’utiliser le son et son expression pure comme un instrument à part entière, tout comme des allusions à PORTAL, DEATHSPELL OMEGA, ou P.H.O.B.O.S sont pertinentes à des degrés divers. Mais les déconstructions en gigogne de Loïc, l’investissement total de David et Kevin font d’AUTOKRATOR l’individualité qu’il est, et permettent au projet d’éviter les affiliations directes qui ne seraient que poudre aux yeux pour tenter d’éviter d’admettre la réalité telle qu’elle est. A savoir que cette créature protéiforme est en train de devenir l’une des plus dangereuses de la scène internationale, et qu’elle sert dès à présent de référence ultime dans l’ignominie à bon nombre de combos.
Si vous n’êtes pas rompus à l’exercice, les efforts que demanderont Hammer Of The Heretics risquent d’être difficiles à fournir. Il faut en effet faire preuve d’abstraction, et d’accepter de s’immerger dans un cloaque de gravité, et si le trio ne cherche nullement à séduire les masses (leur démarche seraient plutôt inverse), ils parviendront une fois de plus à attirer vers eux les plus flingués de l’underground, qui trouveront en cette troisième étape un chapitre de plus à ajouter à la grande histoire de l’abomination musicale. Entre des lignes de chant qui sont autant de cris vomis à la face de l’espoir, une guitare qui geint sans cesse pour réclamer un meilleur traitement de ses fréquences médium, et une batterie qui rumine sa rage sur de longs interludes pesants avant de la laisser exploser sur des soudaines embardées de violence, le tableau est complet, et dur à regarder en face. Pourtant, on trouve toujours un motif accrocheur auquel se suspendre, une partie rythmique presque groovy dans l’esprit, et surtout, une atmosphère générale qui nous renvoie à notre propre nature d’animal presque dénué d’empathie, ce que confirment des lyrics qui s’accordent parfaitement à l’ensemble. Le groupe se permet même une citation dans le texte, via celui de « Le Sang Impur », adapté de Claude Joseph Rouget de Lisle, qui leur permet même l’une de leurs exactions les plus néfastes et développées. En presque dix minutes, le trio fait le tour de la question du Death à tendance Indus, Ambient et Drone de la plus efficace des façons, et règle son compte à l’harmonie, la décence, sans suffisance, mais avec la fierté d’avoir le talent nécessaire pour le faire. On y trouve le mutisme des artistes qui refusent tout principe de respiration (même si « Interlude » vient à propos juste après pour nous offrir un peu d’air), l’ascétisme des puristes de la brutalité qui enchaînent les plans douloureux avec les idées écrasantes, et le nihilisme des auteurs fuyant la moyenne d’agression comme la peste. Le mot d’ordre est ici d’aller au fond des choses sans refuser parfois d’aller trop loin et de friser les cimes du chaos, mais sans non plus verser dans l’ad-lib nauséeux et indigeste. Et le tout laisse une sale impression de souillure de l’âme…
En quatre véritables pièces, AUTOKRATOR nous rassasie sans pour autant varier son discours, qui semblera un peu roboratif pour les plus pointilleux. Il est certain que l’on retrouve de segment en segment un nombre conséquent de plans similaires, mais la production extrêmement compacte n’aide pas vraiment à différencier l’indissociable, et la production concoctée par Loïc lui-même se rapproche des travaux les plus difficiles d’approche des THE BODY, sans pour autant leur emprunter leur vocable. En ressort une impression de moiteur insupportable, et d’apnée intellectuelle qui empêche le sang d’accéder à notre cerveau, nous plongeant dans un état de conscience parallèle, propice à l’appréhension de concepts étrangers à la lucidité. Il est évident que mon discours se veut un peu hermétique, voire abscons, mais il est très difficile de décrire cette musique qui n’en est pas vraiment une, mais qui n’appartient pas non plus aux débordements bruitistes les plus incongrus. Disons juste qu’on se demande vraiment où tout cela va finir, et que Hammer Of The Heretics, quoique moins volatile que le conceptuel The Obedience to Authority, se veut tout aussi cohérent, et unique dans sa quête d’absolu.
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
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NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09