« I saw my rock 'n' roll past flash before my eyes. And I saw something else: I saw rock and roll future and its name is Bruce SPRINGSTEEN. And on a night when I needed to feel young, he made me feel like I was hearing music for the very first time. »
Tout le monde connaît cette phrase, couchée sur papier le 22 mai 1974 dans les colonnes de Real Paper par un Jon Landau qui venait sans le savoir de rencontrer son alter-ego musical. Elle a depuis été reprise des dizaines de fois, souvent hors contexte, presque toujours galvaudée, et pourtant, elle avait un sens que peu ont su appréhender en temps et en heure, et plus du tout après. Car si Landau faisait preuve d’un optimisme et d’une certitude touchants dans cette constatation lapidaire, il montrait surtout que le Rock N’Roll, entre de bonnes mains, savait encore jouer son rôle le plus important. Rendre vivant. Rendre heureux, faire ressentir ce souffle épique, cette sensation d’être hors du temps, et surtout, de croire que la musique d’un artiste nous est directement destinée, à nous, les glorieux élus ayant su en décoder les signes. Et aujourd’hui, la portée de ces phrases prononcées dans l’excitation du moment reste toujours d’une acuité terrifiante au moment même où on se demande si le Rock a toujours de quoi faire se lever les foules comme un seul homme, et non satisfaire le portefeuille des labels et managers qui prennent en charge le destin de groupes qui n’en demandaient pas tant…La presse, anglaise, américaine, et française aussi pourquoi pas, sont toujours promptes à dégainer les superlatifs histoire de mettre en avant leurs pseudos éclairs de génie, mais ne nous y trompons pas. Les véritables héros agissent souvent dans l’ombre, bien loin de leurs hagiographes qui à grands coups d’emphase littéraire les hissent au niveau d’incarnations divines qu’ils ne sont pas. Combien de fois a-t-on tenté de nous refourguer la dernière sensation à la mode, sous prétexte que leurs chansons étaient dignes d’un leftover des STONES, des WHO, de LED ZEP ? On pourrait mettre dans ce panier les CLASH (qui le méritent, eux), les U2, les MUSE pourquoi pas, et à un degré inférieur mais qui nous concerne plus directement, les JETS, les LIBERTINES, et tant d’autres qu’une liste ne suffirait pas à les recenser.
Alors, lorsque des Jon Landau amateurs se répandent en louanges à propos d’un combo sorti de nulle part, il convient d’adopter la posture la plus raisonnable qui soit. La méfiance.
Les DOOMSDAY OUTLAW n’ont pas demandé à incarner le personnage le plus difficile à assumer qui soit, celui de sauveur d’un Rock qui n’a plus besoin de personne depuis longtemps pour représenter la seule musique qui ose encore se ressourcer dans le passé de l’adolescence pour en incarner le futur adulte. Sauf que ce futur-là est déjà écrit, et certainement pas par la dernière tournée lucrative des ROLLING STONES ou l’album bâclé d’un dinosaure qui a oublié en route qu’il fallait transpirer et surtout, y croire pour continuer avancer. Plus personne ne se rebelle vraiment, et tout le monde accepte les règles du jeu. De l’envie d’abord, lorsque les caves et les petites scènes font rêver de grands espaces et de tour-bus classieux avec minibar rempli à ras-bords, puis ce fameux premier album qui définit les grandes lignes de la conduite à suivre. Et puis, ce fameux « buzz » qui abuse de son pouvoir pour nous refourguer des starlettes sans lendemain, avant que le véritable buzz ne fasse le tri entre les talentueux et les fumistes. Et ces cinq originaires de Derby n’ont pas grillé les étapes, en publiant leur premier album à compte d’auteur, ce Suffer More qui déclencha des réactions épidermiques, au point d’occulter toutes les sorties parallèles. On entendit et lut des choses comme « l’album de l’année », « une découverte, LA découverte », « un groupe qui pourrait sortir un disque tous les six mois sans perdre son talent en route », et autres dithyrambes rédigées d’une plume enthousiaste, mais qui méritaient un peu d’attention. Les DOOMSDAY OUTLAW étaient-ils vraiment ces rebelles du Rock n’ayant cure des us et coutumes, et jouant crânement leur musique en affichant une confiance d’adolescents prêts à renverser la hiérarchie pour s’y établir des guitares fermes ? Il convenait une fois encore de faire preuve de patience, et d’attendre la suite des évènements, qui cette fois-ci allait prendre une tournure plus qu’attendue, celle d’une signature inévitable, avec le ponte de Frontiers, ce truculent mais fouineur Serafino Perugino qui ne passe jamais à côté d’une bonne affaire. Et justement, flairant le filon, l’italien attachant leur déroula le tapis rouge, et leur permis d’entrer en studio pour enregistrer ce qui devait représenter LA confirmation d’un talent énorme émergent, sous la forme de onze morceaux, gorgés de Rock bien sûr, mais aussi de Blues, de Soul, de Hard-Rock, et de…musique, tout simplement. Et ne vous leurrez pas, aussi cloisonnés soient les genres, Hard Times n’est rien de plus qu’un album de musique, et peut-être en effet la plus extraordinaire que vous pourrez écouter ces derniers temps.
Pour un label qui compte dans ses rangs des légendes comme WHITESNAKE, URIAH HEEP, et des valeurs sûres de la trempe des WAYWARD SONS ou d’INGLORIOUS, l’erreur de jugement est rarement pardonnée. Mais après une heure passée en compagnie de leurs nouveaux poulains, les responsables du label italien peuvent souffler, une fois encore, ils ont vu juste. Car Hard Times est plus qu’une confirmation, c’est une transcendance, mieux, une transhumance des fans vers de plus verts pâturages, là où l’herbe pousse dru et ne se rase pas. Un horizon connu, mais aussi un havre de paix, ou les notes s’envolent sans exploser comme des bulles de savon, et où la lande se pare des rêves les plus fous, comme celui qui vous pousse à croire que l’authenticité aura toujours raison du marketing d’une façon ou d’une autre. Plus prosaïquement, ce second chapitre écrit et interprété par le quintette (Steve Broughton & Gavin Mills - guitares, Indy Chanda - basse, Phil Poole - chant et John Willis - batterie) pourrait s’appréhender comme le résumé parfait de trois ou quatre décennies de musique électrique, et amplifiée par un feeling hors-norme, le genre qui vomit le préfabriqué pour préférer les saveurs d’origine. On y retrouve tout ce qui avait fait le charme de ce premier album loué au-delà du raisonnable, mais bien plus encore. On y retrouve des guitares qui suintent le feeling et le Blues par tous les pores Rock, ce chant emphatique, lyrique et empourpré qui nous fait battre le cœur plus vite que de raison, et surtout, ces mélodies qui nous entraînent dans un ailleurs qui n’est nulle part ailleurs qu’ici. Et on y trouve des chansons comme « Will You Wait », qui se veut déclaration d’amour à la liberté d’expression, et qui parvient à conjuguer l’esprit Soul des BLACK COUNTRY COMMUNION et l’âpreté sombre d’ALICE IN CHAINS, pour presque huit minutes de Post Hard Bluesy, qui n’hésite pas à piocher dans les années 90 de quoi alimenter ses fantasmes de seventies. On y trouve aussi une des mises en jambes les plus étonnantes qui soit, ce « Hard Times » qui pourtant préfigure des lendemains qui chantent, et qui osent singer les tics des BLACK STONE CHERRY pour se la jouer faux-Grunge du pauvre. Des choses plus évidentes, comme ce lapidaire et syncopé « Over And Over » qui rapproche encore plus les BADLANDS du fantôme de Kip WINGER, ou plus difficile, comme cette sublime ballade « Into The Light », qui jette sur le tapis quelques notes de piano pour les recouvrir du linceul d’un violon, et qui démontre au passage que Phil Poole est sans doute l’un des chanteurs les plus doués de sa génération, parfaitement à l’aise en suivant les traces de Glenn Hughes ou Paul Rodgers.
Cette dualité, cette sensibilité cachée sous des strates de riffs qui n’ont de cesse de nous surprendre et nous prendre à revers, ces chœurs collégiaux qui incendient la nuit, ces petits arrangements de clavier en arrière-plan, ne sont pourtant que des astuces connues que tout le monde a déjà utilisées par le passé. Des astuces éprouvées, qui permettent aux jeunes musiciens de citer Stevie Wonder dans un contexte WHITESNAKE (« Break You »), ou de se souvenir de la magie de Page & Plant au moment de trousser un thème à rendre folle la jeunesse américaine (« Bring It On Home »). Enfin oui, la recette est connue, les déliés et déroulés aussi, mais même en sachant tout ça depuis l’orée du Rock, on se fait avoir une fois encore, parce que les DOOMSDAY OUTLAW sont de cette race de groupes qui n’ont pas honte de leurs racines, et qui les assument comme autant de tables de loi avec lesquelles on ne joue pas à la légère. Et pourtant, Hard Times, malgré ces années difficiles qu’il nous prédit sait rester léger comme un LP de Hard-Rock des années 80, tout en gardant la profondeur nécessaire pour noyer la nostalgie dans un grand verre de bonheur. Et puis, lorsqu’on finit son travail sur un terriblement Heavy « Too Far Left To Fall », basse ronflante en avant, riffs en tapis d’électricité, pour une réunion impromptue entre la mort du Rock (le Grunge) et sa renaissance (la vague vintage suédoise), c’est qu’on sait parfaitement ce qu’on fait, candide ou pas. Et de là, quelle importance qu’on essaie encore de nous vendre ces anglais comme des superhéros capés sans cape, mais avec flight-case juste assez abimé pour qu’on comprenne qu’ils ont bien bourlingué. Puisque leur musique est sans doute ce qui se fait de mieux sur le créneau actuel, sans chercher à le prouver, mais en se mettant en avant par ses propres qualités.
Alors, non, je ne m’appelle pas Jon Landau, et mon avis n’a qu’une valeur mineure dans le torrent de compliments auquel les DOOMSDAY OUTLAW seront exposés dans les mois à venir. Mais moi aussi, je peux le dire, j’ai senti le souffle du Rock à ce moment précis. Et je ne sais pas s’il en incarne un avenir. Mais il est mon présent, et ça, c’est déjà très bien.
Titres de l'album:
1. Hard Times
2. Over And Over
3. Spirit That Made Me
4. Into The Light
5. Bring It On Home
6. Days Since I Saw The Sun
7. Will You Wait
8. Break You
9. Come My Way
10. Were You Ever Mine
11. Too Far Left To Fall
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